Le relais de l’or maudit
États-Unis : 1952
Titre original : Hangman’s knot
Réalisation : Roy Huggins
Scénario : Roy Huggins
Acteurs : Randolph Scott, Donna Reed, Lee Marvin
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h21
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 20 novembre 1953
Date de sortie DVD/BR : 10 août 2020
1865, Nevada. Le major sudiste Matt Stewart apprend, après avoir attaqué et volé de l’or à un convoi nordiste, que la guerre est finie depuis plusieurs semaines. Devenu soudainement hors-la-loi et refusant de revenir en arrière, il décide de fuir avec son butin mais il est pris en chasse par une bande de truands…
Le film
[4/5]
Au sein de la communauté des amateurs de westerns, le nom de Randolph Scott remue toujours forcément quelques chaleureux souvenirs. On ne compte plus en effet ses collaborations avec les plus grands noms de l’Ouest cinématographique : d’André De Toth à George Waggner en passant par Ray Enright, John Sturges ou Sam Peckinpah, il a longtemps fait figure de héros de western typique des années 50. Durant les dernières années de sa carrière d’acteur, il incarnerait le héros du « cycle Ranown » (de la société Ranown Pictures), qui désigne en fait ses sept collaborations avec le cinéaste Budd Boetticher : Sept hommes à abattre, L’homme de l’Arizona, Le vengeur agit au crépuscule, L’aventurier du Texas, La chevauchée de la vengeance, Le courrier de l’or et Comanche Station. Ces films ont été tournés sur une période restreinte de cinq ans, entre 1956 et 1960, et sont de nos jours entrés dans l’Histoire du western, aux côtés des chefs-d’œuvre de John Ford ou d’Anthony Mann.
Loué soit donc Sidonis Calysta, qui nous permet aujourd’hui de (re)découvrir Le relais de l’or maudit en Blu-ray et DVD, et ainsi de constater que Randolph Scott a aussi tourné un grand western sous la direction de Roy Huggins, un scénariste / réalisateur ô combien talentueux – dont il s’agit malheureusement du seul et unique film en tant que metteur en scène. Se basant sur un scénario simple mais efficace, Le relais de l’or maudit propose donc au spectateur une série B de luxe, qui permet à Roy Huggins d’organiser un quasi-huis clos au suspense assez prenant.
Le film commence en 1865, par le vol d’une cargaison d’or et le massacre de soldats nordistes par une brigade sudiste menée par Randolph Scott. Or, un survivant parmi les victimes leur apprend que la guerre est terminée depuis un mois : la guerre étant officiellement terminée, en tuant ces hommes, les soldats sont devenus des criminels. Après avoir volé une diligence, ils se réfugient dans un relais, mais se retrouvent bientôt assiégés par des hors-la-loi bien décidés à prendre possession de leur or… Huis clos oblige, Le relais de l’or maudit concentre l’essentiel de ses moments de calme à décrire les différents personnages : la belle infirmière et son pleutre de fiancé (Donna Reed et Richard Denning), l’officier en second un peu trop enclin à tâter de la gâchette (Lee Marvin), un vieux fermier et sa fille, ayant perdu son fils ainsi que son mari à cause de la guerre (Clem Bevans et Jeanette Nolan), un jeune soldat orphelin aussi naïf qu’effrayé (Claude Jarman Jr)…
Les tensions montent entre les différentes personnalités forcées de cohabiter, alors même qu’ils doivent résister aux assauts de leurs poursuivants. Mais des conflits internes déchirent également le camp des bandits, menés par l’excellent Ray Teal. Cette ambiguïté au cœur du scénario du Relais de l’or maudit dresse d’inévitables parallèles entre les deux groupes : d’un côté les « gentils », devenus hors-la-loi malgré eux, et de l’autre les « méchants », qui se font d’ailleurs passer pour des hommes de loi pour mettre la main sur le magot. Au final bien sûr, le film proposera une morale assez typique des années 50 concernant l’attrait de l’or (qui ne fait pas le bonheur), et les inimitiés de façade entre le Nord et le Sud s’effaceront, avec même l’accueil au sein d’un foyer nordiste d’un « fils de substitution » confédéré…
Concentré à tirer le meilleur de son intrigue resserrée et de son petit groupe d’acteurs, Roy Huggins laisse certes un peu de côté l’aspect purement visuel de son œuvre, et opte pour une mise en scène purement « fonctionnelle », basée sur l’efficacité, renforcée par un postulat de base intéressant. Cela dit, cela n’altère finalement en rien l’impact que pourra avoir Le relais de l’or maudit sur le spectateur, qui appréciera à coup sûr ce solide western sans le moindre temps mort, se payant de plus le l’audace – relative – de ne pas forcément reprendre tous les passages obligés du western de l’époque mais uniquement ceux pouvant servir son récit. Pour terminer, on notera que Le relais de l’or maudit marquait la première rencontre à l’écran entre Randolph Scott et Lee Marvin – les deux hommes s’y retrouveraient l’année suivante dans Les massacreurs du Kansas (1953), puis en 1956 dans Sept hommes à abattre.
Le Blu-ray
[4/5]
En nous proposant presque chaque mois de nouveaux titres inédits dans sa collection « Western de légende » – à l’image de ce Relais de l’or maudit qui s’offre ici un Blu-ray en exclusivité mondiale – Sidonis Calysta s’est taillé une place de choix dans le cœur des amateurs de westerns. La sortie du film de Roy Huggins en Haute-Définition est donc un petit événement en soi. Le film a été remasterisé, et affiche plutôt une bonne forme : on peut dire adieu aux taches et autres poussières disgracieuses qui pullulaient sur le DVD du film, édité en 2007 par Sony Pictures. Pour autant, l’upgrade HD du film n’est pas non plus des plus flagrants. Globalement, le master est stable et propre, et les couleurs et contrastes ne posent pas le moindre problème, mais l’ensemble manque malheureusement un peu de piqué pour se révéler totalement satisfaisant. Mais trêve de maniaquerie, et applaudissons donc des deux mains Sidonis Calysta de nous offrir la possibilité de revoir le film dans de bonnes conditions. Côté son, c’est du très bon boulot avec à la fois la VF et la VO proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, claires et intelligibles. On préférera néanmoins la VO à sa petite sœur la VF, qui manque un peu de pep’s.
Côté suppléments, outre la traditionnelle bande-annonce du film, Sidonis Calysta a de nouveau fait à appel à ses experts « maison » et nous propose tout d’abord une présentation du film par Patrick brion (7 minutes). Comme à son habitude depuis quelques années, Brion dressera un panorama des autres westerns sortis en 1952, ce qui, mine de rien, permet de situer le film par rapport à l’évolution du western américain des années 50. Il abordera ensuite un peu plus précisément Le relais de l’or maudit, l’atmosphère du film, et enfin l’apport de Randolph Scott et du cascadeur Yakima Canutt, doublure de John Wayne sur une quinzaine de westerns entre 1933 à 1935. On terminera enfin avec une présentation du film par Jean-François Giré (13 minutes), qui évoquera, non sans quelques redites par rapport à l’intervention de Patrick Brion, l’intrigue du film – avec Spoilers – mais également les personnages et les cascades. Il insistera tout particulièrement sur le talent de Roy Huggins, ainsi que sur l’intrigue du film, qui propose un savant mélange de western et de film noir. Très intéressant !