Le grand chef
France, Italie : 1959
Titre original : –
Réalisation : Henri Verneuil
Scénario : Henri Verneuil, Henri Troyat, Jean Manse
Acteurs : Fernandel, Gino Cervi, Joël Papouf
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h33
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 20 mars 1959
Date de sortie DVD/BR : 10 septembre 2021
Antoine et Paul sont laveurs de voitures dans une station “Washmobile”. Tout en frottant les somptueuses carrosseries, Paul s’efforce de convaincre Antoine de se lancer dans le kidnapping afin d’avoir assez d’argent pour acheter une station de pompes à essence. Ils décident d’enlever Éric un gamin de six ans, fils du milliardaire Jemelin. L’enlèvement réussit mais, à peine à la maison, les deux compères s’aperçoivent qu’ils ont kidnappé le gosse le plus insupportable de Paris…
Le film
[3,5/5]
Résolument tournée vers le cinéma grand public, la carrière d’Henri Verneuil se divise en plusieurs grandes périodes, liées à une poignée d’acteurs fort différents les uns des autres : Fernandel durant les années 50, puis Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo durant les deux décennies suivantes. Sorti sur les écrans français en 1959, Le grand chef est tourné en plein cœur d’une période faste pour le duo Verneuil / Fernandel : il s’agit en effet de la septième collaboration entre les deux hommes. Et qu’importe finalement si avec 2,3 millions d’entrées le film n’a pas été leur plus grand succès à l’époque de sa sortie : leur film suivant, La vache et le prisonnier, casserait quant à lui la baraque en attirant presque neuf millions de français dans les salles.
L’Art et le talent comique de Fernandel sont malheureusement un peu tombés en désuétude de nos jours, surtout auprès des cinéphiles n’ayant pas eu l’occasion de découvrir ses films durant leur enfance. Les comédies de Fernandel ont ainsi, pour de nombreuses d’entre elles, pris un sacré coup de vieux, mais elles demeurent de solides représentantes d’un cinéma populaire de qualité. C’est d’autant plus clair que dans les années 50, l’acteur était véritablement au sommet de sa popularité, et enchaînait les films les uns après les autres ; pour s’en convaincre, il suffit de se dire que les entrées cumulées des films de Fernandel représentent plus de 200 millions de spectateurs, rien que dans les salles obscures…
On ira même jusqu’à affirmer que la carrière de Fernandel mérite clairement de se voir enfin réhabilitée auprès des plus jeunes : certains de ses films demeurent encore aujourd’hui épatants d’humour et de modernité. On pense bien sûr à L’auberge rouge (1951), chef d’œuvre absolu de Claude Autant-Lara, mais également au Petit monde de Don Camillo (1951) et au Retour de Don Camillo (1953) de Julien Duvivier, ou encore au Mouton à 5 pattes, qui lui permettait d’incarner six personnages dans un seul et même film.
S’il n’est peut-être pas tout à fait de la trempe des quelques films que l’on vient de citer, Le grand chef mérite néanmoins largement le coup d’œil, et ce pour plusieurs raisons. La première, et la plus évidente, se situe au niveau du casting : le film d’Henri Verneuil met en effet en scène les retrouvailles à l’écran entre Fernandel et Gino Cervi, son partenaire de la saga Don Camillo. Ils y incarnent ici un couple de laveurs de voitures s’adonnant à la petite escroquerie, et bien décidés à frapper un grand coup avec le kidnapping de l’enfant d’un grand industriel. Les rapports entre les deux hommes tiennent évidemment de la relation dominant / dominé, le grand Gino Cervi tenant sous sa coupe le frêle Fernandel.
Pour autant, leur lien indéfectible – le début du film nous apprend qu’ils sont partenaires depuis vingt ans – est également teinté d’une grande complicité, et peut-être même d’amour. Leurs querelles de vieux couple, leur cohabitation, les rôles bien définis de l’un et de l’autre, ainsi que le fait qu’ils enlèvent/élèvent un enfant ensemble… Le grand chef tisse tout au long de son intrigue un faisceau d’indices qui pourraient laisser imaginer que les deux kidnappeurs sont probablement homosexuels, même si bien sûr Henri Verneuil a l’élégance de ne pas s’appesantir sur ce point, laissant ici la part belle à l’intrigue, qui voit donc deux apprentis-escrocs dépassés par les frasques d’un gamin de sept/huit ans carrément infernal.
Ce point de départ aussi simple qu’amusant vous dira peut-être quelque-chose, et pour cause : Le grand chef est adapté d’une nouvelle signée O. Henry intitulée « La rançon du chef rouge », qui avait déjà fait l’objet d’un sketch réalisé par Howard Hawks au cœur du film La Sarabande des pantins en 1952. D’un maître de la comédie à un autre, le sujet traverserait donc l’Atlantique pour atterrir entre les mains d’Henri Verneuil, qui, avec l’aide de Jean Becker, étofferait d’ailleurs considérablement l’intrigue afin d’en faire un long-métrage. Les ajouts faits au récit sont intéressants, et le rythme du film est globalement bien tenu – le spectacle est assuré par le duo Gino Cervi / Fernandel, avec l’aide non négligeable du petit Joël Papouf, d’un naturel désarmant, et dont les facéties constituent assurément un des points forts du film…
Divertissement de haut vol, régulièrement amusant, Le grand chef s’impose donc sans peine comme une jolie petite fable morale sur la parentalité, qui devrait plaire autant aux petits qu’aux plus âgés. A redécouvrir en famille donc !
La collection « La séance »
Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.
Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.
L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas du Grand chef, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par StudioCanal avec la participation du CNC.
La huitième vague de la collection « La séance » sera disponible à partir du 10 septembre 2021 chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 49 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc Chiens perdus sans collier (Jean Delannoy, 1955), Gas-oil (Gilles Grangier, 1955), Le grand chef (Henri Verneuil, 1958), Train d’enfer (Gilles Grangier, 1965), Le Rapace (José Giovanni, 1968) et Dernier domicile connu (José Giovanni, 1970). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.
Le coffret Digibook prestige
[5/5]
C’est donc Coin de mire Cinéma qui nous propose de redécouvrir Le grand chef d’Henri Verneuil dans la collection « La séance ». Côté image, remasterisation 4K oblige, le Blu-ray est naturellement d’excellente facture : les taches et autres points blancs liés au temps ont toutes disparues, l’ensemble est d’une stabilité remarquable et le grain argentique a globalement été scrupuleusement préservé. La précision est également de mise : la définition est accrue et le noir et blanc s’avère assez sublime ; on tient là un upgrade Haute-Définition absolument parfait. En deux mots comme en cent, le boulot a été fait – et bien fait – pour que nous puissions découvrir le film dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, Le grand chef nous est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0, mono d’origine évidemment. Le mixage est tout à fait satisfaisant, l’ensemble est clair et équilibré, et la musique de Gérard Calvi bénéficie d’une nouvelle jeunesse.
Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose comme à son habitude de reconstituer chez soi l’intégralité d’une séance de cinéma, comme à l’époque de la sortie du film. On commencera donc avec les Actualités Pathé de la 12ème semaine de l’année 1959 (9 minutes). A l’exception du dernier sujet, les nouvelles sont brèves, et amenées au spectateur sur un rythme soutenu ; on y reviendra pêle-mêle sur le procès de l’ancien nazi Erich Koch, sur des essais de fusées à Cap-Canaveral, sur les jeunes américains se fabriquant de petites fusées amateur, sur un défilé de mode au Royaume-Uni, sur des enfants japonais s’amusant à singer les sapeur-pompiers, sur un centre de gérontologie et le recul global de la notion de « vieillesse », et on terminera avec un peu d’athlétisme indoor à Paris, avec quelques essais de saut à la perche. On terminera enfin avec un sujet un peu plus long nous présentant le sanatorium de St Hilaire du Touvet, en pleine montagne, où une poignée de jeunes gens pouvaient poursuivre leurs études tout en luttant contre la tuberculose.
Après la bande-annonce de Rue des prairies, on enchainera avec une page de réclames publicitaires de cette année 1959 (8 minutes). Avant de faire cuire une jeune femme, une poignée de cannibales nous vantera tout d’abord les mérites des glaces Miko, puis on aura droit aux bonbons Becco. Sans transition, on passera ensuite aux pneus « Tubeless » (sans chambre) de la marque Kléber Colombes, aux bonnes pâtes de Tante Marie, au pressing Dauphi’Net à Grenoble, ainsi qu’à la crème « Skin Beauty » de Tokalon. On aura ensuite droit à une publicité pour les tampons à récurer Scotch Brite mise en scène par Paul Grimault, à un amusant spot pour les draps Agalys évoquant le film Fenêtre sur cour, et on terminera avec une pub pour Volkswagen mettant en vedette Louis De Funès.