Le scandale
France : 1967
Titre original : –
Réalisation : Claude Chabrol
Scénario : Claude Brulé, Derek Prouse, Paul Gégauff
Acteurs : Anthony Perkins, Maurice Ronet, Yvonne Furneaux
Éditeur : BQHL Éditions
Durée : 1h51
Genre : Drame, Policier
Date de sortie cinéma : 31 mars 1967
Date de sortie DVD/BR : 28 janvier 2020
Héritier d’une riche famille propriétaire de vignobles en Champagne, Paul Wagner mène une existence oisive, confortable, qu’altèrent à peine des troubles psychiques. Un différend l’oppose à sa cousine Christine qui souhaite vendre la marque. Paul s’y refuse, allant jusqu’à chasser de chez lui les acheteurs américains. Déterminée, Christine n’entend pas en rester là. Elle demande à son mari, Christopher, de convaincre Paul. Nouvel échec. Pour elle, tous les moyens sont désormais bons, y compris le chantage, quitte à utiliser le meurtre d’une prostituée pour faire pression sur lui…
Le film
[3,5/5]
Tout au long de sa carrière, Claude Chabrol n’a eu de cesse de dresser un portrait bien peu reluisant de la bourgeoisie française, revenant sans cesse et à travers de très nombreux films sur l’hypocrisie et les faux-semblants cachés derrière le conformisme et la vertu de façade. Qu’il ait choisi de l’aborder sur le registre de la comédie grinçante ou du polar, sa critique féroce de la haute bourgeoisie de province explosera véritablement avec le tournant des événements de 1968, comme si son cinéma se construisait en écho par rapport aux mouvements sociaux qui secouaient sérieusement la France à l’époque.
Ainsi, en l’espace de seulement quelques films, Claude Chabrol est parvenu à dresser un portrait au vitriol de la France des années 70, au cœur desquels la bourgeoisie est présentée sous son jour le plus effroyable : cupide, et hypocrite, rongée par le vice et par la haine… Avec des films tels que Les biches, La femme infidèle, Que la bête meure, Le boucher ou encore Juste avant la nuit, Chabrol s’imposerait comme un observateur incontournable des coups bas, de la bêtise et des petites lâchetés indignes des familles les plus riches de l’hexagone.
Beaucoup plus centré sur la forme que sur les tenants et les aboutissements sociaux de son intrigue, Le scandale (1967) s’impose néanmoins comme annonciateur de ses grands films à venir dans la façon de porter un regard à la fois critique et amusé sur la décadence de classe de cette génération de jeunes gens paumés, cupides, arrivistes, alcooliques, étalant sans vergogne leur phallocratie ainsi que leur sentiment de domination de classe tout en vivant comme de véritables parasites… Aucun des personnages du Scandale n’est épargné par la caméra de Chabrol et la plume de Paul Gégauff, aucun d’entre eux n’est un tant soit peu sympathique ou présenté de façon positive : tous ne sont qu’un ramassis d’ordures, mais des personnages forts en gueule néanmoins, faisant beaucoup de bruit chacun dans son coin, avec ses propres motivations.
Sur ce canevas mettant en scène en gros quatre personnages évoluant dans le milieu du champagne (Anthony Perkins, Maurice Ronet, Yvonne Furneaux et Stéphane Audran), Chabrol ajoute une intrigue criminelle en forme de whodunit, au cœur de laquelle il sera un peu difficile de se repérer en tant que spectateur, dans le sens où le film défie la logique la plus élémentaire, multipliant les fausses pistes alors que les personnages multiplient quant à eux les mensonges. Il sera donc bien difficile de démêler le vrai du faux avant la séquence finale. Crime passionnel, crapuleux, machination ou cauchemar ?
Peu importe au final, car Chabrol semble d’avantage s’intéresser aux aspects les plus formels de son film, visuellement impressionnant, fractionnée, chatoyante de couleurs et de formes, tantôt abstraites, tantôt bizarrement malsaines et oniriques – à l’image de l’état d’esprit du personnage incarné par Maurice Ronet en quelque sorte, qui ne sait plus tellement où il en est, au début comme à la fin du film d’ailleurs.
Le Blu-ray
[4/5]
Disponible chez BQHL Éditions depuis quelques semaines, Le scandale s’est donc offert un lifting Haute-Définition inattendu sur galette Blu-ray. Le film de Chabrol n’a pas été restauré – on note la présence de nombreux points blancs et défauts liés à la conservation du film – mais s’impose tout de même dans de très bonnes conditions. Proposé au format Scope 2.35 respecté et en 1080p, Le scandale bénéficie donc, tout comme les autres titres disponibles en Blu-ray chez BQHL depuis quelques années, d’une jolie présentation vidéo. Le piqué manque certes peut-être un poil de précision, mais l’ensemble est tout à fait satisfaisant : le grain cinéma est bien préservé, les couleurs sont vives et naturelles, et les contrastes tranchants. L’ensemble affiche par ailleurs une stabilité assez remarquable. Côté son, la version française est mixée en Dolby Digital 2.0 (stéréo d’origine) et le mixage fait preuve d’une clarté remarquable, même durant les séquences les plus agitées.
Du côté des bonus, l’éditeur ne nous propose rien sur le disque proprement dit, mais on trouvera en revanche dans le boîtier un livret de 20 pages écrit par Marc Toullec – nouvelle preuve que l’ancien rédacteur en chef de Mad Movies sait faire preuve d’un éclectisme remarquable. On y apprendra tout sur la production et le tournage du film, l’ensemble étant également saupoudré d’anecdotes très amusantes. On découvrira donc que le producteur Raymond Eger avait « vendu » le scénario auprès de Chabrol en lui expliquant qu’il s’agissait d’un crime dans un camp de nudistes. Ce à quoi le cinéaste aurait répondu « Formidable ! Nous allons essayer de trouver l’endroit où on va cacher l’arme du crime ! » (Conversations avec Claude Chabrol – Un jardin bien à moi, François Guérif, 1999).