Test Blu-ray : Les granges brûlées

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Les granges brûlées

France, Italie : 1973
Titre original : –
Réalisation : Jean Chapot
Scénario : Jean Chapot, Sebastien Roulet, Frantz-André Burguet
Acteurs : Alain Delon, Simone Signoret, Paul Crauchet
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h39
Genre : Policier, Drame
Date de sortie cinéma : 30 mai 1973
Date de sortie DVD/BR : 9 avril 2021

Dans le Haut-Doubs, une ferme enfouie sous la neige enferme pour l’hiver une famille, un troupeau et les tonnes de fourrage nécessaires. Cette famille, c’est celle de Rose, 50 ans, robuste, intelligente, sans méchanceté. Elle règne sur sa petite tribu : un mari, des enfants, des belles-filles, des petits-enfants. Et jusqu’à la nuit où le cadavre d’une jeune femme poignardée avec sauvagerie est découvert proche de la ferme, la famille de Rose vivait une vie quotidienne sans histoires. L’enquête se déclenche, et très vite, le juge d’instruction, Pierre Larcher, en vient à soupçonner la ferme et en particulier les fils de Rose. C’est entre Larcher et Rose, ces deux forces face à face, que va se jouer cette partie, que s’engage ce duel à mort…

Le film

[4,5/5]

Tourné deux ans après La veuve Couderc, dans le but avoué de réunir à nouveau à l’écran Alain Delon et Simone Signoret, Les granges brûlées est un projet de cinéma porté par la personnalité de Jean Chapot, homme de théâtre parachuté pour l’occasion derrière la caméra à la demande de son amie Simone Signoret. Les problèmes de production survenus sur le tournage du film, qui ont finalement entraîné l’éviction de Jean Chapot du poste de réalisateur, sont également entrés dans la légende autour du film, et ont contribué à façonner de ces Granges brûlées une image vaguement négative, comme s’il était entré dans l’inconscient collectif qu’il s’agissait là d’un film forcément inférieur au film de Pierre Granier-Deferre.

Si beaucoup de cinéphiles se rangeront à cet avis, il est néanmoins permis de trouver au film de Jean Chapot un charme bien supérieur à celui, somme toute assez consensuel, de La veuve Couderc. Pourquoi, me demanderez-vous ? Hé bien tout bêtement parce que Les granges brûlées s’avère un film étrange, imprévisible, et attachant jusque dans ses maladresses.

Même s’il est imparfait, voire même “mal dégrossi”, on y retient d’avantage le face-à-face / bras de fer entre Alain Delon et Simone Signoret. D’une parce qu’il est quasiment impossible de prévoir ce qui va se passer durant la séquence suivante, et de deux parce qu’il développe tout du long une atmosphère poisseuse et une opposition ville / campagne typique du cinéma des années 70 – on pense souvent à L’affaire Dominici, sorti la même année.

Pourtant, Les granges brulées n’est pas, comme son illustre confrère, adapté d’un fait divers réel, mais entièrement né de l’esprit de Jean Chapot – que l’on soupçonne néanmoins d’avoir façonné son récit en ayant dans un coin de son esprit la fameuse affaire ayant mené Gaston Dominici derrière les barreaux. Paradoxalement, une partie de la force – et de la dimension subversive – des Granges brûlées vient aussi du temps qui nous sépare de sa sortie dans les salles obscures.

En effet, en tant que spectateur, l’entêtement du juge Larcher incarné par Alain Delon rappellera plusieurs “affaires” qui feraient, durant les décennies suivantes, les choux gras de tous les journaux. Impossible de ne pas penser au juge Lambert, s’étant fait connaître dans l’affaire du petit Gregory et s’étant donné la mort en 2017, ou encore au juge Burgaud, qui a instruit l’affaire d’Outreau… A cause de ce contexte lourd en erreurs judiciaires, Les granges brûlées prend forcément aujourd’hui une résonance particulière.

Personnage froid, observateur et taciturne, le juge Larcher se laissera, au fil du récit, peu à peu dominer par une intuition dont il ne démordra pas, et ce malgré l’admiration qu’il éprouve à l’égard de Rose Cateux (Simone Signoret), la matriarche régnant d’une main de fer sur sa ferme et le domaine des Granges brûlées. La conviction de Larcher est probablement liée à la condescendance qu’il affiche vis-à-vis de la campagne ; il ne connaît rien à la vie rurale, ni à ses codes. Son arrivée sur les lieux du crime en hélicoptère – symbole flagrant de la modernité qu’il entend représenter – est d’ailleurs, d’entrée de jeu, un signe de son mépris de classe manifeste.

La grande habileté de Jean Chapot dans la façon dont il amène son récit est, clairement, de placer le spectateur du côté du juge. Au fur et à mesure que l’enquête avance, le faisceau d’indices se resserrera de plus en plus autour de l’un des fils de Rose, Paul, incarné par un Bernard Lecoq encore bien chevelu à l’époque. De fait, Les granges brulées évolue comme un polar des plus classiques, l’enquête étant également parsemée de faux témoignages renforçant le sentiment de culpabilité planant au-dessus du clan Cateux.

Faisant office de lien entre la campagne et la ville, le journaliste incarné par Jean Bouise tentera de remettre le juge Larcher sur les rails d’une vérité lui semblant évidente, mais dont le spectateur ne pourra, non plus, être convaincu avant le dénouement du film. C’est d’autant plus clair que Rose est placée au centre de tous les débats, considérée comme responsable de tous les maux de sa famille. Elle est en effet désignée comme responsable de la pauvreté du clan, du malheur de ses enfants, et même des infidélités de son fils !

Au milieu de ces figures masculines présentées comme autant de lâches en puissance, on trouvera néanmoins le personnage de Françoise (Catherine Allégret), la fille de Rose (et fille de Signoret à la ville), qui semble être la seule à vouloir prendre en main son destin.

En deux mots comme en cent, Les granges brulées nous propose donc un puissant portrait de femme au cœur d’une enquête / prétexte à dresser l’état des lieux d’une France rurale de plus en plus repliée sur elle-même. La tension de l’ensemble est tour à tour sublimée par les superbes décors enneigés des environs de Pontarlier et mise à distance par la musique bizarroïde de Jean-Michel Jarre, qui parvient néanmoins à créer une ambiance inimitable.

La collection « La séance »

Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.

Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.

L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas des Granges brulées, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par StudioCanal avec la participation du CNC.

La septième vague de la collection « La séance » sera disponible à partir du 9 avril 2021 chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 43 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc Souvenirs perdus (Christian-Jaque, 1950), Fanfan la tulipe (Christian-Jaque, 1952), Brelan d’as (Henri Verneuil, 1952), Les grandes manœuvres (René Clair, 1955), La poudre d’escampette (Philippe De Broca, 1971) et Les granges brûlées (Jean Chapot, 1973). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.

Le coffret Digibook prestige

[5/5]

Film souvent un peu oublié au cœur de la riche filmographie d’Alain Delon, Les granges brulées débarque donc aujourd’hui sur support Blu-ray, sous les couleurs de Coin de mire Cinéma. Et force est de constater que le film de Jean Chapot bénéficie pour son arrivée sur support Blu-ray d’un magnifique upgrade Haute-Définition. Le master 4 K nous propose une restauration impressionnante, imposant un piqué précis tout en conservant la granulation d’origine. Le boulot a donc été fait – et bien fait – pour que nous puissions découvrir le film dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, le film est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 et mono d’origine évidemment. Le mixage s’avère tout à fait satisfaisant, clair et sans souffle parasite. Un bel écrin pour l’étrange bande originale du film, signée Jean-Michel Jarre.

Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose, outre la traditionnelle et inévitable bande-annonce du film, de reconstituer chez soi l’intégralité d’une séance de cinéma des glorieuses Seventies. Place donc aux inévitables Actualités Pathé de la 22ème semaine de l’année 1973 (9 minutes). On commencera avec un peu de sécurité routière, avec des pilotes de Formule 1 donnant des cours de perfectionnement et d’aide à la conduite. On se dirigera ensuite vers le Portugal et ses colonies (Macao, Angola), puis on retournera à Paris, dans le Quinzième, avec la toute nouvelle Tour Montparnasse, qui s’offre d’ailleurs quelques plans en couleurs. En revanche, on ne peut pas dire qu’elle fasse l’unanimité auprès des parisiens vivant dans ses environs.

Après la bande-annonce de L’affaire Dominici (dont on vous avait parlé en 2017, avant sa sortie en Blu-ray chez Coin de mire Cinéma), l’éditeur nous propose de continuer la séance avec une page de réclames publicitaires de cette année 1973 (10 minutes). Une bande de pirates trouvant un coffre de glaces « Mikorama » de chez Miko inaugurera le segment, suivis par un chauffeur de taxi stressé s’empiffrant de cacahuètes Pernut’s avant de se faire draguer par un prince oriental. On continuera ensuite avec des anges provoquant des orages en mangeant du Crunch, et avec un dessin animé présentant les avantages des rasoirs Bic. Après une chansonnette de Charles Trenet dédié au désodorisant Wizard, direction une expo d’Art moderne dénigré comme il faut par La Samaritaine, puis retour à la maison, mais là Patatras ! Il n’y a plus rien dans le frigo. Pas de panique, il y a Super B – S.O.S Bouffe, magasin alimentaire ouvert à Lyon de 7h à 22h. Ensuite, une publicité nous vantera les mérites du cocktail Schweppes / Cointreau, avec une belle petite idée sous-jacente de réussite sociale, puisqu’on le déguste tranquilou sur un yacht en savourant parallèlement un gros cigare avec des ami(e)s. On terminera avec un défilé de chaussures Eram très colorées vendues entre 25 et 99 francs (entre 4 et 15 euros), et avec des Volkswagen K70 s’amusant à faire une partie de foot avec un énorme ballon de basket. Une page de pubs placée sous le signe de l’inventivité…

Mais ce n’est pas tout, puisque Coin de mire Cinéma nous propose également un très intéressant making of rétrospectif hérité du DVD de 2005 (26 minutes). Ce passionnant document est centré sur les difficultés rencontrées sur le tournage, qui seront exprimées à travers des entretiens croisés avec Florence Moncorgé-Gabin (script-girl), Philippe Monnier (premier assistant réalisateur) et Jean-François Delon (co-premier assistant réalisateur). Ils reviendront pêle-mêle sur l’incapacité de Jean Chapot à diriger son équipe, ainsi que sur les rapports de force s’étant créés sur le tournage et les tensions entre le cinéaste et le reste de l’équipe. On apprendra donc qu’Alain Delon, hors de lui de n’obtenir aucune indication de la part du réalisateur, a petit à petit pris l’ascendant sur ce dernier, qui finirait par abandonner le tournage, restant à l’hôtel alors que l’acteur prendrait en main la réalisation des Granges brulées. « Pour le bien du film », nous précise Philippe Monnier, qui sentait bien que la situation était inextricable. Pour terminer, l’éditeur nous propose également de nous plonger dans un making of d’époque (9 minutes), nous proposant une courte visite sur le plateau, et des propos échangés avec Simone Signoret et Jean Chapot, qui reviendront sur les personnages principaux du film. Visite du village, des décors, entretien avec le boulanger du coin et avec Christophe Sassard, le plus jeune acteur du film… Anecdotique mais sympathique !

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