Le plein de super
France : 1976
Titre original : –
Réalisation : Alain Cavalier
Scénario : Alain Cavalier, Patrick Bouchitey, Etienne Chicot, Bernard Crombey, Xavier Saint-Macary
Acteurs : Patrick Bouchitey, Etienne Chicot, Bernard Crombey
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h37
Genre : Drame, Comédie
Date de sortie cinéma : 7 avril 1976
Date de sortie DVD/BR : 12 juin 2019
De Lille, deux jeunes de 25 ans doivent convoyer une Chevrolet à Cannes. En faisant le plein à Paris, ils se retrouvent malgré eux à quatre. Chacun a ses raisons pour être dans cette voiture. C’est l’occasion pour chacun de faire le bilan de sa vie et de ses envies…
Le film
[4/5]
Cinéaste de l’intime, ayant développé au fil des années une approche unique et personnelle du cinéma, à la lisière de l’artisanat et du documentaire, Alain Cavalier ne tourne plus depuis plusieurs années qu’en indépendant, livrant de façon régulière des films inclassables et épurés, dégagés de toutes les contraintes narratives et formelles du cinéma dit « traditionnel ». Cependant, ce virage dans sa carrière de cinéaste s’est opéré de façon progressive, et au fur et à mesure de l’évolution de son Art – durant les années 60, 70, 80 – Cavalier a tout de même concédé à tourner une poignée de films plus traditionnels dans leur approche de la narration cinématographique.
Le plein de super est de ceux-ci. Film choral, tenant autant du road-movie que de la chronique de mœurs très ancrée 70’s, le film met en scène une bande d’amis inséparables, à l’écran comme à la ville : tous ont d’ailleurs mis la main à la pâte concernant le scénario, sans querelles d’ego, et au final, Le plein de super s’impose véritablement comme un film plein d’humour et de dynamisme, donnant une impression de captation « sur le vif », et rythmé par des dialogues et échanges littéralement irrésistibles entre les quatre acteurs principaux (Patrick Bouchitey, Étienne Chicot, Bernard Crombey et Xavier Saint-Macary). De fait, il est vite difficile de discerner la frontière, forcément très ténue, entre la fiction et la réalité, et le long-métrage de s’imposer rapidement comme une véritable « tranche de vie », un pur moment de réalité capté sur celluloïd.
Le naturel des acteurs, leur liberté, tout cela allié bien sûr au son direct qui ne les entrave jamais dans leurs frasques et leurs délires verbaux (même si, aussi paradoxal que cela puisse paraître, Bernard Crombey révèle dans les bonus du Blu-ray que le scénario ne laissait aucune place à l’improvisation) sont autant d’éléments qui permettent au Plein de super de se poser comme une expérience vraiment mémorable et attachante, un film alternant les moments de vérités et ceux tirant d’avantage sur la poésie sans jamais provoquer d’ennui ou de lassitude du côté du spectateur. Très ancré dans son époque, le film de Cavalier permet également au spectateur contemporain de se rendre compte des paradoxes sociaux et culturels de l’immédiat post-mai 68 pour les hommes, un peu paumés au cœur d’une société où les rôles semblaient redistribués. Une espèce de mélancolie et de sentiment d’être soudainement inadapté à son temps, que l’on pouvait également retrouver au cœur des films tournés par Claude Berri à la même époque (Sex shop, Le mâle du siècle…).
Le Blu-ray
[4/5]
Parallèlement à la sortie en Blu-ray d’Un étrange voyage (lire notre article), Gaumont nous propose donc ce mois-ci de découvrir Le plein de super, également sur support Haute-Définition. Techniquement, l’éditeur connaît son affaire et il y aura bien peu à (re)dire concernant cette édition Blu-ray : la définition est précise, les couleurs riches et bien saturées, les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, les plans « à effets » (générique, mentions écrites, fondus enchaînés) accusent des effets du temps, mais le reste est d’une propreté et d’une stabilité tout à fait étonnantes. Côté son, la version française est naturellement proposée en DTS-HD Master Audio 2.0 : le rendu acoustique est aussi stable et propre que parfaitement clair.
Côté suppléments, Gaumont nous propose un entretien inédit avec Bernard Crombey, acteur et co-scénariste du film. Il y reviendra sur la genèse du film, l’écriture, le tournage et l’insuccès du Plein de super, évoquera son amitié de quarante avec Alain Cavalier (il rend d’ailleurs un bel hommage à Libera me) et sur les difficultés du métier d’acteur. Très intéressant ! On terminera ensuite avec un sujet sur la restauration du film, présenté sur le mode toujours payant du « avant / après ».