Le malin
États-Unis, Allemagne : 1979
Titre original : Wise blood
Réalisation : John Huston
Scénario : Benedict Fitzgerald, Michael Fitzgerald
Acteurs : Brad Dourif, Dan Shor, Amy Wright
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h46
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 24 octobre 1979
Date de sortie DVD/BR : 7 avril 2021
De retour de l’armée, Hazel Motes revient dans la maison abandonnée de sa famille, bien décidé à revendiquer la place qui lui revient dans la bonne société. Après avoir rencontré Asa Hawks, un aveugle qui essaie de convertir ses contemporains à ses convictions, il est hanté par son étrange comportement. Hazel décide de contre-attaquer en se mettant lui aussi à prêcher en fondant une secte nouvelle : l’église sans Christ…
Le film
[3,5/5]
Aussi loin qu’on s’en souvienne, le cinéma Hollywoodien a toujours privilégié une attitude relativement bienveillante à l’égard de la religion. Comme pour confirmer cette règle tacite, une poignée d’exceptions sont apparues à partir des années 50 (La nuit du chasseur en 1955, Elmer Gantry le charlatan en 1960), mais dans l’ensemble, les films américains jonglant avec des thèmes religieux dérangeants ou sujets à controverse demeurent assez rares.
Ainsi, si l’américaine Flannery O’Connor avait écrit « La sagesse dans le sang » en 1952, il ne semble finalement pas si étonnant que l’histoire du prédicateur Hazel Motes ait mis si longtemps à se voir adaptée sur grand écran. Pour son arrivée au cinéma, le récit imaginé par Flannery O’Connor s’est donc vu rebaptisé Le malin. Le film fut réalisé par John Huston en 1979, sur un scénario de Benedict et Michael Fitzgerald.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Le malin, très fidèle au roman d’origine, rend un bel hommage à l’œuvre dont il s’inspire. Aussi attachant qu’excentrique, le film de John Huston semble se régaler de l’irrationalité de la nature humaine, et de sa galerie de personnages totalement barrés. Pour qui ne connaîtrait pas le roman, il semble impossible de prévoir à l’avance le déroulement des événements relatés dans Le malin.
Comme le livre avant lui, le film de John Huston prend pour cible les excès les plus extrêmes de ces prédicateurs de rue poussant comme des œufs à Pâques sur le bitume américain. Prophètes autoproclamés, ils se livrent une guerre sans merci pour leur petit bout d’espace sur le trottoir. Et grâce à une mise en scène collant au plus près de ses personnages, Le malin impose sans peine un mélange inattendu et assez saugrenu de rage, de culpabilité et de foi, le tout passé au crible d’un humour faisant souvent mouche.
Littéralement habité par son personnage, Brad Dourif apporte toute sa fébrilité et sa folie furieuse au personnage d’Hazel Motes, secondé dans sa tâche par une poignée d’excellents acteurs bien déterminés à « pervertir » quelques-unes des figures les plus célèbres de l’imagerie religieuse traditionnelle. On pense par exemple à « Sabbat » Lily (Amy Wright) apparaissant dans l’embrasure de la porte tenant une momie dans les bras dans une parodie de posture de la Vierge Marie, ou encore à Enoch (Dan Shor) se grimant en gorille pour incarner un nouveau messie…
Brillants, les dialogues du film s’avèrent également déroutants, dans le sens où sous la volonté d’obtenir un gag ou un effet comique se cache souvent un double-sens, une possibilité d’interprétation plus large. Original et ô combien humain dans sa description de personnages en perdition, Le malin mêle le grotesque et la satire, non sans éviter par moments une certaine violence, d’autant plus choquante qu’elle s’avère complètement inattendue. Un sacré morceau de péloche !
Le Blu-ray
[4/5]
Disponible au format DVD depuis une douzaine d’années maintenant, Le malin débarque aujourd’hui au format Haute-Définition, toujours sous les couleurs de Carlotta Films. Et comme d’habitude avec l’éditeur, ce nouveau classique a bénéficié d’une jolie restauration, et affiche aujourd’hui une forme insolente malgré les années qui nous séparent de sa sortie. L’image est d’une belle stabilité, le grain d’origine est scrupuleusement respecté, le piqué est d’une étonnante précision et les contrastes pointus accentuent l’impression de profondeur de l’ensemble ; seuls les plans « à effets » (fondus enchainés, mentions écrites…) marquent naturellement, et comme d’habitude, les effets du temps – néanmoins, ils constituent des points de comparaison qui rendent le travail de restauration effectué sur le film de John Huston d’autant plus perceptible et honorable. Une belle réussite. Côté son, Le malin nous est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 1.0 propre et clair (quoi que peut-être un poil trop poussé dans les aigus), restituant parfaitement les dialogues et la musique du film, que cela soit en version française ou en version originale. Les amateurs de VF de la fin des années 70 se régaleront par ailleurs de retrouver le doublage d’origine – un peu suranné – du film, qui nous donnait à entendre la voix de Philippe Ogouz, disparu en 2019. Il était surtout connu pour avoir été la voix française de Patrick Duffy.
Du côté des suppléments, on retrouvera sur le Blu-ray du Malin une partie des suppléments déjà disponibles sur le DVD du film, édité en 2008. On retrouvera donc une très classique présentation du film par Patrick Brion (6 minutes), qui s’accompagnera d’une analyse du film par Patrick Viviani (19 minutes), qui remettra le film dans son contexte historique et élargira sa réflexion – beaucoup plus poussée que celle de Patrick Brion – au reste de l’œuvre de John Huston. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.