Test Blu-ray : Les crocs de Satan

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Les crocs de Satan

Royaume-Uni : 1970
Titre original : Cry of the Banshee
Réalisation : Gordon Hessler
Scénario : Tim Kelly, Christopher Wicking
Acteurs : Vincent Price, Essy Persson, Hilary Heath
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h31
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 15 décembre 1971
Date de sortie DVD/BR : 18 août 2021

Dans l’Angleterre du XVIIème siècle, Lord Whitman mène une guerre sans merci contre des villageois qu’il suspecte de sorcellerie…

Le film

[3,5/5]

Dans les années 60, la filmographie de Vincent Price était souvent résumée à sa seule collaboration avec Roger Corman sur le fameux cycle d’adaptations d’Edgar Allan Poe ; le succès-surprise de l’excellent film de Michael Reeves Le grand inquisiteur (1968), dans lequel Price incarnait un impitoyable chasseur de sorcières, changea néanmoins un peu la donne. De fait, peu de temps après, on proposa à Vincent Price l’occasion de reprendre un rôle plus ou moins similaire dans Les crocs de Satan (1970), et l’acteur ne se fit pas prier, voyant là l’occasion de proposer « sa » vision de ce genre de personnage – sur le tournage du Grand inquisiteur, Michael Reeves avait en effet, dans un souci de naturalisme, un peu « bridé » l’acteur dans ses élans de théâtralité.

Les crocs de Satan permet donc à Vincent Price d’incarner Lord Edward Whitman, un magistrat anglais chargé de traquer le diable et ses suppôts dans une Angleterre sous le règne d’Élisabeth Ire. Histoire d’attirer un peu les amateurs, le film établit tout de même un lien – extrêmement ténu – avec Edgar Allan Poe, par le biais d’un poème qui servira d’introduction aux Crocs de Satan. Pour autant, le reste du film sera bien éloigné d’Edgar Poe, puisqu’il s’inscrit clairement dans la lignée des films de chasse aux sorcières dont la mode avait été initiée, justement, par Le grand inquisiteur.

En dépit des nombreux éléments typiques du cinéma d’exploitation, Les crocs de Satan dispose, comme beaucoup d’autres films du genre, d’un sous-texte féministe assez flagrant. Dans sa première demi-heure, le film de Gordon Hessler pose en effet les bases d’une société complètement misogyne, où il ne fait vraiment pas bon être une femme. Les hommes ont le pouvoir, chassent, rient et ripaillent, disposant des femmes quand et comme ils le désirent. Ces dernières au contraire sont sous-considérées, insultées, malmenées physiquement et psychologiquement, dans un ensemble permanent de tortures et de harcèlement. Et si elles ont l’audace de se rebeller en tentant de remettre en question le joug masculin, elles sont plus ou moins instantanément considérées comme des sorcières. Les crocs de Satan est ainsi assez sévère dans sa dénonciation des rapports entre les sexes au dix-septième siècle, développant le sujet d’une façon quasi-oppressante.

L’ambiance de la première partie du film est ainsi particulièrement remarquable, mélangeant une atmosphère lourde de menace sur toutes les séquences mettant en scène des hommes et des femmes, à laquelle s’ajoutera une étrange menace irrationnelle venue des bruits s’élevant dans la nuit, sentiment encore renforcée par la musique bizarroïde de Les Baxter, qui ajoute encore au film un sentiment d’imprévisibilité totale. Le déséquilibre du pouvoir entre les sexes est encore plus prononcé dans la version dite « Director’s Cut » disponible sur le Blu-ray des Crocs de Satan édité par ESC Éditions : si elle nous apparait un peu plus cohérente d’un point de vue purement narratif, la version « cinéma » réduit la nudité à sa portion congrue, et atténue nettement les passages les plus violents du film.

Pour autant, et quelle que soit la version du film, les femmes sont présentées comme de simples objets, ce qui facilitera forcément les accusations d’hérésie à leur encontre. Bien qu’il s’agisse d’une œuvre ostensiblement « historique » (ou pensée comme telle), Les crocs de Satan n’en demeure pas moins un produit de son époque, et il n’est pas difficile de voir l’assemblée de païens luttant contre les Whitman et leur règne de terreur comme un substitut de l’amour libre des jeunes du Flower Power de la fin des années 60 et du début des années 70. A ce titre, le générique est d’ailleurs assez amusant, dans le sens où il égrène les acteurs du clan Whitman et de ses associés sous la rubrique « The Establishment », les autres acteurs étant réunis sous les dénominations de « Witches » et « Villagers ».

Le Blu-ray

[4,5/5]

Petit à petit, la collection « British Terrors » initiée par ESC Éditions en 2018 s’étoffe de plus en plus, et à nouveau, ESC fait le choix de chouchouter le consommateur français avec la sortie événement des Crocs de Satan le 19 août, qui sera suivi dans les mois qui viennent de deux autres films de Gordon Hessler, Lâchez les monstres et Le cercueil vivant, également destinés à venir grossir les rangs de cette collection de Mediabooks (Blu-ray + DVD + Livret) assez unique en France et dédiée au fantastique britannique. Les crocs de Satan est le 22ème titre de la collection « British Terrors ».

Côté Blu-ray, le film bénéficie d’ailleurs, et malgré l’avertissement de l’éditeur qui s’excuse en préambule de la qualité du master, d’un très joli upgrade Haute-Définition. Le film a visiblement été restauré, et le Blu-ray nous propose aujourd’hui un piqué précis tout en conservant la granulation d’origine. Quelques plans accusent certes de petites baisses de définition, mais dans l’ensemble, la belle photo gothique de John Coquillon (Le grand inquisiteur) se trouve magnifiée. La profondeur de champ est remarquable, et les contrastes ont été particulièrement soignés : les noirs sont profonds sans être bouchés, les blancs ne sont pas « cramés » ; bref, l’éditeur a fait tout son possible pour nous permettre de (re)découvrir Les crocs de Satan dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, VF d’époque et VO anglaise nous sont proposées, en DTS-HD Master Audio 2.0, en mono d’origine évidemment. Les dialogues sont clairs, les ambiances et la musique dissonante de Les Baxter (version cinéma only) parfaitement bien préservées, et sans souffle. On notera cependant un léger mais constant bourdonnement sur la VF d’époque. La version « Director’s cut » du film est également disponible dans la section bonus : d’une durée d’environ 4 minutes de plus que la version cinéma, elle nous propose un montage légèrement différent, une musique très classique de Wilfred Josephs et un générique assez époustouflant signé Terry Gilliam.

En plus d’être un bel objet, le coffret édité par ESC Éditions n’est d’ailleurs pas avare en suppléments : outre le traditionnel livret de 20 pages intégré au boitier et signé Marc Toullec, on retrouvera sur la galette proprement dite une intéressante présentation du film par Pascal Françaix (32 minutes). Intervenant régulier d’ESC, il reviendra avec talent sur le contexte de production du film, sur la carrière de Gordon Hessler et de son scénariste Christopher Wicking, ou encore sur la relation Vincent Price / Hilary Heath (Dwyer). L’actrice, décédée des suites du Covid-19 en 2020, avait en effet interprété la maîtresse de Vincent Price, ainsi que sa femme et sa fille – l’acteur lui aurait un jour confié qu’il l’épouserait le jour où elle incarnerait sa mère à l’écran. Il terminera en évoquant dans les détail les différences entre les deux montages du film.

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