Test Blu-ray : Le jardinier d’Argenteuil

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Le jardinier d’Argenteuil

France, Allemagne : 1966
Titre original : –
Réalisation : Jean-Paul Le Chanois
Scénario : Jean-Paul Le Chanois, Alphonse Boudard
Acteurs : Jean Gabin, Liselotte Pulver, Pierre Vernier
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h30
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 7 octobre 1966
Date de sortie DVD/BR : 4 décembre 2020

Jardinier-artiste, M. Tulipe est un clochard sentimental. Dans le wagon désaffecté et entouré de fleurs où il demeure, il peint des naïvetés pour les vendre à Montmartre et cultive son jardin. Mais il dessine, imprime et vieillit aussi des billets de banque. Des petites coupures pour finir ses fins de mois qu’il écoule très prudemment avec son complice Noël. Un jour Noël rencontre Hilda, une ambitieuse nurse étrangère qui les pousse à voir plus grand…

Le film

[3/5]

Mai 68 ne s’est pas fait en un jour, et plusieurs éléments « précurseurs » des révolutions à venir ont petit à petit commencé à faire leur apparition au cœur du cinéma français dès la fin des années 50, la Nouvelle Vague faisant partie des signes annonciateurs de la grande libération des mœurs qui contaminerait peu à peu le cinéma populaire et exploserait littéralement dans tous les pans de la société en 1968. Face à cette jeunesse qu’ils ne comprennent plus, plusieurs personnalités parmi les plus emblématiques d’un certain cinéma populaire « à l’ancienne » s’opposeront clairement non seulement aux cinéastes issus du mouvement mené par François Truffaut et Jean-Luc Godard, mais sembleront même aller à l’encontre de toute idée de « modernité » dans les thèmes ou la mise en scène de leurs films.

Le jardinier d’Argenteuil est de ceux-là, et s’affiche clairement comme un film tourné vers le passé plutôt que vers l’avenir. Ce n’est bien sûr pas du tout innocent si Jean-Paul Le Chanois, le réalisateur du film, assure lui-même la voix-off du narrateur du film, qui nous présente en ces termes le personnage de Tulipe incarné par Jean Gabin :

« S’il y avait un homme en ce bas monde dont on pouvait dire qu’il était heureux, c’était bien cet homme-là, puisqu’il cultivait son jardin. Un homme pas comme les autres, un peu à l’écart de son siècle, ignorant les journaux, la radio, la télévision. (…) Bricoleur, poète à sa façon : un sage, certainement. »

En assurant lui-même cette entrée en matière, le cinéaste se place donc du côté du personnage central de son film : un nostalgique d’une époque où les choses étaient plus simples, où la jeunesse n’était pas corrompue par la télé et les nouvelles idoles, où la nature n’était pas détruite par un habitat urbain de plus en plus présent, où les « machines électroniques » ne décidaient pas du destin de tous. Ce retour à la terre, au travail manuel et aux bonnes vieilles valeurs du passé est clairement au centre du Jardinier d’Argenteuil, qui s’adressait sans doute d’avantage à l’époque de sa sortie à un public attaché aux traditions qu’aux jeunes gens, qui ne constituaient de toute façon probablement pas la base du public de Jean Gabin.

Bien sûr, Jean-Paul Le Chanois intègre bien dans Le jardinier d’Argenteuil deux jeunes gens, Noël et Hilda, incarnés par Pierre Vernier et Liselotte Pulver. Cependant, on ne peut pas dire que ceux-ci soient traités avec les plus grands égards par le cinéaste et ses deux coscénaristes François Boyer et Alphonse Boudard. « Non, pas de yéyés » lancera donc Jean Gabin à l’idée de travailler aux côtés de Noël : pour lui, la jeunesse de l’époque ne vaut rien. Et la suite du film lui donnera finalement raison, puisque les deux tourtereaux se révéleront en fait de parfaits arrivistes, tout à fait antipathiques malgré leur charme naturel.

Dans le même ordre d’idées, et même s’il s’agit dans l’ensemble d’un « feel good movie » finalement assez innocent, porté par la bonhomie du personnage de Jean Gabin, il est également impossible de ne pas voir une attaque frontale à la Nouvelle Vague dans la représentation du photographe de mode incarné par Serge Gainsbourg, dont les velléités artistiques sont clairement tournées en ridicule. Ainsi, à travers le regard désabusé que porte Tulipe sur la futilité du monde dans lequel évoluent les personnages de Cürd Jurgens et Serge Gainsbourg, Le jardinier d’Argenteuil tente tant bien que mal de démontrer que la notion de « liberté » n’est pas forcément liée à une idée de « révolution », et que le bonheur peut aussi se trouver dans des valeurs traditionnelles.

Cette bonne vieille « sagesse populaire » portée par le personnage de Gabin se retrouvera d’ailleurs dans la mise en scène du film, extrêmement sobre d’un point de vue formel. Malgré cela, Le jardinier d’Argenteuil s’impose cependant encore aujourd’hui comme une comédie globalement sympathique, pépère mais gentiment désuète – jusque dans la façon maladroite de tenter de faire dans la critique sociale. Plein de couleurs, le film est par ailleurs tourné dans un joli Scope, parfois assez finement exploité, malgré une tendance régulière à donner dans le spectacle un peu racoleur, proposant par exemple au spectateur de nombreux plans remplis de jeunes filles en bikini. Cela dit, il s’agit là d’une tendance présente dans de nombreux films populaires de l’époque, à commencer par Le gendarme de Saint-Tropez (1964).

Ainsi, et même s’il traite de façon sous-jacente de l’évolution des mœurs en France dans les années 60, il semble difficile aujourd’hui d’imaginer que Le jardinier d’Argenteuil est contemporain de films tels que Masculin féminin (Jean-Luc Godard), Galia (Georges Lautner) ou même Paris au mois d’août (Pierre Granier-Deferre). Et pourtant ! Néanmoins, et contre toute attente, ce côté « réac » de façade rajoute de nos jours un charme supplémentaire au film de Jean-Paul Le Chanois.

La collection « La séance »

Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.

Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.

L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas du Jardinier d’Argenteuil, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par Studiocanal avec la participation du CNC.

La sixième vague de la collection « La séance » est disponible depuis le 4 décembre chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 37 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc La chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1948), Le mouton à 5 pattes (Henri Verneuil, 1955), Le jardinier d’Argenteuil (Jean-Paul Le Chanois, 1966), Le soleil des voyous (Jean Delannoy, 1967), Le chat (Pierre Granier-Deferre, 1971) et La veuve Couderc (Pierre Granier-Deferre, 1971). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.

Le coffret Digibook prestige

[5/5]

A nouveau, Coin de mire fait le choix de chouchouter le consommateur français avec la sortie événement de sa sixième vague de la collection « La séance », dont Le jardinier d’Argenteuil constitue un des titres-phares. Le film de Jean-Paul Le Chanois vient donc grossir les rangs de cette riche collection de digibooks « luxe » remplis de goodies et dont le tirage est toujours limité à 3000 exemplaires.

Côté Blu-ray, Le jardinier d’Argenteuil bénéficie d’un très joli upgrade Haute-Définition. Le film a été restauré, et le Blu-ray nous propose aujourd’hui un piqué précis tout en conservant la granulation d’origine, et une stabilité exemplaire. La sublime photo de Walter Wottitz s’en trouve en magnifiée, la profondeur de champ est remarquable, et les contrastes ont été particulièrement soignés : les noirs sont profonds sans être bouchés, les blancs ne sont pas « cramés » ; bref, l’éditeur a fait tout son possible pour nous permettre de (re)découvrir le film de Jean-Paul Le Chanois dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, Le jardinier d’Argenteuil nous est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0, en mono d’origine évidemment. Les dialogues sont clairs, les ambiances et la musique de Serge Gainsbourg parfaitement bien préservées, et sans souffle. Du beau travail.

Dans la section bonus, outre la traditionnelle et inévitable bande-annonce du film, on se régalera de la possibilité de reconstituer une séance d’époque, avec tout d’abord les Actualités Pathé de la 40ème semaine de l’année 1966 (11 minutes). Le journal s’ouvre sur un hommage à Paul Reynaud, homme d’État et figure notoire de la lutte contre le IIIème Reich. On continuera ensuite avec un sujet consacré à la rénovation de l’Arc de Triomphe, qui permet au public de redécouvrir des motifs jusque-là « cachés sous la crasse ». Etonnamment critique, ce court sujet tire également à boulets rouges sur le règne automobile au sein de la capitale. Côté sport, on appréciera les prouesses de la jeune soviétique Natalia Kuchinskaya, qui a remporté trois des quatre titres mis en jeu lors des championnats du monde de gymnastique de Dortmund. Après une petite page de mode absolument déjantée, on se plongera dans un intéressant sujet consacré à « l’Afrique blanche », ironiquement intitulé « Le pont de la rivière Kei », et évoquant le Transkei, un état noir semi-autonome.

Après l’amusante bande-annonce du Soleil des voyous, qui nous proposera d’entendre Robert Stack s’exprimer en français, on se plongera dans une longue page de réclames publicitaires de cette année 1966 (9 minutes) : les glaces Miko, les barres chocolatées Bounty, les colorations Mouss’ Color, les crackers Ritz, la droguerie Garin (une pub assez surréaliste, montée comme un film d’action), la bombe de mousse à raser Mennen (3 litres !), le déodorant Printil, les montres Kelton (prix public conseillé : 80 francs) ou encore la Citroën Ami-6. Une bonne sélection de publicités, même si, pour une fois, les clopes et l’alcool manquent à l’appel.

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