L’Emprise du Démon
États-Unis : 2023
Titre original : The Offering
Réalisation : Oliver Park
Scénario : Hank Hoffman, Jonathan Yunger
Acteurs : Paul Kaye, Nick Blood, Emily Wiseman
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h33
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 11 janvier 2023
Date de sortie DVD/BR : 25 mai 2023
Alors qu’ils attendent leur premier enfant Claire et Arthur décident de renouer les liens familiaux. Le jeune couple s’installe dans la vétuste entreprise de pompes funèbres tenue par Saul, le père d’Arthur. Mais l’arrivée d’un mystérieux cadavre va les faire basculer dans l’horreur : la dépouille contient une entité surnaturelle, Abyzou, qui une fois libérée, veut posséder l’enfant à venir du couple. Face à ce démon, personne n’est à l’abri…
Le film
[3/5]
Depuis le carton de L’exorciste en 1973, le film de possession démoniaque n’a jamais réellement quitté les écrans. Si l’on en croit le site de référence IMDb, près d’une centaine de films traitant d’exorcisme et/ou de possession sont sortis sur nos écrans depuis le film de Friedkin, un peu plus de soixante d’entre eux ayant d’ailleurs vu le jour ces vingt dernières années. Bref, autant dire que la notion de possession démoniaque est plutôt monnaie courante dans le cinéma d’horreur contemporain ; cela dit, nous sommes généralement habitués à voir le genre abordé sous un angle strictement « catholique », comme cela fut récemment le cas avec le film La Proie du Diable.
La principale originalité de L’Emprise du Démon est qu’il quitte ce cadre pour aborder un démon issu du folklore religieux juif, nommé Abyzou. Et il faut admettre qu’il est toujours sympa de découvrir des démons issus d’autres cultures, avec lesquels le spectateur sera peu familier. Ces dernières années, on a d’ailleurs pu noter que plusieurs films d’horreur avaient pu mettre le genre du film de possession à la mode juive : on se souvient notamment très bien de The Unborn (David Goyer, 2009), ainsi que du très réussi Possédée (Ole Bornedal, 2012), ou encore de la série franco-israélienne Possessions (2020), qui mettaient en scène des « Dibbouks ». Plus récemment, de films tels que The Vigil (Keith Thomas, 2019), Attachment (Gabriel Bier Gislason, 2022) ou Lullaby (John R. Leonetti, 2022) utilisaient également le folklore juif afin de prendre le spectateur à revers.
Et il est vrai que durant son premier acte, L’Emprise du Démon a de quoi intriguer, notamment dans la façon dont le film met en place ses personnages : Art (Nick Blood) et sa femme Claire (Emily Wiseman), un couple récemment marié attendant son premier enfant, rendent visite à Saul (Allan Corduner), le père d’Art, à New York. Malgré des tensions passées liées au fait que Claire ne soit pas juive, Saul semble heureux que son fils soit de retour à la maison, et l’invite immédiatement à travailler avec lui dans la morgue familiale. Seulement voilà, le corps qu’ils reçoivent cette nuit-là est possédé par un démon, qui va bientôt convoiter le bébé de Claire…
Comme on l’a déjà évoqué un peu plus haut, le démon au cœur de L’Emprise du Démon se nomme Abyzou, un nom certes rigolo, mais qui correspond surtout à l’appellation d’un démon femelle dont les origines remontent probablement entre le deuxième et le cinquième siècle après Jésus Christ. Les experts en démonologie appliquée pourront probablement débattre du modus operandi choisi par le monstre dans le film, mais pour les néophytes, les quelques explications fournies par le scénario de Hank Hoffman et Jonathan Yunger s’avéreront globalement satisfaisantes, d’autant que ce n’est pas la première fois que l’on rencontre un démon déterminé à s’en prendre à un bébé.
C’est d’ailleurs un peu là que le bât blesse concernant L’Emprise du Démon : même si le film nous propose une atmosphère relativement bien développée et un troisième acte extrêmement spectaculaire, le film souffre certainement aussi d’un petit manque d’identité, dans le sens où ses rebondissements sembleraient finalement presque interchangeables avec d’autres films de possession, en dépit d’un potentiel de départ qui aurait pu / du embrasser d’une façon plus franche ses sources, et plonger le spectateur au cœur du folklore démonologique juif. Malheureusement, malgré quelques scènes « typiques », ce manque de développement a également un impact sur les personnages, trop nombreux et pas suffisamment développés.
L’Emprise du Démon affiche donc clairement ce que l’on appelle un « ventre mou » : la tonalité oscille entre le drame intime et l’horreur, mais la fusion des deux n’est pas toujours des plus homogènes. Beaucoup de pistes narratives sont balancées par le scénario, mais ne s’avèrent pas toujours explorées au-delà de la simple surface, surtout en ce qui concerne le juif hassidique déchu par qui le malheur arrive. Les excellents Allan Corduner et Paul Kaye insufflent à leurs petits rôles beaucoup de caractère, créant une présence à l’écran absolument mémorable, mais apportant également avec eux autant de pistes narratives qui seront le plus souvent laissées en plan.
Du côté du personnage principal de L’Emprise du Démon, on sent bien que Art a été très impacté par la mort de sa mère, mais cela n’aboutira sur rien ; même chose concernant les véritables raisons de son retour, largement évoquées dans la première bobine, qui seront également rapidement balayées d’un revers de la main, pour qu’on n’en entende plus parler par la suite. Son personnage nous apparaîtra le plus souvent comme complètement dépassé par les événements, mais le côté égoïste qui l’a poussé à enfin tendre la main à son père ne portera jamais réellement ses fruits dans la narration.
De fait, l’identification du spectateur fonctionne assez mal avec Art, et ce dernier se rabattra presque naturellement sur Claire, qui de plus n’est pas juive et se retrouve dès le début de L’Emprise du Démon plongée dans un milieu et des coutumes qu’elle ne connaît pas du tout. Malheureusement, et bien qu’Emily Wiseman fasse vraiment de son mieux pour donner de la chair à son personnage, la psychologie de Claire est également tristement sous-développée, n’endossant finalement dans le dernier acte du film que le traditionnel rôle de la demoiselle en détresse.
Ce manque d’implication « viscérale » du spectateur dans l’intrigue de L’Emprise du Démon pose certes quelques problèmes, qui empêcheront probablement le film d’Oliver Park de s’imposer comme une référence du genre. Pour autant, le film s’avère techniquement très réussi : le cinéaste a une bonne connaissance des codes du cinéma d’horreur, et sa formation en architecture a probablement été un atout concernant la conception des décors, qui constituent un des gros points forts du film. La mise en place des différentes scènes horrifiques tout au long du film sont efficaces, notamment en ce qui concerne les apparition d’Abyzou. L’utilisation des ombres et des lumières est absolument remarquable, et le final est indéniablement réussi : dommage que le scénario ne suive pas à 100% !
Le Blu-ray
[4/5]
Exploité dans les salles obscures au début de l’année, L’Emprise du Démon aura su attirer un peu plus de 167.000 français, sur un circuit de 254 salles. Des résultats mitigés, mais le film devrait logiquement se rattraper en vidéo. Et côté Blu-ray, comme à son habitude, Metropolitan Vidéo a indéniablement soigné sa copie en ce qui concerne le premier film d’Oliver Park et, photo sublime oblige, a apporté un soin tout particulier au transfert Haute Définition du film. De fait, le master affiche donc une forme littéralement insolente : piqué d’une précision à couper le souffle, couleurs éclatantes, profondeur de champ et niveau de détails accrus… Du beau travail pour un film qui saura sans peine s’imposer du point de vue de l’image et de la mise en scène. Côté son, VF et VO nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1, et les deux mixages plongeront le spectateur au cœur du film, avec une ambiance immersive à souhait. Dans la section suppléments, on ne trouvera que la traditionnelle bande-annonce.