Le lieu du crime
France : 1986
Titre original : –
Réalisateur : André Téchiné
Scénario : André Téchiné, Pascal Bonitzer, Olivier Assayas
Acteurs : Nicolas Giraudi, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux
Éditeur : Carlotta Films
Genre : Drame
Durée : 1h31
Date de sortie cinéma : 16 mai 1986
Date de sortie DVD/BR : 11 mars 2020
Thomas, adolescent de treize ans, s’ennuie un peu dans le petit village du Sud-Ouest où il vit entre son adorable mère et ses chers grands-parents. Sa rencontre avec deux fugitifs va faire brutalement basculer sa vie ainsi que celle de sa famille…
Le film
[3/5]
Comme beaucoup de films d’André Téchiné, Le lieu du crime a donné naissance à énormément de « branlette » critique, d’interprétations foireuses et/ou salaces qui au final en révèlent sans doute bien plus sur la santé mentale et l’incapacité à dépasser le stade « anal » des critiques eux-mêmes que sur les intentions premières du cinéaste. Cela dit, si l’intrigue du film de 1986 appartient bel et bien au policier / polar, le peu d’intérêt de Téchiné pour les motifs et codes habituels du genre appellera forcément le spectateur soit à s’ennuyer copieux, soit à se livrer à une interprétation de tous les éléments narratifs du récit, qui seront perçus comme autant de symboles. Bien sûr, entre l’interprétation et la sur-interprétation, il n’y a qu’un pas…
On pourra donc arguer du fait que le début des intrigues du Lieu du crime et des Grandes espérances (Charles Dickens, adapté au cinéma en 1946 par David Lean) comptent quelques similitudes. On pourra sans doute avancer que la relation du jeune Thomas (Nicolas Giraudi) et sa mère Lili (Catherine Deneuve) constitue une illustration du concept Freudien du Complexe d’Œdipe. On admettra volontiers que les agissements et la fuite en avant de la plupart des personnages du film tiennent quant à eux du concept de pulsion de mort – en effet, et dès le tout début du film, on comprend assez mal pourquoi Thomas cherche de l’argent pour les taulards en cavale l’ayant agressé, quand la logique la plus élémentaire lui aurait dicté de ne pas se présenter au rendez-vous… On est donc parfaitement de l’existence de ces aspects thématiques du film de Téchiné, qui constituent les richesses qui auraient pu, dans l’absolu, enrichir le polar, lui donner une dimension supplémentaire, à la fois humaine et tragique.
Sauf que comme on l’a dit un peu plus haut (et comme Téchiné l’admet d’ailleurs lui-même), le polar n’intéresse pas du tout le cinéaste, qui s’évertue à contourner le genre pour finalement livrer au spectateur une coquille vide avec Le lieu du crime. Une belle coquille me direz-vous, pleine de thématiques très riches, pleine de romanesque et de personnages fiévreux, mais qui s’agitent en tous sens au service de rien du tout. On est bien conscient que la distanciation est une des caractéristiques du cinéma d’André Téchiné, mais à un tel niveau de distance, on imagine qu’il ne faut pas s’étonner de perdre quelques spectateurs en route. Ainsi, si l’affiche et le titre du film ramènent clairement au cinéma policier, il conviendra de ne pas prendre Téchiné pour Alain Corneau, sous peine de tomber de très haut. Les amoureux de l’œuvre d’André Téchiné quant à eux seront ravis, et pourront même sans peine dresser quelques passerelles entre ce film et d’autres au sein de sa filmographie.
Le Blu-ray
[4/5]
Parallèlement à Souvenirs d’en France et de Rendez-vous, Carlotta Films nous permet donc aujourd’hui également de redécouvrir Le lieu du crime en Haute-Définition, dans une édition Blu-ray tout aussi soignée et quasiment irréprochable que les deux autres. L’éditeur nous livre donc ici une galette HD absolument superbe, en Scope et 1080p, respectant scrupuleusement le grain d’origine, et proposant un master plutôt très en forme, avec de belles couleurs, des noirs assez denses et une définition accrue – même si on notera un épaississement sensible du grain lors des séquences en basse lumière (notamment toute la dernière partie du film). Du côté des enceintes, le film d’André Téchiné est mixée en DTS-HD Master Audio 1.0, bénéficiant d’un bon placement de la musique de et de dialogues clairs et relativement précis.
Côté suppléments, l’éditeur nous propose, outre la traditionnelle bande-annonce du film, de nous plonger dans un troisième entretien avec André Téchiné (24 minutes), toujours mené par Jean-Marc Lalanne qui essaiera tant bien que mal d’orienter les questions et les réponses, mais qui se trouvera souvent face à un cinéaste refusant d’aborder ses films par le biais de « l’interprétation » qu’en font les critiques. Ainsi, quand le rédac’ chef des Inrocks l’interroge sur la signification du titre, il évoque l’idée selon laquelle le « lieu du crime » véritable serait en réalité le lit maternel, au cœur duquel Catherine Deneuve se laissera aller à faire l’amour devant les yeux de son fils ; il n’obtiendra en réponse qu’un sourire entendu de la part du cinéaste. Téchiné concédera néanmoins à quelques confessions sur son enfance, et sur son rapport au mensonge à cette époque de sa vie. Il reviendra enfin sur la genèse du film, sur la re-création à l’écran du tandem Catherine Deneuve / Danielle Darrieux, sur les différentes thématiques qu’il a voulu aborder, sur son rejet de la violence au cinéma ainsi que sur sa volonté, pendant un temps, de tourner une suite à ce film.