L’enfer des zombies
Italie : 1979
Titre original : Zombi 2
Réalisation : Lucio Fulci
Scénario : Dardano Sacchetti
Acteurs : Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h31
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 13 février 1980
Date de sortie DVD/BR : 2 mai 2018
Un bateau semblant abandonné dérive dans le port de New York. Les garde-côtes interviennent et se font agresser par une créature monstrueuse qui y gisait caché. Pensant que le voilier est celui de son père disparu, Anne se rend dans les Caraïbes, à la recherche de celui-ci. Accompagnée par un ami journaliste, elle débarque sur une île réputée maudite sur laquelle vit le docteur Ménard. Ce dernier explique que, depuis quelques temps, les morts reviennent à la vie pour dévorer les vivants…
Le film
[4/5]
« Une musique mystérieuse, mêlant percussions et ambiance tropicale… Le canon d’un pistolet en gros plan, pointé directement vers le spectateur… Un corps recouvert d’une couverture et attaché par une corde, se redressant d’une manière étrange… Tir de pistolet… Zoom avant vers le point d’impact. L’homme (ou autre chose ?) meurt sur le coup, d’une balle dans la tête. Zoom arrière vers l’auteur de la déflagration sonore, dont on distingue à peine le visage… ligne de dialogue laissant sous-entendre un danger imminent. Cut au noir. Générique sur une musique glaçante.
Votre serviteur retient ses larmes et ses soupirs de nostalgie à la pensée de ce grand moment lorsqu’il découvrit pour la première fois, de par cette ouverture dont il se rappelle chaque seconde, un nouvel horizon, une nouvelle porte d’entrée du 7ème Art : le cinéma bis européen. (…) Un jour que je feuilletais les différentes revues de cinéma, je tombe sur un article dans la revue spécialisée dans l’horreur et le fantastique Mad Movies, annonçant un événement télévisuel : la diffusion EN VERSION INTEGRALE de L’enfer des zombies, film d’horreur fondamental du gore italien, réalisé par Lucio Fulci. L’article était assez dithyrambique et promettait un festival de gore et de zombies ! Ni une, ni deux, je me promis de découvrir ce film qui paraissait assez atypique…
Depuis, je voue un attachement inconditionnel à ce film. Il n’est pourtant pas le meilleur de son réalisateur, Lucio Fulci. On est assez loin des grands classiques de George Romero, à cause de son rythme lent, de son scénario peu développé et la musique peut même paraître un peu anachronique, ou considérée comme du sous-Goblin (groupe ayant contribué à la musique de plusieurs films de Dario Argento, tels Les frissons de l’angoisse). Même son titre est mensonger, car le film n’est pas du tout rattaché à Dawn of the dead de Romero (nommé Zombie en France et Zombi en Italie) et serait plutôt une sorte de préquelle…
Enfin, bref, ce n’est pas le meilleur film du monde. Mais je pense qu’en tant que cinéphile, nous avons tous un ou plusieurs films favoris qui ne sont pas beaucoup considérés par « l’histoire officielle » du cinéma. Des longs-métrages pas parfaits, ayant mal vieilli, ou même des films que tout le monde déteste ou n’aime pas ! Mais moi, j’aime L’enfer des zombies, tout comme l’on peut aimer Les clefs de bagnole de Laurent Baffie ou bien certains films de la Cannon des années 1980 ou 2-3 films honteux que l’on n’ose avouer à personne, ou alors à un nombre restreint de personnes… Oui, malgré ses effets spéciaux, son rythme, ses comédiens approximatifs, j’adore ce film car il est mon premier « bis italien », et le premier d’une longue série incluant Blue holocaust, Anthropophagous, Emanuelle et les derniers cannibales, L’au-delà, La baie sanglante, Zombi 3 et tant d’autres films plus ou moins réussis dans la grande galaxie du cinéma d’horreur italien, à découvrir si vous souhaitez élargir votre cinéphilie. »
Si l’on a décidé de commencer cette chronique avec un extrait de la critique émue de notre chroniqueur David Huriot (retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien), c’est pour tenter de démontrer à quel point L’enfer des zombies a pu marquer les cinéphiles amateurs de cinéma fantastique aujourd’hui âgés de 35 à 45 ans, qui l’ont pour la plupart découvert avec sa diffusion en 1998 sur Canal +, dans l’émission « Quartier interdit » de Jean-Pierre Dionnet. Loin de nous l’idée de prétendre ici que le film de Lucio Fulci, même s’il a ouvert la voie à une vague quasi-interminable de succédanés plus ou moins fréquentables, s’avère un chef d’œuvre du genre ; thématiquement, les films de zombies de Romero sont par exemples beaucoup plus riches, ne serait-ce que dans leur orientation politique. On ne fera pas non plus comme s’il s’agissait du meilleur film de son auteur, qui a signé d’autres perles horrifiques lui étant très largement supérieures (L’emmurée vivante, La longue nuit de l’exorcisme, L’au-delà…). Mais qu’on le veuille ou non, L’enfer des zombies a pour lui cette vague odeur de soufre, cette ambiance anxiogène développée, certes avec de bien gros sabots, par la musique de Fabio Frizzi, ces jolis effets de mise en scène (on pense notamment à ce sublime plan sur la porte qui s’ouvre, juste avant la mort du personnage d’Olga Karlatos, montré à partir des ombres portées sur le mur) et, bien sûr, ces gros moments de bravoure « gore » franchement inédits, tels que cet affrontement sous-marin entre un zombie et un requin, ou ce plan terrrrrrrrible sur l’œil d’Olga Karlatos (encore elle), transpercé par une écharde de bois…
Si le film de Fulci commence et se termine à New York, le gros de l’intrigue se déroule sur une île déserte peuplée de zombies ; de fait, on aurait tendance à trouver finalement autant de points communs entre L’enfer des zombies et un film tel que Vaudou (Jacques Tourneur, 1943) qu’avec Zombie, le film de zomblards fondateur tourné par Romero en 1978. En Italie cependant, le titre officiel du film sera bel et bien Zombi 2, afin de créer une passerelle entre les deux films, aussi artificielle que purement commerciale. Mais cette logique d’exploitation commerciale est également une des raisons d’être du film de Fulci, qui se place en tête de file d’une longue série de films de zombies nés du succès du film de Romero. Ainsi, si l’on ne niera en aucun cas la valeur cinématographique bien réelle de L’enfer des zombies en tant que fer de lance d’un certain cinéma populaire du début des années 80 (d’autant que la photo en Scope signée Sergio Salvati est véritablement magnifique), on est tout de même obligé d’admettre que le film de Fulci, par son style, flatte les plus bas instincts du spectateurs en appuyant volontairement sur toute une série d’outrances, qu’il s’agisse de gore craspec ou d’horreur très graphique (avec ses cadavres en décomposition, terreux, pleins de vers, dégoulinant littéralement de substances organiques putrides), de voyeurisme sordide, d’érotisme cheap et soft et même d’un certain sadisme qui deviendra une des caractéristiques les plus prégnantes des films horrifiques que réaliserait Fulci par la suite (La maison près du cimetière, Frayeurs…).
Valeur incontournable du cinéma d’horreur contemporain, s’imposant au spectateur comme une espèce de cauchemar éveillé aux relents moites et dégueulasses, L’enfer des zombies fait partie de ces films dont certaines séquences et images puissamment iconiques resteront à coup sûr à jamais ancrées dans la mémoire du public. Si on évoque souvent le final de L’au-delà, on admettra en effet qu’il est tout aussi impossible d’oublier le spectacle de ces zombies marchant sur le pont de Brooklyn en direction de New York ; une image forte qui constitue une passerelle idéale entre Zombie et Le jour des morts-vivants, que tournerait Romero quelques années plus tard…
Le coffret Blu-ray
[5/5]
Après une première édition « collector » sortie il y a de nombreuses années sous les couleurs de Neo Publishing, L’enfer des zombies débarque aujourd’hui au sein d’un très beau coffret Combo Blu-ray + DVD édité par Artus Films, le tout s’imposant dans un superbe mediabook garni d’un livret de 80 pages intitulé « Fulci, zombies et opportunisme : Quand les morts-vivants ont envahi le cinéma italien », et proposant des textes signés David Didelot, Didier Lefèvre et Gilles Vannier, sous la direction de Lionel Grenier (du site luciofulci.fr), le tout étant naturellement accompagné de nombreuses photos. Si Artus n’a malheureusement pas été en mesure de nous fournir une copie du livret ni de version finalisée du mediabook, on fait confiance à l’éditeur à qui il tenait probablement à cœur de livrer une édition de référence s’imposant également comme un très bel objet de collection.
Côté Blu-ray, le film de Lucio Fulci mettra par ailleurs tout le monde d’accord d’entrée de jeu, un master Haute Définition tiré d’une remasterisation 2K et affichant une forme tout à fait resplendissante. La définition et le niveau de détails sont assez bluffants, tout en respectant globalement la granulation d’origine de la pellicule ; on redécouvre littéralement le film ainsi que la photo exceptionnelle signée Sergio Salvati. L’image étonne même par sa propreté et sa stabilité, et le rendu des couleurs et des contrastes semble avoir également bénéficié d’un soin tout particulier. Bien sûr, les plus maniaques des cinéphiles trouveront bien quelques traces de DNR, et on regrettera également un grain peut-être un poil trop accentué lors des passages nocturnes ou en basse lumière. Et naturellement, l’éditeur nous propose la version intégrale non censurée du film – le contraire nous aurait fortement étonné ! Côté son, nous aurons droit à des pistes DTS-HD Master Audio 2.0 en VO italienne et VF, qui ne présentent pas le moindre problème : le souffle est quasi-absent, et le tout est parfaitement équilibré, respectant parfaitement la dynamique acoustique d’origine. On notera bien sûr que le doublage de la version française est « d’origine » et s’avère, il faut bien l’avouer, particulièrement suranné et réjouissant, ajoutant peut-être même un petit charme supplémentaire à l’ensemble pour les nostalgiques ayant découvert L’enfer des zombies dans ces conditions. Pas de version anglaise.
Du côté des suppléments, Artus Films continue sur son excellente lancée, en ajoutant à l’ensemble une valeur éditoriale certaine : on ne trouvera en effet sur la galette QUE des suppléments complètement inédits. On commencera avec un entretien avec Lionel Grenier (« Quand les morts sortiront de leurs tombes », 19 minutes), spécialiste français de l’œuvre de Lucio Fulci, qui nous propose une très intéressante analyse critique de L’enfer des zombies, replaçant le film dans son contexte de tournage, de sa genèse jusqu’aux accusations de plagiat qu’il a subi de la part de Dario Argento. Passée cette introduction analytique tout à fait pertinente, on s’attardera ensuite un peu plus sur les aspects techniques du film, avec deux interviews de membres de l’équipe technique. On commencera donc avec un long entretien avec Dardano Sacchetti, scénariste du film (« De sang et d’encre », 41 minutes). Bavard et souvent drôle, le scénariste ne mâche pas ses mots quand il s’agit d’évoquer certains aspects du tournage ou certaines personnalités, telles que le producteur Fabrizio De Angelis. On notera aussi dans ses propos une petite pointe de fierté par rapport à certains films qu’il a écrit, qui tourne même par moments carrément à de la prétention carabinée ; ainsi, il déclarera non sans avoir tout à fait tort avoir « créé le slasher avec La baie sanglante (Mario bava, 1971) », se réservant d’ailleurs quelques saillies bien senties à l’encontre de Sean S. Cunningham, réalisateur de Vendredi 13 quelques années plus tard. On continuera avec un entretien avec Maurizio Trani, maquilleur (« L’île des morts vivants », 20 minutes), plus calme et moins loquace que son compatriote, mais qui délivrera tout de même quelques amusantes anecdotes de tournage tout en se remémorant ses exploits les plus craspec sur le film de Fulci. Enfin, on s’attardera sur un aspect important lié à la diffusion et à la popularisation de L’enfer des zombies en France avec un très intéressant entretien avec Alain Petit (« Quartier interdit : L’enfer des zombies », 11 minutes), au cœur duquel ce collaborateur régulier des éditions Artus Films reviendra sur son rôle auprès de Jean-Pierre Dionnet dans la création de l’émission « Quartier interdit », qui été parvenue à programmer le film de Fulci en version intégrale et VO sous-titrée. On terminera avec deux amusantes bandes-annonces du film.