Le Tigre du Bengale / Le Tombeau Hindou
Allemagne, France, Italie : 1959
Titre original : Der Tiger von Eschnapur / Das indische Grabmal
Réalisation : Fritz Lang
Scénario : Werner Jörg Lüddecke
Acteurs : Debra Paget, Paul Hubschmid, Walther Reyer
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 3h14
Genre : Aventures
Date de sortie DVD/BR : 12 décembre 2018
Le tigre du Bengale : L’architecte Henri Mercier se rend à Eschnapur, en Inde, où le souverain le charge de la construction d’un nouvel hôpital. Au cours de son voyage, Mercier croise Seetha, une jeune et jolie danseuse qu’il sauve des griffes acérées d’un redoutable tigre. Bientôt, une tendre idylle se lie entre Mercier et la belle. Mais le maharadjah s’est lui-même épris de Seetha et Mercier devient ainsi son principal rival…
Le tombeau hindou : En fuite du palais de Chandra, la belle Seetha et Mercier sont recueillis, épuisés, par une caravane. Poursuivis par Ramigani, le frère du maharadja, ils doivent se réfugier dans la montagne, où ils sont finalement capturés. Ils sont ramenés à Eschnapur, où Seetha est soumise au jugement des dieux, la danse du cobra…
Les films
[5/5]
Le petit monde de l’édition vidéo en France est un univers vaste et complexe, au cœur duquel l’on pourra être amené à faire se côtoyer les plus grands classiques du cinéma et les plus sombres nanars jamais accouchés sur celluloïd. Si l’on n’en est certes pas là avec les deux cas que nous allons évoquer aujourd’hui, le hasard des dates de sorties et des visionnages ont finalement amenés l’auteur de ces lignes à voir, quasiment dos à dos, le prodigieux diptyque de Fritz Lang Le tigre du Bengale / Le tombeau hindou (1959) et deux fleurons du bis des années 60, Gungala la vierge de la jungle (Romano Ferrara, 1967) et Gungala la panthère nue (Ruggero Deodato, 1968).
S’il peut paraître saugrenu à priori de rapprocher ces deux « sagas » cinématographiques ayant eu besoin de deux films pour s’épanouir totalement, on ne pourra que s’accorder sur le fait que globalement, les deux longs-métrages vont piocher leurs influences dans le même type de récits d’aventures surannés, typique du sérial et dont on retrouverait des réminiscences dans tout le cinéma « bis » italien des années 50/60. D’ailleurs, s’il demeure un cinéaste « intouchable » dont le talent de metteur en scène aura marqué profondément le cinéma du vingtième siècle, les dernières années de la carrière de Fritz Lang semblaient mine de rien très influencées par le cinéma bis européen – outre donc Le tigre du Bengale et Le tombeau hindou, on pense également au Diabolique docteur Mabuse (1960), qui allait également indéniablement puiser ses idées dans le divertissement populaire, et en particulier du côté des « fumetti » ou bandes dessinées populaires italiennes, très en vogue dans toute l’Europe à l’époque.
Bien sûr, l’analogie entre ces deux faces pas si opposées de la culture populaire s’arrête là. Formellement, on ne trouvera que peu de passerelles entre le cinéma de Fritz Lang, formellement ultra-maîtrisé, et les œuvrettes sympathiques de Ferrara et Deodato. « Projet de toute une vie » pour le cinéaste allemand, le diptyque Le tigre du Bengale / Le tombeau hindou profite de moyens littéralement exceptionnels, et chaque plan des deux films semble cadré au millimètre, proposant des compositions de plans à tomber par terre. Visuellement grandioses, les deux films développent, malgré leur côté suranné et paradoxalement hors du temps, une grâce et une beauté lyrique à couper le souffle. On a devant les yeux un somptueux livre d’images en Technicolor, piochant non seulement dans l’inconscient collectif du public – et l’image exotique qu’il peut se faire du pays des Maharadjah – mais également du côté des grands films d’aventures exotiques des années 40, tels que Le voleur de Bagdad (Michael Powell, 1940) ou Le livre de la jungle (Zoltan Korda, 1942).
De la même façon que le feraient sans vergogne les italiens durant les années 60 et surtout 70, le film en deux parties de Fritz Lang joue également la corde d’un érotisme torride, avec deux scènes de danse durant lesquelles les poses suggestives côtoient au plus près une certaine imagerie de la mort teintée de sadisme. Dans Le tombeau hindou en particulier, d’ailleurs, puisqu’au danger que représente la déesse de pierre (vous ne ferez croire à personne que vous n’aviez pas remarqué son impressionnante poitrine) s’ajoute le péril mortel du cobra, s’approchant dangereusement du personnage incarné par Debra Paget.
Bref, Le tigre du Bengale et Le tombeau hindou permettent à Fritz Lang de proposer une espèce de « chainon manquant » entre le « grand » cinéma, reconnu et respecté par les plus célèbres analystes et critiques du Septième Art, et le « Bis », vénéré par de non moins illustres afficionados à travers le monde. Un terrain d’entente prenant la forme de deux films aussi mythiques que monumentaux, et développant une espèce de cinéma « universel », propre à réconcilier tous les cinéphiles.
Le coffret Blu-ray
[5/5]
Le tigre du Bengale et Le tombeau hindou viennent donc d’arriver en Blu-ray sous les couleurs de Wild Side Vidéo dans un joli coffret contenant les films sur deux galettes Haute Définition ; un coffret qui viendra grossir les rangs du catalogue de l’éditeur, déjà très riche en termes de grands classiques restaurés. Les deux films bénéficient de masters solides, encodés en 1080p et au format 1.37 :1 respecté. Si l’ensemble n’est certes pas irréprochable (un léger bruit vidéo subsiste), le piqué, les couleurs et les contrastes retrouvent une nouvelle jeunesse, tout en respectant scrupuleusement le grain argentique d’origine. Certains plans sont plus doux que d’autres, on dénote toujours par ci par là quelques inévitables petites baisses de définition en fin de bobines ou durant les plans à effet, mais l’ensemble est globalement très bien tenu. Côté son, VF et VO sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, la version française s’avérant un peu plus étouffée que sa grande sœur, avec un léger souffle, mais rien de dramatique là non plus, d’autant que nombre d’amateurs de versions françaises un rien surannées seront ravis de ré-entendre le doublage d’origine du film, assuré entre autres par.
Du côté des suppléments, les possesseurs du coffret 5 DVD Le tigre du Bengale / Le tombeau hindou édité par Wild Side en 2004 dans sa collection « Les introuvables » ne seront pas dépaysés, puisqu’on y retrouvera une partie des suppléments déjà disponibles dans cette édition. Pas de contenu inédit à l’horizon, mais le bonheur de redécouvrir le diptyque de Lang en Haute Définition vaut tous les bonus du monde. Les complétistes auront néanmoins l’occasion de redécouvrir les versions alternatives des deux films, réalisées par Richard Eichberg en 1938 (en VOST uniquement), ainsi qu’un intéressant entretien avec Pierre Rissient, réalisé par Samuel Blumenfeld.