Les anges de la nuit
États-Unis : 1990
Titre original : State of grace
Réalisation : Phil Joanou
Scénario : Dennis McIntyre
Acteurs : Sean Penn, Ed Harris, Gary Oldman
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 2h14
Genre : Policier, Thriller, Drame
Date de sortie cinéma : 10 juillet 1991
Date de sortie DVD/BR : 5 novembre 2019
Après plusieurs années d’absence, Terry Noonan revient dans le quartier newyorkais de Hell’s Kitchen, fief des irlandais. Il y retrouve Jackie Flannery, ses amis d’enfance et Kathleen, son amour de jeunesse. La guerre avec la mafia italo-américaine bat son plein…
Le film
[4,5/5]
Conçu comme une tragédie, jonglant avec des thématiques telles que la famille, la justice ou tout simplement la notion de bien et de mal, Les anges de la nuit place une série de personnages face à leur destin dans une intrigue de gangsters aux accents Shakespeariens. Les passions se déchaient, les personnages s’entrecroisent et se déchirent, mais au final, nul n’échappera à sa destinée, implacable ; dès les premières minutes du film, le spectateur sait pertinemment que cette intrigue se terminera dans le sang et les larmes – la mort plane en effet au-dessus de chacun des protagonistes du récit, attendant son heure, tel un couperet.
Pour des questions de dates de sortie, de thématique ou par rapport à quelques éléments de l’intrigue, Les anges de la nuit est souvent mis en parallèle avec Les affranchis de Martin Scorsese ou L’impasse de Brian de Palma. Si bien sûr de telles passerelles mentales ne manqueront pas de naître dans l’esprit du spectateur, trente ans après sa sortie, il serait temps que le film de Phil Joanou soit évoqué pour ce qu’il est, et non en comparaison avec d’autres films : marquée par un grand classicisme formel, la mise en scène des Anges de la nuit mérite néanmoins que l’on se penche de très près sur la façon dont Joanou, en utilisant notamment l’incroyable musique d’Ennio Morricone, parvient à faire monter la tension crescendo, s’offrant au fur et à mesure que le film avance et de façon presque imperceptible de plus en plus de vrais grands moments de cinéma, qui s’avèrent également des séquences véritablement puissantes, presque physiquement éprouvantes pour le spectateur. Ainsi, tout le dernier acte du film, à partir des négociations entre Frankie et Borelli jusqu’à l’affrontement entre Terry et le gang des irlandais, s’avère tout simplement imparable, épatant, une véritable leçon de cinéma qui s’achève sur une séquence époustouflante durant laquelle Phil Joanou et son directeur photo Jordan Cronenweth nous livrent une réponse américaine au Syndicat du crime de John Woo (1986) – impossible en effet de penser que Joanou n’avait pas vu et aimé le film du prodige Hongkongais, tant la séquence reprend à son compte le lyrisme flamboyant – ainsi que tous les tics formels ou presque – du réalisateur de The killer.
En deux mots comme en cent, Les anges de la nuit est vraiment un film à redécouvrir, histoire de remettre le film à la place qu’il mérite dans l’histoire du cinéma : très éloigné des deux chefs d’œuvres auxquels on le compare sans arrêt, le film de Phil Joanou est également à sa manière un petit chef d’œuvre. Se basant sur une trame relativement conventionnelle, le scénariste Dennis McIntyre est parvenu à transcender son matériau de base, grâce à un attachement tout particulier à mettre en évidence les contradictions et conflits intérieurs de sa galerie de personnages, qui parviennent à réellement « exister » à l’écran grâce aux performances époustouflantes des différents interprètes. Aux côtés d’un Gary Oldman hallucinant qui bouffe littéralement chaque séquence dans laquelle il apparaît, on notera également la belle prestation de Sean Penn assez subtil, mais également de Robin Wright, Ed Harris ou même de John C. Reilly ou du glaçant R. D. Call en homme de main froid et sadique… Puissant et immersif, Les anges de la nuit évoque avant l’heure ce qui fera plus tard les grandes heures du cinéma de James Gray : crime, famille et trahisons, le tout baignant dans l’ambiance la plus noire et la plus violente qui soit. Du grand Art !
Le Blu-ray
[5/5]
Disponible depuis quelques années en DVD mais toujours inédit en Haute-Définition, Les anges de la nuit débarque aujourd’hui en Blu-ray sous les couleurs de Rimini Editions. Si le film n’a peut-être pas bénéficié d’un ravalement de façade intégral (quelques points blancs restent toujours perceptibles), le film de Phil Joanou s’impose néanmoins aujourd’hui dans un master tout à fait convaincant : on est en effet en présence d’une copie solide, lumineuse et propre, aux contrastes soignés et à la colorimétrie impeccable. Le niveau de détail est d’une belle précision et le grain argentique a été préservé de façon maniaque – seuls une petite poignée de plans en basse lumière accuse d’une granulation sans doute un peu excessive, mais l’ensemble est vraiment très beau : de quoi rendre un bel hommage à la photo du film signée Jordan Cronenweth. Côté son, la version originale est disponible soit en DTS-HD Master Audio 2.0, soit dans un remixage en DTS-HD Master Audio 5.1 respectueux du rendu acoustique d’origine et qui laisse la part belle à la musique, plus claire et nuancée. La spatialisation est retenue, tout en finesse, et se concentre d’avantage sur les ambiances habilement distillées que sur la démonstration de force. La VF d’origine, proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, étonne aussi par sa stabilité et son équilibre : du beau travail.
Du côté des suppléments, outre la traditionnelle bande-annonce du film, l’éditeur nous propose un passionnant entretien avec Phil Joanou (22 minutes), qui reviendra sur de nombreux aspects de la production et du tournage. Le cinéaste s’y exprime de façon franche et enjouée, et le tout s’avère assez vivant et rythmé : un vrai plaisir pour qui a su goûter Les anges de la nuit à sa juste valeur – un sujet qui permettra de prolonger un peu le plaisir ressenti devant le film. Joanou se remémorera donc la façon dont le scénario lui avait été proposé par Orion, reviendra sur processus de casting, sur certains lieux New-Yorkais où des séquences ont été tournées, sur le montage ou encore sur la bande originale du film, qui devait originellement être composée par U2. On continuera ensuite avec une présentation / analyse du film par Samuel Blumenfeld, journaliste cinéma au Monde (47 minutes). Son intervention, passionnée et très complète concernant le contexte de production et le tournage, est très intéressante dans le sens où le journaliste évoque finalement un déroulement des événements très différent de celui de Phil Joanou. Selon lui, l’intégralité de la production a été conçue autour de la personnalité de Sean Penn, qui a imposé sa « bande » d’acteurs à ses côtés ; il évoque également la ré-écriture de l’intégralité des dialogues par David Rabe, ou encore les difficultés de Penn à rentrer dans son personnage… L’ensemble est donc très informatif et parfaitement intéressant, surtout si l’on confronte les informations égrenées par Samuel Blumenfeld et les souvenirs de Phil Joanou.