Les graines du figuier sauvage
Iran : 2024
Titre original : Daneh Anjeer Moghadas
Réalisation : Mohammad Rasoulof
Scénario : Mohammad Rasoulof
Interprètes : Misagh Zare, Soheila Golestani, Mahsa Rostami, Setareh Maleki
Éditeur : Pyramide Vidéo
Durée : 2h47
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 18 septembre 2024
Date de sortie DVD/Blu-ray : 4 février 2025
Synopsis : Iman vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement…
Le film
[4/5]
« A 52 ans, le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof a déjà connu tout ce qu’un pouvoir totalitaire théocratique peut imaginer pour entraver la liberté d’un créateur : confiscation de passeport, arrestation, emprisonnement, interdiction de sortie de ses films dans son propre pays. Malgré tout, le réalisateur a réussi à proposer régulièrement des films qui prenaient le chemin des grands festivals, le plus souvent Berlin ou Cannes. Des films qui étaient toujours primés, mais pour lesquels Mohammad Rasoulof n’avait pas toujours la possibilité d’être présent pour recevoir sa récompense. Pour Les graines du figuier sauvage, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, il était bien présent pour recevoir le Prix Spécial que le Jury lui avait attribué, mais dans des conditions bien spéciales : condamné à une peine de 8 ans de prison le 8 mai 2024, soit une semaine avant l’ouverture du Festival, il a réussi 4 jours plus tard à fuir son pays en traversant la frontière à pied au milieu des montagnes.
Dans Les graines du figuier sauvage, Rasoulof propose une vision métaphorique de l’Iran au travers d’une famille composée de 4 personnes. Iman, le père, représente le pouvoir oppressif. Bien que donnant l’impression d’avoir une certaine idée de la justice, il est favorable au pouvoir en place et il vient d’être promu à un poste de juge d’instruction, poste qui, inexorablement, l’amènera à prononcer des condamnations à mort. Najmeh, sa épouse, représente la population qui subit l’oppression sans vraiment se révolter. A côté de Iman qui vit sous l’emprise des dirigeants du pays, elle-même vit sous l’emprise de son mari. En fait, elle ne voit dans la promotion de son mari que tous les avantages qui vont l’accompagner, par exemple la possibilité d’aller vivre dans un nouveau logement où les deux filles du couple auront chacune leur chambre. Rezvan et Sana, les deux filles, représentent la jeunesse iranienne. Le moment où survient la promotion de leur père coïncide avec les manifestations de la jeunesse suite à l’assassinat de Jina Mahsa Amini. Revzan et Sana ne sont pas présentes dans ces manifestations mais certaines de leurs meilleures amies le sont et les savoir arrêtées, les savoir maltraitées, les savoir blessées et savoir que leur père fait partie du camp des bourreaux, tout cela les amène à réfléchir. Entre Iman et ses filles, la situation ne peut qu’empirer lorsque disparaît son arme de service, une arme qu’on vient de lui donner afin de se défendre en cas de besoin et Iman risque 3 ans de prison et la perte de toute crédibilité auprès du régime si l’annonce de cette disparition devient publique. »
Après la lecture de cet extrait de la critique de Les graines du figuier sauvage parue sur le site au moment de la sortie du film en salle, il vous suffit de cliquer ici pour avoir la possibilité de lire l’ensemble de cette critique. On se demande encore comment le jury cannois de l’édition 2024, présidé par Greta Gerwig, a pu préférer un autre film lorsqu’il s’est agi de décerner la Palme d’or !
Le DVD
[5/5]
A la vision de ce Blu-ray, l’adjectif qui vient à l’esprit, c’est « splendide ». L’image ? Magnifique, même dans les scènes nocturnes, avec une très bonne définition et un excellent respect de la lumière et des couleurs. Quant à l’écoute, elle se fait en VO sous-titrée en français avec le choix entre Dolby 2.0 et Dolby 5.1.
Deux suppléments sont proposés et ils sont d’une très grande richesse. Le premier est un entretien du critique N.T. Binh avec Mohammad Rasoulof dans lequel ce dernier raconte l’histoire de Les graines du figuier sauvage depuis le moment, où, étant en prison, il a entendu parler de l’émergence du mouvement Femme, vie, liberté avec toute cette jeunesse courageuse qui se levait contre le régime, jusqu’à la réception du film au Festival de Cannes. Des conditions de tournage très difficiles depuis le choix particulièrement délicat des interprètes et des techniciens jusqu’aux contraintes imposées par la discrétion qu’il fallait impérativement respecter. Le second supplément est un entretien tourné en novembre dernier avec Asal Bagheri, enseignante et spécialiste du cinéma iranien. Comme elle y explique ce qu’il faut comprendre de la fin du film, il est préférable de l’avoir vu avant de regarder ce supplément. Par contre, il n’est pas contre-indiqué de connaitre la signification des prénoms du père et de ses 2 filles : Iman, la foi, Sana, les louanges, Rezvan, le paradis. Intéressant aussi d’observer la longueur des cheveux des 3 femmes : plus une femme est jeune, plus ses cheveux sont longs et plus elle se montre engagée dans son action. Par ailleurs, Asal Bagheri nous explique comment le cinéma iranien a évolué une première fois en 2009 puis, à nouveau, en 2022, passant de l’implicite à l’explicite. Des modifications qui, entre autre, permettent enfin aux spectateurs de voir ce qu’est la réalité de la vie dans les foyers iraniens.