Test Blu-ray : Le Rapace

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Le Rapace

France, Italie, Mexique : 1968
Titre original : –
Réalisation : José Giovanni
Scénario : José Giovanni
Acteurs : Lino Ventura, Xavier Marc, Rosa Furman
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h47
Genre : Aventures
Date de sortie cinéma : 24 avril 1968
Date de sortie DVD/BR : 10 septembre 2021

Le “Rital”, un mercenaire aventurier, est engagé par l’avocat Calvez, éminence grise d’une bande de conjurés, pour abattre le Président d’une République d’Amérique du Sud. Il s’agit d’abattre le Président actuel pour faire un héros national du petit-fils de l’ancien Président, celui-ci devant partager l’aventure aux côtés du tueur à gages pour justifier sa renommée…

Le film

[4/5]

Quand José Giovanni se décide à passer derrière la caméra en 1967, il est déjà une des personnalités les plus connues et les plus respectées du cinéma français. Révélé au public en 1957 avec la parution de son premier roman, « Le Trou », récit de sa tentative d’évasion de la prison de la Santé dix ans plus tôt, il deviendrait en effet un auteur de référence de la Série Noire, en publiant notamment « Le Deuxième Souffle » et « Classe tous risques », considérés comme de véritables classiques de la littérature policière made in France. Les films adaptés de son œuvre suivront rapidement, s’imposant également comme des incontournables : on pense par exemple à des chefs d’œuvre tels que Le Trou (Jacques Becker, 1960), Classe tous risques (Claude Sautet, 1960), Un nommé La Rocca (Jean Becker, 1961) et bien sûr Le Deuxième Souffle (Jean-Pierre Melville, 1966).

Autant dire donc que le nom de José Giovanni était respecté dans la deuxième moitié des années 60 ; sa décision d’accéder à la réalisation lui permit ainsi d’élargir un peu l’éventail de ses talents, en laissant quelque peu de côté le polar pour se concentrer sur autre chose, tout en abordant un autre type de narration. C’est particulièrement remarquable dans son deuxième en tant que metteur en scène, Le Rapace, qui s’ouvre sur une longue introduction dénuée du moindre dialogue, et qui suit un Lino Ventura pour le moins taciturne débarquant dans un pays d’Amérique latine pour y exécuter un contrat. En l’espace de quelques séquences à peine, Giovanni pose le décor autant que la tonalité de son film. Une tonalité que l’on ressent rapidement comme puissamment âpre, sinistre, teintée d’un réalisme brut – Le Rapace s’impose dans un premier temps grâce à une narration ne s’exprimant que par l’image, qu’il alternera cela dit avec une série de discussions portant sur le personnage en lui-même, et sur le tragique destin qu’on lui prédit.

Par la suite, Le Rapace fera place à un véritable festival dédié au talent de Lino Ventura. D’une façon assez étrange, le film se refuse obstinément à faire du « Rapace » un personnage sympathique. Au contraire, le mercenaire incarné par Ventura s’avère une brute épaisse, que l’on croit pendant une large partie du film incapable de sentiment. Ainsi, son acharnement à maltraiter à l’écran le jeune « Chico » (Xavier Marc) se révélera rapidement aussi cruel qu’apparemment gratuit, ce qui rendra impossible pour le spectateur de s’identifier au personnage incarné par Lino Ventura. A sa façon, Giovanni illustre ici un conflit des générations profondément dans l’air du temps – nous sommes en 1968 – et la dynamique de leurs interactions est en réalité plus importante que le « contrat » pour lequel ils devront collaborer.

La description de ces échanges pour le moins tendus – et néanmoins teintées des bribes d’une relation père/fils naissante – entre le mercenaire bourru et le révolutionnaire naïf constitue incontestablement un des points forts du Rapace. D’âge, de culture et de conviction, rien ne les rassemble : Ventura, cynique et cruel, se moque ouvertement de l’idéalisme de son partenaire imposé, qui, en raison de son jeune âge, croit encore en la révolution et rêve de lendemains qui chantent. L’évolution subtile de la relation entre les deux personnages centraux permet de fait à José Giovanni de nous livrer une réflexion intéressante sur le concept de « moralité » en politique, réflexion avait déjà souvent été abordée dans ses romans.

Mais si Le Rapace est considéré comme l’un des films les plus inspirés de Giovanni, c’est sans doute aussi également grâce à sa dernière partie, tendue et captivante, mettant en scène de remarquables séquences de fusillade et évoquant le meilleur du western Spaghetti à la Sergio Leone. Cette impression est d’ailleurs encore renforcée par l’utilisation des sublimes décors naturels du Mexique, ainsi que par la partition musicale de François de Roubaix, décalée et clairement inhabituelle dans ce genre de film.

La collection « La séance »

Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.

Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.

L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas du Rapace, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par StudioCanal avec la participation du CNC.

La huitième vague de la collection « La séance » sera disponible à partir du 10 septembre 2021 chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 49 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc Chiens perdus sans collier (Jean Delannoy, 1955), Gas-oil (Gilles Grangier, 1955), Le grand chef (Henri Verneuil, 1958), Train d’enfer (Gilles Grangier, 1965), Le Rapace (José Giovanni, 1968) et Dernier domicile connu (José Giovanni, 1970). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.

Le coffret Digibook prestige

[5/5]

Bénéficiant d’une toute nouvelle remasterisation 4K, Le Rapace débarque donc ce mois-ci chez Coin de mire Cinéma, pour le plus grand plaisir des amoureux de Lino Ventura et José Giovanni. On ne pourra d’ailleurs que se réjouir en voyant le résultat de cette nouvelle édition Blu-ray. L’image est tout simplement magnifique, la restauration ayant été effectuée avec soin. Le niveau de détail est excellent, avec un piqué d’une précision inédite et une gestion des contrastes tout à fait remarquable. L’absence de filtrage superflu permet également à l’image de s’offrir une patine argentique respectée à la lettre, ce qui est toujours très agréable. Du Grand Art. Côté son, le film est mixé en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), et l’ensemble est solide et équilibré, qu’il s’agisse des dialogues ou de l’intégration des effets sonores – il n’y a vraiment rien à redire, si ce n’est MERCI Coin de mire Cinéma.

Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose comme à son habitude de reconstituer chez soi l’intégralité d’une séance de cinéma, comme à l’époque de la sortie du film. On commencera donc avec les Actualités Pathé de la 17ème semaine de l’année 1968 (11 minutes), qui présentent la particularité de nous proposer un journal « Spécial Jeunesse ». On commencera donc avec l’Allemagne et les frasques de Rudi le Rouge, pour revenir en France – et plus particulièrement à Nanterre – où la situation semble revenue au calme… Avant la tempête si l’on considère ce qui se passera le mois suivant ! Un brin condescendants, les commentaires sous-entendent d’ailleurs que la révolte des étudiants était simplement liée à la non-mixité des dortoirs ; une étudiante est d’ailleurs interviewée à ce sujet, déclarant que le sujet de la sexualité est important, et qu’après tout, c’est le printemps… On terminera le journal avec un focus sur le métier de « cover girl » chez Catherine Harlé (« les travaux forcés du sourire »), ainsi qu’avec une expo d’Art Moderne voyant le sculpteur César distribuant et signant son Art à ses admirateurs.

Après la bande-annonce des Jeunes Loups, on continuera la séance avec une page de réclames publicitaires de cette année 1968 (8 minutes). On se régalera des grand Miko à deux parfums, on admirera les performances de la Renault 8S sur le circuit de Clermont Ferrand, avant de se délasser à bord d’un long-courrier UTA. On continuera ensuite avec les cigarettes Flash, « pour les femmes jeunes et à la page », le Martini on the rocks, compagnon idéal d’un safari en Afrique, ainsi qu’avec une annonce dédiée à la gloire des Horlogers / Bijoutiers. Enfin, on terminera avec une publicité mettant en scène André Pousse pour les machines à laver Arthur Martin.

Une fois n’est pas coutume, Coin de mire Cinéma nous propose par ailleurs deux modules de bonus supplémentaires. On commencera avec une enthousiaste présentation du film par le critique / biochimiste Julien Comelli, qui remettra le tournage du film dans son contexte, et dressera une série de parallèles entre Le Rapace et Les Aventuriers (Robert Enrico, 1967). On terminera ensuite avec un long entretien avec Zazie Giovanni (53 minutes), mené par le même Julien Comelli sur le ton de la discussion emprunte de respect. Elle y parlera de la carrière de son mari, de ses amis et de ses films, avec parfois une certaine émotion. Passionnant !


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