Le Métro de la mort
Royaume-Uni : 1972
Titre original : Death Line
Réalisateur : Gary Sherman
Scénario : Ceri Jones
Acteurs : Donald Pleasence, Norman Rossington, David Ladd
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h27
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 13 août 1986
Date de sortie Blu-ray : 16 octobre 2021
À Londres, deux étudiants découvrent un homme gisant dans une station de métro. Lorsqu’ils reviennent sur les lieux avec un policier, le corps à disparu. D’autres, disparitions du même genre sont intervenues récemment. Que se passe-t-il dans les entrailles du métro ? L’inspecteur Calhoun mène l’enquête…
Le film
[3,5/5]
Le nom de Gary Sherman n’est pas inconnu des amateurs de fantastique : surtout réputé pour être le scénariste / réalisateur du formidable Réincarnations (Dead and Buried) en 1981, il se ferait également remarquer en signant le polar Vice Squad, également connu sous son titre français La descente aux enfers, en 1982. Après Mort ou vif en 1987 et Poltergeist 3 en 1988, il se tournerait en revanche quasi-exclusivement vers la télévision, et quitterait de ce fait quelque peu nos écrans radar.
Heureusement, Rimini Éditions vient de prendre la décision de remettre Gary Sherman sur le devant de la scène grâce à la sortie en Blu-ray de son premier long-métrage, Le Métro de la Mort (1972), également connu sous les titres Death Line et Raw Meat. Il s’agit, pour être tout à fait honnête, d’un film extrêmement singulier et pour le moins étrange, s’imposant comme le témoin d’une période de profond changement dans le cinéma fantastique britannique.
Car à l’époque, le moins que l’on puisse dire est que le fantastique de l’époque, encore globalement dominé au Royaume-Uni par la Hammer, était en pleine mutation – la libéralisation des mœurs et de la société battait son plein, et le cinéma fantastique tentait également d’évoluer avec son temps, notamment en passant d’une esthétique gothique sophistiquée à une ambiance et un style baroque décomplexé, jouant la carte des excès en tous genres. Exit donc les châteaux lugubres du fin fond des Carpates, et bienvenue dans le Swinging London : ce changement radical est d’ailleurs clairement visible à travers les films Dracula 73 (1972) et Dracula vit toujours à Londres (1974), qui transposaient le personnage du Comte vampire dans le Londres du début des années 70.
Parallèlement à la Hammer, d’autres producteurs tenteraient également de placer l’horreur au coin de la rue, ce qui donnerait notamment naissance aux films de Pete Walker (Chair et sang pour un vampire, Flagellations…) et à ce curieux Métro de la Mort qui, tout en flirtant par moments quasiment avec le cinéma expérimental, est clairement marqué par les stigmates de cette époque. Le film a donc un côté très 70’s, à la fois dans les thématiques et la musique, mais également dans ses dérives formelles : Gary Sherman n’hésitera en effet pas le moins du monde à se vautrer dans les excès en tous genre, notamment par le biais d’effets « gore » extrêmement frontaux, que l’on retrouvera essentiellement sur ses scènes de cannibalisme.
L’histoire du film est articulée autour d’un espèce de psychopathe cannibale (Hugh Armstrong) présenté comme le dernier survivant d’un groupe d’ouvriers de l’époque victorienne qui avaient été piégés dans un coin oublié du métro après l’effondrement du tunnel qu’ils étaient en train de construire. Sauf erreur de notre part, il semble bien également que Le Métro de la Mort soit le premier film d’horreur à prendre place dans le métro, symbole de progrès par excellence, mais qui deviendrait également au fil des ans un motif récurrent du genre horrifique à cause du côté anxiogène, presque étouffant, qu’il véhicule.
Ces craintes nouvelles et en partie irraisonnées autour des dangers se cachant sous la terre – en l’occurrence dans le métro – se mêlent donc dans Le Métro de la Mort à l’étrange fascination de Gary Sherman pour son personnage, vivant dans une zone abandonnée du métro de Londres comme dans une caverne. Le fétichisme morbide développé par le cinéaste autour de l’antre du cannibale n’est d’ailleurs pas sans préfigurer celle d’un Tobe Hooper sur Massacre à la tronçonneuse : le spectateur découvrira donc son « garde-manger » par le biais d’un lent travelling circulaire qui détaillera chaque coin et recoin de la pièce, riche en petits détails bien dégueu.
Mais Le Métro de la Mort n’est pas uniquement centré sur le cannibale se nourrissant des passagers isolés de la station de métro Russell Square. Parallèlement à la partie du film centrée sur une atmosphère étouffante et craspec, le film de Gary Sherman suit également l’enquête de l’inspecteur Calhoun sur les mystérieuses disparitions du métro. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le personnage, incarné à l’écran par l’excellent Donald Pleasence, est ce qu’on pourra appeler un « sacré numéro » – un joyeux drille dont les divagations hilarantes sont si profondément décalées qu’elles tendent à faire pencher Le Métro de la Mort du côté de la parodie.
Ajoutez à cela une poignée d’intrigues secondaires étranges et inutiles (l’apparition de Christopher Lee, qui semble n’avoir été mise en boite que pour que le nom de l’acteur légendaire puisse être rattaché au projet), et au final, Le Métro de la Mort nous proposera une atmosphère aussi bizarre que souvent incohérente. « Foutraque » me souffle-t-on à l’oreille. Gary Sherman nous livrait donc avec Le Métro de la Mort un film clairement foutraque, mais ayant la particularité de se révéler assez attachant, en partie à cause de (ou grâce à) sa bizarrerie intrinsèque.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Disponible chez Rimini Éditions au sein de sa riche collection consacrée aux trésors du fantastique, Le Métro de la Mort s’offre donc un lifting Haute Définition sur galette Blu-ray plutôt attendu de la part des amoureux du cinéma horrifique. Et comme toujours avec l’éditeur, il n’y aura pas grand-chose à redire du côté du master, aussi bien côté image que côté son : Rimini nous propose une édition HD de très bonne tenue. Le film de Gary Sherman est présenté dans son format d’origine, en 1080p et dans sa version « intégrale ». L’éditeur a pris soin de préserver la granulation argentique du 35MM, proposant même par moment un piqué surprenant et de belles couleurs bien éclatantes. On notera quelques petits « décrochages » épars : quelques griffes et autres points blancs dus au temps, des chutes brutales de définition sur les passages les moins bien conservés, mais l’ensemble s’avère tout à fait recommandable, et même clairement enthousiasmant. Du côté des enceintes, le mixage audio VF / VO est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, et se révèle parfaitement équilibré, clair, net et précis, sans sensation de souffle ou de voix « étouffées ». La version française d’origine, dont le doublage est assuré par Philippe Dumat, Jacques Ferrière, Patrick Poivey ou encore Roger Lumont, vaut vraiment son pesant d’or : on se régalera à réentendre les voix cultes et les expressions décalées dont ils nous gratifient (« on va se beurrer ! »). On notera cela dit qu’elle est mixée à un volume nettement plus élevé que la version originale.
Côté suppléments, on trouvera sur le Blu-ray du Métro de la Mort une belle petite sélection de suppléments. On commencera avec un entretien avec David Ladd, acteur, et Paul Maslanksy, producteur (13 minutes). Ils reviendront tous deux sur la genèse du film, et évoqueront le scénario du film ainsi que quelques-unes de ses thématiques principales. On continuera ensuite avec un entretien avec Hugh Armstrong (16 minutes), qui évoquera brièvement son parcours au cinéma avant d’aborder son rôle de psychopathe cannibale ainsi que de l’atmosphère générale du film. On abordera ensuite avec plaisir le véritable morceau de choix de cette interactivité, qui consiste en un entretien avec Gary Sherman et les producteurs exécutifs Jay Kanter et Alan Ladd Jr (19 minutes). Les trois intervenants se remémoreront le montage financier du film, et de l’implication toute particulière de Paul Maslansky dans le projet, évoqueront le casting, les lieux de tournage, les effets spéciaux, etc. Très complet et intéressant ! On terminera enfin avec une poignée de spots TV, la bande-annonce ainsi que le traditionnel livret inédit de 24 pages rédigé par Marc Toullec, qui reviendra dans le détail sur le processus de production du film.