Le parfum de la dame en noir
Italie : 1974
Titre original : Il profumo della signora in nero
Réalisation : Francesco Barilli
Scénario : Francesco Barilli, Massimo D’Avak
Acteurs : Mimsy Farmer, Maurizio Bonuglia, Mario Scaccia
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h43
Genre : Thriller, Drame, Giallo
Date de sortie DVD/BR : 1 juin 2021
Silvia, une jeune scientifique, se consacre exclusivement à son travail, délaissant son fiancé Roberto. Lors d’une soirée, elle rencontre un confrère africain qui va lui faire découvrir l’occultisme. Bientôt, des visions sur sa petite enfance vont ressurgir, des images érotiques avec sa mère, et tout ce qu’elle avait tenté de refoulé au plus profond de son être…
Le film
[4,5/5]
Le parfum de la dame en noir est un film rare, passionnant, et encore aujourd’hui relativement peu connu en France – peut-être en partie parce qu’il n’y avait pas été exploité dans les salles obscures, même à la grande époque du Giallo. Pour autant, le film de Francesco Barilli n’était pas tout à fait inconnu non plus, notamment parce qu’il avait bénéficié d’une petite remise en avant par l’Étrange Festival en 2010, qui l’avait projeté dans le cadre d’un hommage à l’actrice Mimsy Farmer. C’est à cette occasion que beaucoup de cinéphiles français l’avaient découvert, zappant une masterclass de Tobe Hooper pour se plonger dans les délices 70s de ce grand petit film.
Ainsi, si de nombreux gialli ont donc connu un succès international dans les années 70, certaines petites merveilles sont passées entre les mailles du filet et n’ont jamais atteint les côtes françaises. Heureusement, de courageux éditeurs vidéo portés par leur passion du genre nous permettent aujourd’hui de faire quelques découvertes tardives : c’est le cas pour Artus Films qui exhume ce mois-ci Le parfum de la dame en noir.
Développant une superbe ambiance de terreur psychologique gothique « à combustion lente », le film de Francesco Barilli utilise à merveille le physique et la personnalité de Mimsy Farmer, qui porte littéralement Le parfum de la dame en noir sur ses épaules. Il semble d’ailleurs que les cinéastes italiens de l’époque aimaient la voir évoluer dans des rôles de femmes fragiles basculant dans la démence : Dario Argento avait déjà exploité cette facette de sa personnalité dans Quatre mouches de velours gris en 1971, et Armando Crispino remettrait le couvert en 1975 avec Frissons d’horreur.
Artificiellement rattaché au genre Giallo, Le parfum de la dame en noir n’en utilise cependant que très partiellement les codes esthétiques. Ni sanglant, ni particulièrement violent, le film ne nous propose pas non plus le motif du tueur à l’arme blanche aux mains gantées de cuir. L’horreur est ici beaucoup plus insidieuse et psychologique, et Francesco Barilli ne dévoilera pas toutes ses cartes avant les cinq dernières minutes du film. On sent bien, dans la façon dont le cinéaste développe son ambiance, que les influences vont d’avantage chercher du côté de chez Roman Polanski (période Répulsion) que de chez Argento.
Ainsi, pendant la majeure partie de l’intrigue du film, il sera bien difficile pour le spectateur de déterminer si les visions de l’héroïne sont réelles ou si elles constituent de simples créations de son esprit : on n’est de fait jamais tout à fait sûr de savoir s’il s’agit d’une histoire de fantômes, d’un whodunit, d’un thriller de machination ou tout simplement d’une lente descente au cœur de la folie. Soutenu par la remarquable partition musicale de Nicola Piovani, Le parfum de la dame en noir joue la carte de l’ambiguïté : les fausses pistes sont nombreuses, le monde onirique très présent, et le film évoque par son ambiance et certaines de ses idées visuelles une espèce d’Alice au pays des merveilles en mode gothique, et parsemé de concepts Freudiens distribués au spectateur à la façon des pièces d’un puzzle, qu’il devra reconstituer par lui-même.
Techniquement, le film de Barilli n’en demeure pas moins un immense choc esthétique : la photo est superbe, les cadres soignés et recherchés, les décors absolument remarquables. Reste donc à se laisser aller à ce film aux allures de rêve éveillé… Et sous ses airs d’exercice de style, Le parfum de la dame en noir n’en demeure pas moins, au final, une expérience absolument fascinante pour le spectateur qui parviendra à se laisser porter par le rythme lent du métrage. La lente dérive mentale du personnage incarné par Mimsy Farmer s’accompagnera en effet de nombreuses questions pour le spectateur, qui se régalera du labyrinthe psychologique que lui propose l’intrigue du film.
Le Blu-ray
[4/5]
Aussi inattendue que franchement réjouissante, l’arrivée du parfum de la dame en noir au format Blu-ray s’est donc faite sous les couleurs d’Artus Films, dans un joli coffret d’apparence luxueuse. Le film de Francesco Barilli débarque donc dans un sublime digipack contenant le Blu-ray + un DVD du film, le tout étant surmonté d’un joli fourreau reprenant une des affiches du film. Les collectionneurs sont aux anges, d’autant que comme à son habitude, l’éditeur français a non seulement soigné la qualité de son transfert Haute Définition, mais également veillé au grain en ce qui concerne la qualité des suppléments.
Côté image, la copie est quasi-irréprochable : le Blu-ray est tiré d’un master 2K restauré, et force est de constater que la restauration a été faite avec soin. Le Blu-ray (naturellement encodé en 1080p) s’impose sans peine comme tout à fait respectueux des couleurs et de la granulation d’origine, tout en proposant un piqué et un niveau de détail assez bluffants. Les contrastes ne sont jamais pris à revers, et les (nombreuses) scènes nocturnes ne souffrent jamais de noirs « bouchés ». Côté son, la VO est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), et s’avère tout à fait satisfaisante.
Dans la section des suppléments, on trouvera tout d’abord une présentation du film par Emmanuel Le Gagne (24 minutes). Il reviendra pêle-mêle sur la carrière de Francesco Barilli et de Mimsy Farmer, sur le film et son intrigue, ainsi que sur beaucoup d’autres choses – et c’est d’ailleurs un peu le problème d’Emmanuel Le Gagne, qui tend un peu trop à partir dans tous les sens, emporté par la passion. De fait, sa présentation, si intéressante soit-elle, manque tout de même un peu de structure. On poursuivra ensuite avec la bande-annonce, la traditionnelle galerie de photos, et le générique du film en anglais.
L’originalité de cette édition est cependant de nous proposer en supplément un court-métrage de Stéphane Derderian intitulé Plus loin encore (2009, 21 minutes). Stéphane Derderian a fait ses armes aux côtés de Gaspar Noé en tant qu’assistant réalisateur. Si l’on comprend assez rapidement où le cinéaste veut nous emmener, le charisme de Jo Prestia permet au petit de garder un fort pouvoir d’attraction sur le spectateur.