Test Blu-ray : Les Arnaqueurs

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Les Arnaqueurs

États-Unis : 1990
Titre original : The Grifters
Réalisation : Stephen Frears
Scénario : Donald E. Westlake
Acteurs : Anjelica Huston, John Cusack, Annette Bening
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h51
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie cinéma : 23 janvier 1991
Date de sortie DVD/BR : 22 janvier 2025

Parce que son mari Roy, escroc à la petite semaine, a refusé de monter des coups en équipe, Myra, qui croit voir en ce refus l’influence despotique de Lilly, la mère de Roy, décide de se venger de cette dernière en dénonçant son passé trouble à son employeur. Sa machination aura des conséquences aussi tragiques qu’inattendues…

Le film

[4/5]

Roi de la série noire américaine, Jim Thompson a écrit vingt-neuf romans aussi simples que directs avant sa mort en 1977. De nombreux de ses romans ont eu les honneurs d’une adaptation au cinéma. Certains d’entre eux ont même carrément été adaptés deux fois à l’écran – on pense à « L’échappée », qui deviendrait Guet-apens en 1972 puis en 1994, ou encore à « Le démon dans ma peau », qui se verrait adapté sous les titres Ordure de flic en 1976 et The killer inside me en 2010. Entre 1989 et 1990, trois autres adaptations cinématographiques du travail de Thompson ont vu le jour sur les écrans du monde entier. Même s’il s’agit de trois excellents représentants du « Néo-Noir », tous trois semblent aujourd’hui un peu retombés dans l’oubli : il s’agit de The kill-off de Maggie Greenwald, d’après le roman « Hallali », de La mort sera si douce, aujourd’hui retitré After dark, my sweet, de James Foley, tiré du roman « La mort viendra, petite », et du sublime Les Arnaqueurs de Stephen Frears, d’après le roman du même nom.

D’une manière générale, on ne peut que déplorer que ces néo-Noirs poisseux, mettant en scène de petites crapules évoluant, généralement, sous un soleil de plomb dans les plaines poussiéreuses de l’Ouest des États-Unis, soient de nos jours retombés dans l’oubli. Quoi qu’il en soit, ESC Éditions nous propose aujourd’hui de revoir Les Arnaqueurs. S’il est aujourd’hui presque totalement oublié, il s’agit pourtant d’un grand film noir basé sur un roman de Jim Thompson, et dont l’adaptation avait été confiée à un autre auteur de renom, Donald E. Westlake, un écrivain qui a vu plusieurs de ses propres romans adaptés au cinéma (Le Point de non-retour, Échec à l’organisation, Payback…). Le tout était produit par Martin Scorsese, et en son temps, le film de Stephen Frears avait glané des critiques largement favorables, ainsi que plusieurs nominations aux Oscars. Alors, que s’est-il passé ?

On l’ignore, mais le fait est que l’on peut globalement mettre tous la vague de néo-Noirs des années 80/90 dans le même sac : tous les polars de cette époque, qu’il s’agisse de ceux de John Dahl ou des frères Coen, semblent avoir connu le même sort dans la mémoire collective. On pense bien sûr à des films tels que La Fièvre au corps (1981), Sang pour sang (1984), Big Easy (1987), Kill Me Again (1989), Miller’s Crossing (1990), Hot Spot (1990), Red Rock West (1992), Last Seduction (1994), Bound (1996), U-Turn (1997), Un plan simple (1998), Payback (1999)… Pour la plupart inédits au format Blu-ray en France, s’échangeant pour certains à prix d’or sur le marché de l’occasion… Alors vous voilà prévenus : on vous conseille de faire l’acquisition de cette édition Blu-ray des Arnaqueurs assez rapidement !

Les Arnaqueurs fait donc partie de ces films noirs cachant leur ambiance délétère derrière un cadre ensoleillé, qui ne cadre pas du tout avec les manigances du trio d’acteurs principaux, qui deviendront de plus en plus sombres et sales au fur et à mesure que le film avance, et que le spectateur découvre la personnalité réelle des personnages incarnés à l’écran par John Cusack, Anjelica Huston et Annette Bening. Le trio nous est présenté dans les premiers plans du film dans une séquence en split-screen, qui tendrait à nous faire comprendre que les trois personnages travaillent ensemble. Cela n’est pas le cas, et en dépit de leurs interactions, cela ne sera jamais le cas au cours du film, les trois personnages principaux jouant toujours en réalité les uns contre les autres.

Quoi qu’il en soit, la première séquence des Arnaqueurs nous présente le trio au cœur d’un même plan, avant de nous les présenter en solo. Roy Dillon (John Cusack) est un petit escroc à deux balles, dont l’arnaque favorite consiste à montrer aux barmans un billet de 20 dollars, puis à leur passer rapidement à un billet de 10 au moment de payer. Ce subterfuge n’est possible que dans les pays où tous les billets se ressemblent. Lilly (Anjelica Huston) est employée par un bookmaker véreux qui l’envoie sur différents champs de courses afin de réduire les cotes des outsiders. On apprendra rapidement qu’il s’agit de la mère de Roy. Enfin, la petite amie de Roy, Myra Langtry (Annette Bening), use de ses charmes pour séduire et manipuler des hommes, généralement plus âgés. Au fur et à mesure de l’intrigue du film, le spectateur aura de moins en moins de sympathie pour cette aspirante Femme Fatale semant la destruction autour d’elle, et finira par admettre que la description qu’en faisait Lily (à savoir qu’elle n’était qu’une « petite salope ») était probablement d’une rare justesse.

Plutôt éloigné du roman dont il s’inspire, le scénario du film prend par moments des allures de conte moral biscornu : on pourra en effet s’étonner du fait que Les Arnaqueurs fasse intervenir dans son dernier acte une certaine notion de hasard, voire même de fatalité. La structure du film est alambiquée, et n’est pas forcément très équilibrée dans la façon dont elle illumine les zones d’ombre dans le passé des personnages : on abordera ainsi rapidement une partie de l’histoire de Roy, mais on fera l’impasse sur celle de Lily, laissant volontairement dans le flou la véracité de la relation mère / fils qui la lie à Roy. Une partie du passé de Myra sera également révélé, dans un long flashback, et servira essentiellement à sceller le destin de son couple avec Roy. L’histoire prendra ensuite des atours d’étrange tragédie familiale dans laquelle les liens se rompront dans la violence, les actes de chacun entraînant des conséquences littéralement dévastatrices.

Du côté des acteurs, on ne pourra évidemment que souligner la prestation du trio d’acteurs principaux, qui s’avèrent tous les trois absolument criants de vérité. On notera par ailleurs une large série de têtes connues des cinéphiles. On commencera par le buriné Pat Hingle dans le rôle du mafieux Bobo Justus : on se souvient notamment de l’avoir vu dans Pendez-les haut et court (1968), L’Épreuve de force (1977), Sudden Impact (1983) ; il incarnerait également le Commissaire Gordon dans les Batman tournés entre 1989 et 1997. On notera également, dans le flashback consacré à Myra, la présence du regretté J.T. Walsh, incontournable second-rôle des années 90 (Des Hommes d’honneur, Hoffa, Nixon, Sling Blade, Alerte, Pleasantville…) et de Charles Napier, l’acteur fétiche de Russ Meyer (Cherry Harry et Raquel, La Vallée des Plaisirs, Supervixens). Les plus observateurs pourront reconnaître Jeremy Piven dans le rôle d’un marin arnaqué par John Cusack durant la séquence du train, ainsi que Stephen Tobolowsky dans le rôle du bijoutier au début du film – on se souvient de l’avoir vu dans de très nombreux films des années 90, tels que Comme un oiseau sur la branche, Basic Instinct, J.F. partagerait appartement, Memento… Enfin, on pourra également noter la présence au casting de l’excellent Xander Berkeley (La Nurse, Terminator 2, Candyman, Heat…) dans la peau d’un agent de police ou encore de Frances Bay dans le rôle de la gérante du motel : il s’agit de Tante Barbara dans Blue Velvet, revue dans la peau de l’adorable petite mamie d’Adam Sandler dans Happy Gilmore, puis revue en tenancière d’hôtel aux tendances SM dans L’Antre de la folie.

Le Blu-ray

[4/5]

Petit à petit, ESC Éditions continue de glaner les droits de films de catalogue très attendus des cinéphiles, et c’est aujourd’hui ce qui nous vaut aujourd’hui le plaisir de redécouvrir Les Arnaqueurs en Haute-Définition. Techniquement, le transfert est très solide, respectant parfaitement la granulation d’origine. Le film de Stephen Frears s’impose avec faste et élégance, dans des conditions complètement inédites : le niveau de détail et la profondeur de l’image sont excellents, le piqué est d’une précision étonnante, les contrastes sont stables tout au long du film, et les couleurs sont éclatantes. Quelques défauts demeurent, évidemment, en termes de propreté et en ce qui concerne les scènes nocturnes ou en basse lumière, mais le bond qualitatif par rapport à l’antique édition DVD que vous avez peut-être encore sur vos étagères est vraiment saisissant. C’est du beau travail. Côté son, VF et VO sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 5.1, tous deux assez dynamiques et respectant la nature essentiellement frontale du rendu acoustique d’origine.

Du côté des suppléments, l’éditeur nous propose tout d’abord une présentation du film par Nachiketas Wignesan (20 minutes). Ce dernier y reviendra sur la personnalité de Jim Thompson et l’importance des « Arnaqueurs » dans sa vie personnelle, dressera un parallèle entre l’addiction à l’arnaque et l’alcoolisme, évoquera les personnages des romans de Thompson, des « ratés qui subissent plutôt qu’ils n’agissent », évoquera rapidement la carrière de Stephen Frears, le film et l’adaptation de Donald Westlake, peu fidèle sauf dans les dialogues, qui fait des Arnaqueurs une espèce de dédale narratif. On continuera ensuite avec un making of d’époque (16 minutes), qui nous propose un sympathique retour sur la genèse du projet et son tournage, et on terminera avec la traditionnelle bande-annonce.

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