Les cicatrices de Dracula
Royaume-Uni : 1970
Titre original : Scars of Dracula
Réalisation : Roy Ward Baker
Scénario : Anthony Hinds
Acteurs : Christopher Lee, Dennis Waterman, Jenny Hanley
Éditeur : Tamasa Diffusion
Durée : 1h35
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 28 juillet 1971
Date de sortie DVD/BR : 30 novembre 2020
Une jeune fille est découverte morte avec deux marques de crocs sur le cou. Les fermiers de Kleinenberg reconnaissent l’auteur du crime : le sinistre comte Dracula. Ils décident d’agir immédiatement et marchent sur son château pour y mettre le feu. Mais tuer Dracula, prince des Ténèbres, n’est pas une tâche aisée. Bientôt, le comte reprend ses mauvais tours…
Le film
[4/5]
Les cicatrices de Dracula est le cinquième « Dracula » tourné par Christopher Lee pour le compte de la Hammer. Si le film de Roy Ward Baker fait suite à Une messe pour Dracula, tourné à peine quelques mois avant, ce Dracula-là n’est pas tout à fait dans la continuité des films précédents, dans le sens où il n’y est fait aucune référence aux événements s’étant déroulés auparavant. Ressuscité par une chauve-souris dans la première séquence du film, il re-sème donc la terreur du haut de son château de Transylvanie, et c’est reparti pour un tour.
Film d’épouvante hétérogène, vraiment enthousiasmant malgré sa palanquée de défauts, Les cicatrices de Dracula porte clairement les stigmates du léger déclin de la Hammer au début des années 70, notamment dans la volonté affichée par le film de coller aux impératifs commerciaux de l’époque. A l’écran, cela se traduisait globalement par d’avantage de nudité et de sang, dans le but d’attirer un public plus nombreux et plus jeune. Dans Les cicatrices de Dracula, on aura donc droit à un petit peu plus de nudité, mais surtout à beaucoup plus de sang, avec un Prince des vampires se vengeant des villageois ayant brûlé son château en massacrant leurs femmes réfugiées à l’église : une des séquences les plus mémorables de tous les Dracula produits par la Hammer…
Au-delà de ces outrances, qui paraîtront néanmoins bien innocentes au public contemporain, on notera le soin apporté par Roy Ward Baker à tenter de redorer le blason gothique de la saga. En effet, malgré un budget réduit, Les cicatrices de Dracula développe une atmosphère solide, grâce notamment à un cadre et à certains décors ou effets saisissants, tels que ce matte-painting impressionnant, montrant un château construit à flanc de falaise. On retiendra également la noirceur et le sadisme affiché de l’ensemble, qui, au-delà des trouvailles visuelles, confèrent au vampire du film une aura peut-être encore plus trouble et maléfique qu’à l’accoutumée. Qui se serait attendu, par exemple, à voir un Christopher Lee littéralement possédé larder de coups de couteau le corps d’une de ses servantes ?
A travers le personnage de Klove, obsédé par la beauté de la jeune Sarah (Jenny Hanley), mais également par le biais de sa mise en scène, cloîtrant souvent les personnages dans des lieux fermés à clé ou les séparant par la composition de ses plans, Les cicatrices de Dracula développe également, en filigrane, une certaine atmosphère de voyeurisme, qui place souvent le spectateur dans une situation un peu inconfortable. Le sentiment est diffus, mais bien réel, d’autant que les cadrages de Roy Ward Baker multiplient les personnages regardant à travers des fenêtres.
Alors bien sûr, on pourra regretter la maigreur du scénario, tout autant que l’absence d’un « adversaire » de taille au personnage de Dracula. En effet, on ne trouvera pas de Van Helsing / Peter Cushing dans Les cicatrices de Dracula, mais uniquement une brochette de personnages incapables de constituer la moindre menace réelle pour le Comte vampire – la pirouette finale permettant au scénariste Anthony Hinds de se débarrasser de Dracula est à ce titre particulièrement parlante.
Avec Les cicatrices de Dracula, Roy Ward Baker parvient donc, tout de même et grosso merdo, à faire un peu de neuf avec du vieux, nous proposant de très belles choses au cœur d’un ensemble très balisé et sans surprises. Idem du côté du casting d’ailleurs, où les têtes connues Michael Ripper (La femme reptile, L’invasion des morts-vivants et beaucoup d’autres), Patrick Troughton (La gorgone) ou encore Michael Gwynn (La revanche de Frankenstein) côtoient les nouveaux venus Christopher Matthews, Jenny Hanley ou Dennis Waterman.
Le Blu-ray
[5/5]
A ce jour, Les cicatrices de Dracula est uniquement disponible en Blu-ray au sein du coffret Hammer 1970-1976 – Sex & Blood, disponible chez Tamasa Diffusion depuis le 30 novembre. Ce coffret est disponible en édition limitée et numérotée à 2 000 exemplaires, et nous propose sept films produits par le studio Hammer dans les années 70, dans de superbes versions restaurées, scannées en 4K et restaurés en 2K sous la supervision de Mark Bonnici. Plutôt que d’évoquer la sortie de ce coffret majeur dans un papier lapidaire qui nous aurait contraint à évoquer les films de façon trop rapide, on a pris le parti d’évoquer chaque film de façon individuelle, dans une série d’articles qui paraitront dans les jours et semaines à venir. Sur les sept films qui composent le coffret Hammer 1970-1976 – Sex & Blood, seuls six étaient jusqu’ici disponibles en France au format DVD, chez StudioCanal. Les films disponibles au sein du coffret sont les suivants : Les horreurs de Frankenstein (1970, inédit en DVD), Les cicatrices de Dracula (1970), Dr Jekyll et Sister Hyde (1971), La momie sanglante (1971), Sueur froide dans la nuit (1972), Les démons de l’esprit (1973) et Une fille pour le Diable (1976).
Côté Blu-ray, le travail éditorial fourni par Tamasa Diffusion sur les films composant le coffret Hammer 1970-1976 – Sex & Blood est tout simplement magnifique et remarquable. Chaque film nous est proposé dans une superbe copie restaurée, respectueuse du grain d’origine, avec un beau piqué et des couleurs qui en envoient littéralement plein les mirettes. La restauration a fait place nette des poussières et autres points blancs, et le résultat s’avère vraiment excellent. Côté son, la version originale ainsi que la version française d’époque (quand celle-ci existe) sont proposées en Dolby Digital 2.0 (mono d’origine), et le rendu acoustique s’avère, dans chaque cas, parfaitement clair, net et sans bavures. Dans le cas des Cicatrices de Dracula, VF et VO sont toutes deux disponibles.
C’est bien entendu du côté des suppléments que chaque galette Blu-ray diffère un peu de sa voisine. Sur le Blu-ray des Cicatrices de Dracula, on trouvera tout d’abord une présentation du film par Nicolas Stanzick (« Un film de rupture », 38 minutes). Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Nicolas Stanzick est « LE » grand spécialiste français de la Hammer, auteur de l’ouvrage de référence Dans les griffes de la Hammer (éditions Bord de l’Eau, 2010). Dans ce retour très complet sur la production des Cicatrices de Dracula, Nicolas Stanzick remettra le film dans son contexte de production, tout en remettant le film à sa place au cœur de la saga des « Dracula » de la Hammer.
Stanzik reviendra donc tout d’abord sur les différents cycles au cœur de la franchise, et le refus de la continuité narrative entre ce film et le précédent : à la fin d’Une messe pour Dracula, le vampire était détruit au cœur d’une église de l’Angleterre Victorienne, alors qu’au début de celui-ci, il est ressuscité au cœur de son château des Carpates. Il évoquera également les réticences de Christopher Lee à incarner à nouveau Dracula, ainsi que la carrière de Roy Ward Baker au sein de la Hammer, pour enchaîner avec la volonté du scénariste Anthony Hinds de revenir aux sources du roman de Bram Stoker, Les cicatrices de Dracula s’avérant une variation sur le destin du personnage de Jonathan Harker, permettant d’imaginer ce qui se serait passé si Harker était mort dans le château de Dracula. L’horreur graphique et l’érotisme sont également volontairement accentués par le scénariste, dans une volonté de toucher un public-cible de « baby boomers » tout en gardant une série d’acteurs récurrents. Il terminera enfin avec une analyse du film, basée sur la relecture et une « mise à distance » ironique de la part de Roy Ward Baker par rapport aux différents motifs vampiriques classiques.
On trouvera également une intéressante featurette intitulée « Rites de sang » (18 minutes), qui reviendra sur l’histoire de la production du film, rythmée par des entretiens avec les historiens du cinéma Kevin Lyons, John J. Johnston, Alan Barnes et Jonathan Rigby, ainsi que par quelques interventions de l’actrice Jenny Hanley. De la même façon que Nicolas Stanzick dans sa présentation, ils reviendront sur l’histoire de la production du film, évoquant la volonté contrariée de la Hammer de changer d’acteur pour incarner Dracula. Jenny Hanley reviendra sur le sérieux imperturbable de Christopher Lee, qui ne supportait pas que celle-ci glousse lors de certaines prises, ainsi que sur sa déception lorsqu’elle a découvert que sa prestation avait été doublée en post-synchronisation. Certains petits détails seront également discutés, tels que la présence de sang sur la poitrine de Jenny Hanley, qui ne plaisait pas du tout au comité de censure britannique. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce originale du film.