Le Gladiateur du futur
Italie : 1983
Titre original : Endgame – Bronx lotta finale
Réalisateur : Joe D’Amato
Scénario : Joe D’Amato, George Eastman
Acteurs : Al Cliver, Laura Gemser, George Eastman
Éditeur : Pulse Vidéo
Durée : 1h37
Genre : Science-fiction
Date de sortie cinéma : 9 mai 1984
Date de sortie DVD/BR : 1 février 2022
En 2025, la Troisième Guerre mondiale a entraîné une apocalypse nucléaire et la confiscation du pouvoir par une dictature. Pour divertir les masses, le régime totalitaire a créé une nouvelle forme des jeux du cirque, dans laquelle des combattants s’affrontent jusqu’à la mort. Ron Sherman est le champion de cette arène moderne. Il est recruté par Lilith, superbe mutante télépathe, pour convoyer son groupe en dehors de New York, contaminée, à travers les zones désolées. Ron rassemble une équipe de combattants aguerris pour affronter les épreuves qui les attendent…
Le film
[5/5]
Période de grandes mutations dans le petit monde du cinéma, la fin des années 70 et le début des années 80 ont vu naître de très nombreux films populaires. Le succès international de La guerre des étoiles en 1977, d’Alien et Mad Max en 1979, de New York 1997 en 1981 ou encore de Conan le barbare et Mad Max 2 – Le défi en 1982 a redistribué toutes les cartes, ouvrant grand les portes à un certain cinéma de « l’imaginaire », qui bénéficierait dorénavant de moyens conséquents afin de séduire des générations de jeunes gens biberonnés aux comics et à la science-fiction depuis les années 50. Tous les grands studios se lanceraient donc dès lors dans la grande aventure du cinéma de genre, multipliant les films d’horreur, de science-fiction ou de « fantasy ».
Et pendant que les majors sortaient tout à la fois des blockbusters en tous genres et des productions nettement plus modestes (n’oublions pas que Metalstorm : La tempête de métal, produit et réalisé par Charles Band, fut en son temps distribué par Universal), les indépendants de leur côté se lançaient dans une frénésie d’imitations et de démarcations en tous genres, aux États-Unis, mais également aux Philippines, et, bien sûr, en Italie, le pays du film d’exploitation, où l’on produisait à tour de bras des « copies » presque conformes de tout ce qui marchait dans le reste du monde.
Sorti sur les écrans italiens un an après Mad Max 2, Le Gladiateur du futur s’inscrit évidemment dans la grande vague « post-nuke » italienne du début des années 80. Pour autant, le film de Joe D’Amato ne marche pas immédiatement dans les pas de son modèle : si bien sûr il finira par prendre la direction d’une intrigue « de convoi » comme le film de George Miller, au départ, on sent que le scénario de Joe D’Amato et George Eastman s’inspirent davantage de l’univers de Robert Sheckley, auteur américain de science-fiction. Le Gladiateur du futur reprenait donc un concept vieux comme le monde : celui des jeux de gladiateurs de l’antiquité. Un candidat, quatre chasseurs lancés à ses trousses, la « proie » gagne la partie si elle survit jusqu’au petit matin. Véritable obsession pour Robert Sheckley, cette thématique était au centre de plusieurs de ses romans (La septième victime, La dixième victime, Arena, Chasseur/Victime), ainsi que dans la nouvelle Le Prix du danger.
On ne compte plus les films ayant exploité ce point de départ du « jeu de la mort » au fil des années, et ce dès Les Chasses du Comte Zaroff en 1932. Depuis l’avènement de la télévision dans les années 60, le genre développe souvent, en parallèle avec le spectacle de la violence, une réflexion sur la notion de voyeurisme et de fascination des masses pour le spectacle de la mort. C’est le cas évidemment dans des films tels que Rollerball, Le prix du danger, La Course à la mort de l’an 2000 ou Running Man, et cette dénonciation de la soif de sang des médias se retrouve également dans le premier acte du Gladiateur du futur, qui impose un discours violemment subversif, à la fois anti-TV et anti-gouvernement.
On retrouvera cette défiance vis-à-vis du pouvoir en partie dans l’attitude d’Al Cliver (2072 Les Mercenaires du futur, 2020 Texas Gladiators), anti-héros clairement inspiré du Snake Plissken de New York 1997, et en partie dans la tonalité satirique que Le Gladiateur du futur adopte pour traiter du gouvernement, qui utilise ces jeux du cirque pour aveugler la population, et des médias bien entendu, les présentateurs y allant de leurs commentaires zélés pour mettre en avant des contenus sponsorisés alors même que la vie de plusieurs hommes est en jeu. Cela dit, au bout de quelques minutes seulement, l’intrigue centrée sur le jeu mortel opposant Sherman (Al Cliver) et Karnak (George Eastman) laissera la place à tout autre chose : après avoir rencontré Lilith (Laura Gemser), le taciturne Sherman se mettra dans l’idée de constituer un groupe de mercenaires afin d’escorter un groupe de mutants en dehors de la ville.
La suite du film sera donc l’occasion pour Joe D’Amato de nous proposer une suite de scènes de « recrutement » destinées à nous présenter plusieurs personnages, incarnés par quelques « tronches » mémorables du cinéma Bis italien : Gabriele Tinti, qui était à l’époque le mari de Laura Gemser, incarnera un tireur sarcastique arborant une énorme cicatrice et un cache-œil en mode pirate. Mario Pedone incarnera Kovacks, un type à la force incroyable, capable à lui-seul de soulever une voiture. Hal Yamanouchi sera « Ninja », un asiatique adepte des arts martiaux, et Nello Pazzafini sera le « maître d’armes », un homme aux réflexes impressionnants, par ailleurs équipé d’une petite arbalète au poignet.
Une fois la fine équipe constituée, Le Gladiateur du futur entamera enfin sa traversée de ce monde post-nuke en proie à la désolation, et deux grandes étapes marqueront le périple de nos personnages. La première les verra affronter un village peuplé de moines aveugles bien décidés à les tuer : il s’agit d’une scène assez formidable, remplie d’affrontements surprenants et de cascades bien chorégraphiées. Le dynamisme y est clairement de rigueur, et la scène s’achève sur une grosse surprise, qui montrera au spectateur que Sherman a une conception toute particulière de la notion de sauvetage, ce qui tendra à renforcer l’atmosphère morne et assez fascinante du film. Joe D’Amato compose de façon pour le moins habile avec les limites de son budget, et transcende même régulièrement son sujet, faisant oublier au spectateur qu’il est devant un petit Bis des familles. La deuxième étape, qui sera également la deuxième grosse scène d’action du film, nous donnera à voir l’attaque d’une bande de motards mutants, ayant la particularité d’avoir été génétiquement modifiés par les radiations, et d’avoir entamé une mutation en poissons et en singes. Lilith est enlevée, et le sauvetage de cette dernière sera l’occasion de retrouvailles entre Sherman et Karnak.
Entre ces deux grosses scènes, toutes deux menées avec efficacité et talent par Joe D’Amato, Le Gladiateur du futur s’était organisé une petite séquence de pause, qui avait servi à introduire au spectateur les pouvoirs de télékinésie dont dispose un jeune garçon au sein du convoi. Ces pouvoirs seront d’ailleurs au centre du climax du film, qui verra Sherman affronter le colonel Morgan (Gordon Mitchell), un militaire bien décidé à ne pas laisser notre mercenaire fuir la ville avec une flopée de mutants dont les pouvoirs pourraient, à terme, mettre en danger son autorité. Très étonnante, cette scène finale – probablement en partie inspiré du Carrie de Brian De Palma – constitue une autre des originalités qui font de ce Gladiateur du futur un petit trésor de créativité allant bien au-delà de sa nature de « simple » démarcation de Mad Max 2.
Difficile cependant de rester totalement objectif avec un film tel que Le Gladiateur du futur. De deux choses l’une : si vous avez découvert Le Gladiateur du futur dans votre enfance ou votre adolescence, il y a de grandes chances pour que la redécouverte du film de Joe D’Amato soit l’équivalent pour vous d’une madeleine de Proust tellement inespérée que tout esprit critique quittera complètement votre esprit pendant un peu moins d’une heure quarante. Vous vous remémorerez ainsi les grandes batailles et autres traversées de no man’s land atomique que vous organisiez dans votre chambre à l’aide de quelques G .I. Joe, jouets de la gamme Mask ou Maîtres de l’univers. Toi-même tu sais de quoi je parle. En revanche, si vous ne découvrez Le Gladiateur du futur, il y a peut-être un peu plus de chances pour que les quelques défauts du film (formels ou narratifs) vous apparaissent, dans leur plus folle incongruité. Pour autant, ces défauts contribuent également, de façon claire et définitive, au charme fou du film de Joe D’Amato. Alors j’ai essayé de ne pas mettre 5/5 en note artistique, je l’avoue : j’ai essayé parce que je les vois, les défauts, les maquillages bidon, les trucs mal foutus (le mannequin au volant du buggy lors de la mort de Ninja en est le plus flagrant exemple), les raccourcis narratifs, les diverses fautes de goût. Je le vois bien, que le film part dans tous les sens, et qu’il ne va pas systématiquement au bout de ses idées. Je vois tout ça. Mais putain, qu’est-ce que c’est bon !
Le Combo Blu-ray + DVD
[4,5/5]
Après nous avoir proposé Les Exterminateurs de l’an 3000 (Giuliano Carnimeo, 1983) et Atomic cyborg (Sergio Martino, 1986) en Blu-ray il y a deux ans, pendant la sombre période dite du « Grand Confinement », Pulse Vidéo a remis le couvert début 2022 avec une deuxième vague de titres s’inscrivant dans la collection « Atomic Future ». Malheureusement, le rythme soutenu des publications dans la section Blu-ray / DVD de critique-film nous avait fait louper la sortie de ces nouveaux titres, à savoir Le Gladiateur du futur (Joe D’Amato, 1983), Les Prédateurs du futur (Ruggero Deodato, 1983) et 2072 – Les Mercenaires du futur (Lucio Fulci, 1984). Dans sa grande bonté, l’éditeur nous a néanmoins fourni, en rattrapage, un Combo Blu-ray + DVD du film de Joe D’Amato.
Et face à la qualité du master HD et des suppléments de ce Gladiateur du futur, notre enthousiasme d’hier pour les sorties de la collection « Atomic Future » ne se dément pas : on salue au contraire à nouveau bien bas l’initiative de Guillaume Le Disez de nous proposer en vidéo ces petits trésors surgis du passé. Le film de Joe D’Amato débarque donc dans un Combo Blu-ray + DVD, dans un boitier Amaray standard, mais disposant d’une superbe jaquette réversible : vous aurez donc le choix du visuel qui ornera votre galette, les deux visuels reprenant deux affiches du film parmi les plus célèbres (une avec le fameux « gladiateur », l’autre avec Al Cliver).
Côté master, cette somptueuse édition du Gladiateur du futur – qui était, on le rappelle aux plus étourdis, complètement inédit depuis son exploitation en VHS – constitue donc l’occasion idéale pour découvrir ou redécouvrir au plus vite ce grand chef d’œuvre du post-nuke rital, d’autant que le film de Joe D’Amato est proposé ici dans des conditions techniques extraordinaires. Le transfert est tiré d’un nouveau master 4K restauré d’après le négatif original, l’encodage est soigné, la définition sans souci, et les couleurs vives et éclatantes. La copie est de très bonne tenue, avec un grain cinéma respecté aux petits oignons, et des contrastes finement travaillés. La restauration a fait place nette de la plupart des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et si l’on excepte quelques plans malheureux et / ou irrécupérables, l’image que nous propose ici Pulse Vidéo est extrêmement stable, avec néanmoins quelques fourmillements discrets sur certaines séquences. Côté son, l’éditeur nous propose à la fois la VO et la VF d’origine en DTS-HD Master Audio 2.0, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs et proposent un confort acoustique optimal les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier.
Du côté des suppléments, on commencera tout d’abord par mesurer l’impressionnant bond qualitatif que nous propose cette édition Haute-Définition du Gladiateur du futur grâce à un transfert de la VHS du film, éditée en France dans les années 80 (VF, 1h33). Les nostalgiques y jetteront probablement un coup d’œil ému ! On continuera ensuite en nous plongeant dans un entretien avec George Eastman (15 minutes). De son vrai nom Luigi Montefiori, l’acteur y reviendra sur son rôle (non crédité au générique) de co-scénariste du film. Il évoquera son inspiration, venant de La septième victime de Robert Sheckley, louera une bonne présentation des différents personnages, mais regrettera certains aspects de la mise en scène de Joe D’Amato – il évoquera par exemple le fait que les scènes de bagarre étaient trop peu préparées à l’époque, et se résumaient toujours aux mêmes enchainements de coups. Il se remémorera également ses relations avec le cinéaste.
On continuera ensuite avec un entretien avec le compositeur Carlo Maria Cordio (12 minutes), qui reviendra sur sa carrière en tant que compositeur, ainsi que sur sa longue collaboration avec Joe D’Amato, avant d’évoquer les particularités de la musique du Gladiateur du futur, sur laquelle il a mis en évidence les sons du « Chroma Rhodes », un synthétiseur à la pointe de la technologie à l’époque. Dans un module séparé, le compositeur interprétera au piano le thème de Lilith (2 minutes).
Enfin, on terminera avec la bande-annonce d’époque (3 minutes), restaurée depuis le négatif original, qui s’accompagnera d’un « D’Amato-Rama », une sélection de bandes-annonces HD de six films de Joe D’Amato : La Mort a souri à l’assassin (1973), Black Emanuelle en Orient (1976), Emanuelle et les derniers cannibales (1977), Blue Holocaust (1979), Eleven days, Eleven nights (1987) et enfin Deep Blood (1990). Pour vous procurer cette superbe édition Blu-ray + DVD, rendez-vous sur le site de l’éditeur !