Test Blu-ray : Le moulin des supplices

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1947

Le moulin des supplices

 
Italie, France : 1960
Titre original : Il mulino delle donne di pietra
Réalisateur : Giorgio Ferroni
Scénario : Giorgio Ferroni, Remigio Del Grosso, Ugo Liberatore, Giorgio Stegani
Acteurs : Pierre Brice, Scilla Gabel, Dany Carel
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h37
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 5 septembre 1962
Date de sortie DVD/BR : 16 avril 2019

 

Hans arrive dans une petite bourgade près d’Amsterdam dans le but d’y rencontrer le sculteur Wahl. Ce dernier vit avec sa fille Elfie et le docteur Bolem dans un moulin reconverti en un macabre musée de cire. Un endroit que les gens du village ont surnommé « Le moulin aux femmes de pierre ». Mais alors qu’Elfie s’éprend de Hans, ce dernier découvre que le moulin cache un horrible secret, quelque chose qui pourrait lui faire perdre la raison à tout jamais…

 


 

Le film

[4,5/5]

Sous l’impulsion des petits trésors tournés par la Hammer à la fin des années 50, d’autres pays ont commencé à explorer les arcanes du cinéma d’épouvante à tendance « gothique ». On pense bien sûr aux Etats-Unis, avec la superbe série de films de Roger Corman adaptés d’Edgar Poe notamment, mais également à l’Italie, toujours très friande en termes de divertissement populaire, qui s’est peu à peu mise, au tournant des années 60, à verser dans le cinéma fantastique. Et si beaucoup de cinéphiles parlent encore régulièrement de cinéma « bis » à l’évocation des films transalpins tournés à l’époque, on est pourtant en présence d’un véritable « âge d’or » du fantastique italien, dont les fers de lance seront bien sûr les films de Mario Bava et Riccardo Freda, dont les films ont traversé le temps de la façon la plus classe qui soit. Mais on n’oubliera pas les fiers artisans du genre, tels qu’Antonio Margheriti (La vierge de Nuremberg, La sorcière sanglante), Massimo Pupillo (La vengeance de Lady Morgan, Cimetière pour morts-vivants) ou encore Giorgi Ferroni, qui signait avec Le moulin des supplices un véritable petit classique de l’épouvante gothique all’italiana, en plus d’être une œuvre clairement fondatrice dans le sens où elle fut sans doute tournée parallèlement au Masque du démon de Mario Bava.

Réalisateur d’une petite quarantaine de longs-métrages en quarante ans de carrière, Giorgio Ferroni (1908-1981) a surtout été très prolixe dans les années 60 dans deux sous-genres du cinéma d’exploitation italien : le péplum (six films mettant en scène des musclés en jupettes) et le western (quatre films de cowboys burinés et autres chasseurs de primes). Néanmoins, à deux reprises, il se sera laissé tenter par le cinéma fantastique, signant à douze ans d’intervalles deux sombres pépites désormais reconnues comme de véritables classiques du genre. Si La nuit des diables (1972) était disponible depuis quelques années en Blu-ray sous les couleurs du Chat qui fume, Le moulin des supplices ne disposait pour le moment pas de galette Haute Définition dans l’hexagone : voici une injustice réparée par Artus Films, qui lui offre par ailleurs une édition Combo Blu-ray + DVD définitive.

Comme on l’a déjà dit, Le moulin des supplices est un film « sous influences », né de l’engouement populaire s’étant créé autour du fantastique au fil des années 50. Il n’est donc point étonnant de voir que le film de Giorgio Ferroni reprend en grande partie les codes du cinéma fantastique gothique anglais de l’époque. Du point de vue du récit, le film met en scène un jeune plus ou moins ingénu qui se retrouvera confronté à des événements fantastiques : point de vampires ici mais un curieux personnage d’artiste créant des statues criantes de vérité, et protégeant sa fille, mystérieuse et souffrant d’un mal inconnu… La caractérisation des différents personnages et la typologie des lieux que l’on découvre au cœur du film sont également très proches de celles proposées par la Hammer dans les années 50, des vastes bâtisses bourgeoises aux pensions de famille en passant par le pub traditionnel et, bien sûr, cet étrange moulin en plein milieu d’une lande lugubre et inhospitalière… Visuellement, on nage également en plein gothique, le film troquant cependant les décors désolés des Carpates, d’Allemagne ou de Grande-Bretagne pour ceux tout aussi inquiétants des Pays-Bas du XIXème siècle. Habile, le cinéaste fait le choix de mélanger ces éléments formels et narratifs à d’autres motifs célèbres, hérités des grands films fantastiques américains des années 50, de L’homme au masque de cire (pour les statues de cire) à La mouche noire (pour le savant fou) en passant par les premiers films fantastiques de William Castle. Impossible également de ne pas penser à Georges Franju et à ses Yeux sans visage, dans le sens où l’on trouvera dans les deux films la même détresse dans le personnage du père refusant à tout prix de perdre sa fille.

 

 

Sans être un chef-d’œuvre absolu, Le moulin des supplices s’impose tout de même comme un excellent film d’épouvante, baroque, fascinant, baignant dans des atmosphères visuelles et sonores très réussies. Les acteurs sont dans l’ensemble très justes, et l’ensemble s’avère principalement porté par ses deux personnages féminins se disputant l’amour du même homme : Scilla Gabel et Dany Carrel, grande dame du cinéma populaire français, qui promènerait d’ailleurs sa frimousse enfantine dans plusieurs petits chefs d’œuvres tout au long des années 60 (Les mains d’Orlac, Le Pacha, La prisonnière, Clérambard…). La rigueur et l’expérience de cinéaste de Giorgio Ferroni alliées à la photo en Eastmancolor signée Pier Ludovico Pavoni emportent donc au final le film vers des sommets visuels d’horreur gothique, avec d’autant plus d’aisance que le film a visiblement bénéficié d’un budget relativement confortable, qui lui permet de ne jamais paraître « cheap » ou trop spartiate dans ses décors.

Le moulin des supplices fait donc partie de ces films fantastiques que le spectateur prendra toujours autant de plaisir à voir et à revoir au fil des années, ne serait-ce que pour se régaler de ce fameux moulin et de son cortège d’automates suppliciés…

 

 

Le Combo Blu-ray + DVD

[5/5]

Depuis qu’il s’est lancé – à corps perdu – dans la grande aventure du Blu-ray, l’éditeur Artus Films nous a régulièrement surpris par le soin apporté à ses éditions Haute-Définition, qui se suivent de façon maintenant assez régulière, pour notre plus grand plaisir. Le Combo Blu-ray + DVD du Moulin des supplices est donc présenté dans un superbe Mediabook, contenant livret d’une soixantaine de pages sur le film, richement illustré et présentant une analyse du film signée Alain Petit. Avant même de mettre le Blu-ray dans le lecteur, on sait que l’on est en présence d’un superbe objet de collection, une de ces éditions qui trôneront à coup sûr avec fierté sur votre DVDthèque. Il s’agit du premier Blu-ray à voir le jour dans la prestigieuse collection « Les chefs d’œuvre du gothique » d’Artus Films.

On ne va pas faire durer le suspense : aussi bien côté image que côté son, le master du Blu-ray proposé par l’éditeur est d’excellente tenue, et surpasse largement les précédentes éditions DVD du film, qu’il s’agisse de celle éditée en France par Néo-Publishing ou l’anglaise de chez Mondo Macabro. Le film est proposé en version intégrale non censurée, reconstituée à partir des trois montages différents découverts en DVD afin d’obtenir la version la plus complète possible, au format 1.66 respecté et encodé en 1080p. L’ensemble impose une image stable et propre, aux couleurs ravivées et au piqué précis. Le moulin des supplices bénéficie donc d’une petite cure de jouvence, mais celle-ci ne s’est pas faite au détriment de la granulation d’origine, qui a été parfaitement préservée. Côté son, les pistes audio sont proposées en LPCM 2.0 et mono d’origine, au rendu acoustique propre et clair (clair comme deux lots de roches me souffle un ami pétrologue). La galette dispose donc de trois versions : anglaise, italienne et française. Les amoureux du film choisiront peut-être au final de découvrir le film dans sa version originale, qui s’avère la plus dynamique du lot. Les nostalgiques ayant découvert le film en VF durant leur enfance ou leur adolescence préféreront quant à eux la version française – d’origine – qui s’avère tout à fait correcte ; le doublage est certes désuet mais parfaitement plaisant, malgré de légères pétouilles techniques occasionnelles. La version anglaise est quant à elle du dernier ridicule dans son doublage, et n’intriguera que les cinéphiles les plus « complétistes ».

 

 

Du côté des suppléments, on commencera tout d’abord avec le livret de 64 pages rédigé par Alain Petit, intitulé « Le moulin des femmes de pierre ». Richement illustré en photos et affiches d’époque, le livret remettra le film dans son contexte de tournage, et reviendra largement sur la production internationale et l’écriture du film, ainsi que sur ses différents montages. Les dernières pages seront consacrées à une biographie de Giorgio Ferroni et sur un article revenant sur les musées de cire dans le cinéma d’horreur. Le contenu du livret se complètera d’une intéressante présentation du film par Alain Petit, d’une durée d’environ trois quarts d’heure, au cours de laquelle il s’efforcera de replacer le film dans son contexte historique : celui de l’émergence des « grands noms » du cinéma fantastique italien, au tout début des années 60. Comme d’habitude, Alain Petit se révèle aussi passionnant que quasiment intarissable, mêlant souvenirs et éléments factuels au cœur d’une présentation très complète, un peu redondante avec le livret certes, mais au final tout à fait indispensable.

On continuera ensuite avec un entretien avec Liana Orfei, interprète du personnage d’Annelore dans le film, et que l’on serait bien en peine de reconnaître presque soixante ans après le tournage du film. Néanmoins, l’actrice y reviendra sur sa carrière d’artiste de cirque et sur la façon dont elle a été repérée par Federico Fellini. Elle reviendra par la suite sur sa carrière au cinéma, puis s’attardera finalement sur Le moulin des supplices. Elle évoquera notamment sa mort au cœur du film de Giorgio Ferroni – qui n’est pas la pire qu’elle ait subi au cinéma selon ses dires – et, plus intrigant, une scène qu’elle aurait tourné avec Mario Girotti (alias Terence Hill) pour le film, qui fut malheureusement coupée au montage.

On s’attardera sur une poignée de séquences alternatives italiennes et américaines – co-production oblige, certains éléments – tels que les lettres par exemple – faisaient l’objet de variantes dans plusieurs langues. Et on terminera ensuite sur la traditionnelle galerie de photos ainsi que la bande-annonce anglaise.

 

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