Test Blu-ray : Le maître des illusions / Lord of illusions

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Le maître des illusions

États-Unis : 1995
Titre original : Lord of illusions
Réalisation : Clive Barker
Scénario : Clive Barker
Acteurs : Scott Bakula, Kevin J. O’Connor, Joseph Latimore
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 2h02
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie DVD/BR : 20 avril 2018

 

 

Harry D’amour, détective privé new-yorkais spécialisé dans les affaires relevant d’occultisme, doit enquêter sur les menaces qui pèsent sur la vie d’un célèbre illusionniste, Philip Swann. Ce dernier succombant à une mort violente au cours d’un de ses shows, les soupçons de Harry s’orientent d’abord sur Dorothea, la femme de Swann, avant que son enquête le mène sur les pas d’un groupe de fanatiques souhaitant le retour de Nix, leur chef et gourou, neutralisé par Swann treize ans auparavant. Harry D’Amour va devoir plonger dans un univers paranormal et éviter les cadavres qui s’amoncellent sur son chemin vers la vérité…

 

 

Le film

[4/5]

[Attention : Cette critique révèle quelques éléments narratifs précis du film]

Le parcours de Clive Barker est réellement atypique. Artiste « total », s’exprimant largement dans l’écriture mais également par le biais du cinéma, de la peinture, de la bande dessinée, de la mise en scène de théâtre et même du jeu vidéo, Barker fut repéré dans les années 80 principalement grâce à sa série des « Livres de sang », recueils de nouvelles pour lesquels il reçut l’adoubement public de l’un des plus grands noms de la littérature fantastique. « J’ai découvert l’avenir de la littérature de terreur, il s’appelle Clive Barker. Il est si bon que j’en suis presque littéralement muet. A côté de ce qu’accomplit Barker, le reste d’entre nous semble avoir été plongé dans la léthargie durant les dix dernières années » pouvait-on lire en quatrième de couverture de ses romans de l’époque – des dithyrambes signés de la plume de Stephen King en personne…

En matière de cinéma (puisque c’est plutôt cet aspect qui nous intéresse ici), on pourra d’ailleurs créer quelques passerelles entre les carrières des deux romanciers : tous deux ont en effet eu des velléités de cinéastes pour le moins contrariées. Si on ne compte plus les adaptations des romans de Stephen King, et si bon nombre d’entre elles rencontrent de nos jours de grands succès publics, cela n’a pas toujours été le cas ; d’ailleurs, Maximum overdrive, sa seule expérience en tant de metteur en scène s’est soldée par un échec cuisant, à la fois du point de vue public et artistique. Clive Barker n’a pas eu de chance non plus avec le cinéma : s’il est à l’origine d’une franchise –Hellraiser– dont le succès n’a jamais été démenti, ses deux autres expériences derrière la caméra ont été calamiteuses d’un point de vue personnel : les tournages de Cabal (1990) et Le maitre des illusions (1995) ont été particulièrement difficiles, et les deux films se sont vus massacrés au montage par leurs producteurs, au point d’en apparaitre complètement dénaturés.

 

 

Lors de sa sortie dans les salles américaines, Le maître des illusions se voit en effet amputé d’une douzaine de minutes de métrage. Certaines des séquences coupées par les exécutifs de chez United Artists paraissent pourtant essentielles à la construction dramatique du film, puisqu’elles font intégralement partie de la progression narrative du récit – si l’on considère que les deux premiers tiers de l’intrigue s’attardent sur le retour du personnage de Nix, le fait de voir ses adeptes « préparer » sa résurrection et se réunir des quatre coins du pays semble nécessaire à la montée en tension qui mènera, inévitablement, vers l’affrontement final. De la même façon, le fait d’avoir expédié une bonne partie des « visions » du personnage du détective privé Harry D’Amour est un contresens absolu, si l’on considère que cette attirance pour l’occulte et le léger don de préscience dont il fait preuve font partie des principales motivations psychologiques du personnage, qui s’avère pour le moins guidé par ses pulsions mortifères. Mais qu’à cela ne tienne : aujourd’hui, et grâce au Combo Blu-ray / DVD édité par Le chat qui fume, la France va enfin pouvoir découvrir le film dans sa version intégrale.

Et en l’état, Le maître des illusions s’avère un très solide film fantastique. Tous les éléments des univers développés sur divers supports artistiques par Clive Barker sont bel et bien présents : la « magie » de contes de fées faisant son apparition dans le monde réel, une esthétique baroque, volontiers connotée « gay », un attachement forcené aux notions de bien et de mal, le tout étant articulé avec une certaine complaisance concernant la torture et la souffrance physique – outre les diverses morts violentes que nous propose le film, on pense par exemple au carcan métallique servant à emprisonner le visage de Nix au début du film, qui fait directement écho à l’attirail des cénobites dans Hellraiser. Mais le film ne se limite pas à cela, affichant des atours de Film Noir nimbé d’un épais mystère introduit par le prologue, et dont le spectateur découvrira les tenants et aboutissants au fil de l’enquête d’Harry D’Amour, incarné par Scott Bakula. Personnage récurrent de la bibliographie de Barker, D’Amour est le détective de roman noir typique, cynique, solitaire et faisant preuve d’un certain penchant pour la bouteille… Une façon pour Barker de faire un clin d’œil aux grandes figures du genre, tout en déroulant habilement sa trame de Film Noir, amenant son récit à progresser lentement mais sûrement au cœur des arcanes de ce qui se dessine au fur et à mesure comme une représentation très teintée de christianisme de la lutte du Bien contre le Mal. Il suffit pour s’en convaincre de voir le personnage de Nix (Daniel von Bargen, glaçant), au cœur de sa chapelle de fortune, singeant la position du Christ sur sa croix, dès les premières minutes du film… Harry D’Amour quant à lui semble à la croisée des chemins entre le bien et le mal, entre Dieu et le Diable : comme le montrent clairement ses visions, il ne parvient jamais à se « fixer » dans une posture ou une autre – de fait, au cœur de la lutte que se livrent les personnages des deux « camps », il est caractérisé par une position de simple spectateur, de témoin, d’arbitre dont la neutralité sera mise à mal durant le derniers tiers du film.

 

 

Formellement, par rapport à ses deux films précédents, Clive Barker semble avoir fait le choix de passer de l’ombre à la lumière : aux univers de Hellraiser et Cabal, plongés dans l’obscurité, le cinéaste écrivain choisit ici le soleil étouffant de la Californie et du désert des Mojaves. La chaleur est littéralement perceptible par le spectateur, ce qui sert beaucoup le propos du film, qui tourne autour de la mise en « lumière » de la réalité de la magie, par opposition à l’illusionnisme, présenté comme un mensonge, une tromperie. La photo est lumineuse, les scènes prenant place dans la maison abandonnée de Nix sont visuellement sublimes, et même si le film ne sacrifie que très rarement au grand spectacle, l’ensemble développe un suspense très efficace qui explosera littéralement dans la dernière partie du film. Malin, très habilement écrit et mis en scène, Le maître des illusions est un film très sous-estimé, s’imposant sans peine comme l’un des meilleurs films fantastiques des années 90 – une décennie assez pauvre en matière d’excellents films fantastiques ! On notera par ailleurs qu’il s’agit du dernier film en date de Clive Barker, qui n’est jamais revenu au cinéma depuis maintenant 23 longues années.

 

 

Le coffret Blu-ray

[5/5]

Une fois de plus, on ne pourra que s’incliner devant la classe absolue de l’édition Collector Blu-ray + 2 DVD de Lord of illusions éditée par Le chat qui fume, qui s’impose à nouveau dans un superbe digipack 3 volets avec sur-étui cartonné, et dont le design a été assuré par le talentueux Frédéric Domont, que les anciens du forum bleu d’ecranlarge connaissaient sous le nom de BaNDiNi (comme ils connaissaient l’auteur de ces lignes sous le pseudo de Tonton BDM). Avant même la découverte des galettes à proprement parler donc, cette édition fera déjà forte impression : il s’agit d’un bel objet aux finitions parfaites (à la thaïlandaise me souffle-t-on à l’oreille), qui se doit d’intégrer derechef la vidéothèque de tout cinéphile qui se respecte un tant soit peu. On notera également que le film intègre la collection « Exploitation américaine » de l’éditeur, aux côtés du Retour des morts vivants sorti fin 2017 (lire notre article), et que cette édition « collector » est limitée à 2000 exemplaires.

 

 

C’est donc avec un plaisir non feint que l’on (re)découvrira Le maître des illusions / Lord of illusions sur support Blu-ray. L’image est naturellement proposée au format 1.85:1 respecté, et nous fait profiter d’un gain sensible de précision côté image par rapport aux sources SD auxquelles nous étions habitués. La photo du film est lumineuse, et le piqué est très satisfaisant, le tout est proposé dans un master restauré parfaitement stable, avec de belles couleurs vives et surtout un grain argentique parfaitement préservé. Côté son, la VO est proposée dans un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 et nous propose une spatialisation étonnamment dynamique, riche d’effets certes discrets mais efficaces, et créant une immersion idéale pour le spectateur. La VF d’origine s’impose quant à elle en stéréo d’origine et mixée en DTS-HD Master Audio 2.0 fidèle au mixage dans lequel beaucoup de cinéphiles ont découvert le film dans les années 90 grâce à la technologie du Laserdisc.

Mais une édition du Chat qui fume se fait traditionnellement remarquer par la qualité de ses suppléments, et Lord of illusions ne fera pas exception à la règle, puisque l’éditeur est allé nous dégotter un impressionnant making of d’époque, d’une durée d’un peu plus d’une heure, et qui donnera largement la parole à Clive Barker. Dans les nombreux entretiens qui entrecoupent les images du tournage, ce dernier reviendra à de nombreuses reprises sur la distinction, capitale à ses yeux, entre « magicien » et « illusionniste » : un élément important à côté duquel les exécutifs de chez United Artists sont complètement passés, puisqu’ils ont décidé de couper, pour la version présentée dans les salles américaines, la séquence de dialogue durant laquelle le personnage de Valentin (Joel Swetow) expliquait cette nuances au personnage principal. On continuera ensuite avec une featurette, également d’époque, nous donnant à voir nombre d’images du tournage et beaucoup de photos de plateau, en s’attardant tout particulièrement sur la mise en place des effets spéciaux du film. Last but not least, on pourra se plonger dans « Lord Clive Barker », long entretien avec Guy Astic au cours duquel le directeur des éditions Rouge profond reviendra sur toute la carrière de Barker, et dresse des passerelles très pertinentes entre sa carrière littéraire et la carrière cinématographique de David Cronenberg. Astic abordera dans un deuxième temps le film à proprement parler selon l’angle du corps et de la sexualité, tout en resituant le film par rapport aux récits écrits par Barker et mettant en scène Harry D’Amour : c’est passionnant, et cela donne vraiment envie de se replonger dans les œuvres de l’auteur.

On terminera avec les traditionnelles bandes-annonces, de Lord of illusions bien sûr, mais également d’autres films, disponibles ou à venir chez Le chat qui fume : L’assassin a réservé neuf fauteuils de Giuseppe Bennati, San Babila – Un crime inutile de Carlo Lizzani, Le sanctuaire de Michele Soavi, et enfin La rose écorchée et La saignée de Claude Mulot. En deux mots, ce Chat là en a toujours autant sous le pied : vous pouvez commander cette nouvelle édition les yeux fermés ! Et profitez-en pour le faire sur le site de l’éditeur, vous recevrez gratuitement un livret collector de 28 pages consacré à Lord of illusions contenant une interview inédite de Clive Barker réalisée par Christophe Goffette le mercredi 24 avril 1996.

 

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