Le Retour de Ringo
Espagne, Italie : 1965
Titre original : Il ritorno di Ringo
Réalisation : Duccio Tessari
Scénario : Duccio Tessari, Fernando Di Leo
Acteurs : Giuliano Gemma, Fernando Sancho, Lorella De Luca
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h36
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 2 juillet 1967
Date de sortie DVD/BR : 4 juin 2019
De retour de la guerre de Sécession, Ringo retrouve sa ville sous la coupe réglée de bandits mexicains. Au milieu des habitants terrorisés et du shérif impuissant, il voit sa femme aux côtés du chef des bandits. À lui seul, Ringo va entreprendre la reconquête de la ville…
Le film
[5/5]
Pour ceux qui l’ignoreraient, Le retour de Ringo est la suite de Un pistolet pour Ringo, réalisé la même année avec la même distribution, le même réalisateur et le même héros. Mais en revanche, la tonalité générale des deux films est extrêmement différente : si Un pistolet pour Ringo marchait globalement sur les plate-bandes de Sergio Leone période Pour une poignée de dollars, avec un Giuliano Gemma en démarcation de l’homme sans nom interprété par Clint Eastwood, Le retour de Ringo s’impose comme une œuvre beaucoup plus sérieuse, aux relents tragiques, très éloignée de la décontraction de façade du film précédent.
Dès les premières minutes, le ton est donné, avec une explosion de violence aveugle habilement orchestrée par Duccio Tessari, et un héros plongé dans le désespoir, fomentant d’impitoyables plans de vengeance. Mettant en scène le retour de Ringo « au pays », c’est à dire auprès de sa femme, le film est une espèce de relecture de L’odyssée d’Homère, qui narrait le retour d’Ulysse à Ithaque : Ulysse y revenait sur son île déguisé en mendiant, délivrait son épouse Pénélope de ses prétendants et retrouvait son fils Télémaque. Ringo utilise ici le même subterfuge : il se déguise en peón mexicain et finira par délivrer sa femme Helen (Lorella De Luca) des avances du dangereux Paco Fuentes, et retrouvera sa fille Elizabeth. Le cadre est celui de l’après-guerre civile américaine, et le ton n’est pas à proprement parler à la rigolade : on nage ici en pleine tragédie grecque à la sauce spaghetti. Spaghetti paëlla devrait-on d’ailleurs dire, puisque Le retour de Ringo est une coproduction italo-espagnole.
L’ambiance est sombre, avec des passages versant dans le mélo pur et dur, mais même ceux-ci, soutenus par la musique grandiose d’Ennio Morricone, permettent au film d’atteindre une dimension tragique supplémentaire et surtout tout à fait convaincante. Ajoutez à cela une photographie et des compositions de plans de toute beauté (voir les captures d’écran disséminées dans cet article !), un étonnant souci du détail (le tic de Giuliano Gemma) et une tendance à flirter avec d’autres genres (le fantastique notamment, avec l’apparition fantomatique de Ringo à la fin du film, sa voix outrageusement déformée hurlant « Paco Fuentes ! Je suis de retour »)… Au final, vous obtiendrez un excellent western spaghetti, noir et désespéré comme on les aime. Heureusement cela dit, le scénario imaginé par Fernando Di Leo et Duccio Tessari réserve au spectateur quelques plages plus humoristiques, grâce notamment à Myosotis (Manuel Muñiz), le personnage du croque-mort épris de fleurs.
Tout n’est peut-être pas parfait au cœur de ce Retour de Ringo, et les mécanismes narratifs de l’intrigue, hérités de L’odyssée, nécessiteront sans doute de la part du spectateur non habitué au genre un petit soupçon supplémentaire de suspension de crédulité : difficile par exemple de croire que personne ne reconnaisse Ringo, étant donné l’aspect pour le moins « minimaliste » de son déguisement… Mais ce « défauts » ne sera pas forcément considéré comme tel au final, dans le sens où il ajoute encore une petite touche de charme supplémentaire à l’ensemble, qui s’avère vraiment un petit trésor de spagh’, qu’on aime à voir et revoir avec régularité. On espère maintenant qu’Artus Films se penchera sur les autres films réunissant le duo gagnant Duccio Tessari / Giuliano Gemma, tels que Un pistolet pour Ringo (1965) bien sûr, mais également le péplum Les titans (1962).
Le Combo Blu-ray + DVD
[5/5]
Après une première édition sortie il y a de nombreuses années sous les couleurs de Seven7, Le retour de Ringo débarque aujourd’hui en Combo Blu-ray + DVD édité par Artus Films, dans un superbe mediabook garni d’un livret de 64 pages intitulé « Les grandes tragédies dans le western européen », et proposant des textes signés Lionel Grenier, Guillaume Flouret, Vincent Jourdan et Gilles Vannier, le tout étant naturellement accompagné de nombreuses photos. Si Artus n’a malheureusement pas été en mesure de nous fournir une copie du livret ni de version finalisée du mediabook, on fait confiance à l’éditeur à qui il tenait probablement à cœur de livrer une édition de référence s’imposant également comme un très bel objet de collection. Le retour de Ringo rejoint par ailleurs de façon tout à fait logique la riche collection « Western Européen » de l’éditeur.
Le master proposé par Artus Films ne décevra pas les amoureux du western de Duccio Tessari :dès les premiers plans, on constatera que le boulot de restauration a été fait avec soin. Le bond qualitatif par rapport à l’édition DVD disponible en France depuis l’an 2004 (la préhistoire en terme de numérique !) est vraiment saisissant. Le grain d’origine est bien là, le piqué est d’une belle précision, et les couleurs – et dieu sait s’il y en a – sont éblouissantes. Bref, on est en présence d’un très beau Blu-ray. Côté son, c’est la classe également : la VO et la VF d’origine sont proposées dans des mixages LPCM Audio 2.0 clairs et équilibrés. Les nostalgiques se régaleront d’ailleurs du doublage français, avec notamment la voix de Guy Piérauld – voix légendaire de Bugs Bunny ou de Max la menace – pour l’amusant personnage de Myosotis.
Du côté des suppléments, et outre la traditionnelle bande-annonce, l’éditeur Artus Films nous propose une présentation du film signée Curd Ridel, dans laquelle il replace Le retour de Ringo dans son contexte de tournage et revient de façon précise et complète sur l’ensemble du casting du film, citant des films aux titres évocateurs. On poursuivra ensuite avec un making of rétrospectif intitulé « L’odyssée de Ringo », qui proposera une série d’entretiens avec Sergio D’Offizi (caméraman) et Lorella De Luca (actrice et, accessoirement, épouse de Duccio Tessari), qui se remémoreront avec plaisir leur expérience sur le film. On terminera le tour de cette sublime édition avec la traditionnelle galerie de photos.
Superbe texte et synthèse de Gilles Vannier, sur une vingtaine de pages. Comment d’un seul coup tout m’a paru clair, évident, limpide !
Merci Artus Films !
Ah……. je viens de comprendre pourquoi l’éditeur n’envoyait à personne le livret pour le moment. Il s’est trompé sur le feuillet de présentation dans les noms des auteurs des textes, Jérôme Pottier apparaît par erreur au lieu de Gilles Vannier. Vu les ennuis rencontrés sur L’Enfer des zombis j’imagine qu’il prend désormais ses précautions !