Les Espions de l’aube
Chine : 2021
Titre original : Xuan ya zhi shang
Réalisation : Zhang Yimou
Scénario : Quan Yongxian
Acteurs : Yu Hewei, Zhang Yi, Liu Haocun
Éditeur : HK Vidéo
Durée : 2h00
Genre : Espionnage
Date de sortie DVD/BR : 15 juin 2023
Années 1930, État du Manchukuo. Quatre agents spéciaux du parti communiste formés en Union Soviétique se lancent dans une mission secrète dont le nom de code est « Utrennya ». Mais après avoir été vendue par un traître, l’équipe se retrouve entourée de menaces de toutes parts. Les agents sortiront-ils de l’impasse et rempliront-ils leur mission ?
Le Film
[3,5/5]
Ayant délaissé le cinéma d’auteur et/ou contestataire au tournant des années 2000, Zhang Yimou s’était alors spécialisé dans le film à grand spectacle mâtiné d’effets spéciaux (Le Secret des poignards volants, La Cité interdite…) produits par la république de Chine à destination de l’International. Pour autant, et en dépit de ses nombreuses années de bons et loyaux services, Pékin gardait toujours un œil attentif sur son cinéma, et début 2019, alors que son film One Second avait été sélectionné pour le 69ème Festival international du film de Berlin, il fut finalement retiré peu de temps avant la projection. Ce retrait subit avait mené nombre d’observateurs à soupçonner que le film, qui suivait l’histoire d’un homme qui s’enfuyait d’un camp de travail pour aller au cinéma pendant la Révolution culturelle de Mao, avait peut-être été jugé comme inopportun par le pouvoir chinois.
Probablement mortifié d’avoir froissé la susceptibilité de quelques hauts dignitaires du Parti, Zhang Yimou a donc immédiatement entrepris de refaire le suce-boules de l’Etat Chinois, avec un nouvelle superproduction bien consensuelle et dédiée à « Tous les héros de la révolution ». Film d’espionnage clairement anti-japonais prenant place au début des années 1930, pendant l’occupation japonaise de la Mandchourie et de la Chine du Nord, Les Espions de l’aube a en effet dû traverser les canaux officiels sans le moindre souci. Probablement considéré comme un peu trop partisan pour bénéficier d’une sortie dans les salles françaises, le film débarque finalement ce mois-ci en vidéo, ce qui permettra aux cinéphiles français de constater que Zhang Yimou est toujours un putain de formaliste, et qu’il nous livre avec ces Espions de l’aube une claque visuelle de tous les instants, regorgeant vraiment d’images somptueuses et de séquences marquantes.
Avec ses espions en trench-coat noir et ses éclairs de violence esthétisés à mort, Les Espions de l’aube imposera au spectateur un spectacle évoquant énormément le cinéma de Jean-Pierre Melville. Les décors enneigés du film et son architecture visuelle unique contribuent à donner au film un cachet saisissant. Les séquences d’action sont filmées avec beaucoup de clarté et d’élégance ; on y passera d’une fusillade à flanc de montagne à des poursuites à pieds ou en voiture. Les balles volent avec régularité, et le blizzard incessant ajoute une touche esthétique aux affrontements proposés par le film, le tout étant soutenu par une musique « à la Morricone » signée Jo Yeong-wook.
Cette éblouissante maestria technique est au service d’un récit labyrinthique tellement riche en double-jeux et en trahisons en tous genre que Les Espions de l’aube pourra par moments perdre ou dérouter le spectateur. Pour autant, si on aura parfois un peu de mal à nous rappeler exactement qui se bat dans quel camp, il suffira de se dire que si le personnage fait preuve de courage et parfois d’abnégation, c’est un « bon », et donc un chinois, et que s’il est veule et sournois, c’est un « mauvais », et donc un japonais. Cependant, le film brouille parfois aussi un peu les cartes avec des personnages ambivalents, qui tendent à donner à l’intrigue des allures presque théâtral, mais à la fin du film, on en reviendra toujours à la même équation, gentil = chinois, méchant = japonais.
Du côté des acteurs, la prestation la plus étonnante des Espions de l’aube est à mettre au crédit de la jeune Liu Haocun, une espionne frêle qui a du mal à marcher dans la neige sans tomber au début du film, mais qui se révélera être très dangereuse, notamment lorsqu’elle expédiera ad patres des hommes deux fois plus grands qu’elle ou qu’elle se jettera d’un train en marche. Son charisme rappellera celui de quelques-unes de ses aînées telles que Gong Li ou Zhang Ziyi, qui dissimulaient également une puissante force intérieure derrière des atours fragiles.
Le Blu-ray
[4/5]
Les Espions de l’aube sort donc ce mois-ci sous les couleurs de HK Vidéo, filiale de Metropolitan Vidéo. Pour fêter comme il se doit la découverte du dernier film de Zhang Yimou, l’éditeur français nous propose un master 1080p de toute beauté. Les couleurs sont superbes, les contrastes denses, les noirs d’une belle profondeur. La définition est irréprochable et le piqué d’une précision redoutable, malgré les très nombreuses scènes nocturnes qui émaillent le film. Coté enceintes, comme toujours chez l’éditeur, version française et version originale sont encodées en DTS-HD Master Audio 5.1, dans des mixages littéralement tonitruants. Les scènes d’action ainsi que les différentes poursuites sont naturellement riches en basses, en gros surrounds et effets multi-directionnels à gogo. La version française n’est pas en reste, et bénéficie d’une belle finesse dans la restitution des effets acoustiques.
Dans la section suppléments, on trouvera une sélection de bandes-annonces de films sortis par Metro sous le prestigieux label HK Vidéo. On notera également la présence d’un livret de 8 pages au sein du boîtier.