Test Blu-ray : Le flingueur

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Le flingueur

 
États-Unis : 1972
Titre original : The mechanic
Réalisateur : Michael Winner
Scénario : Lewis John Carlino
Acteurs : Charles Bronson, Jan-Michael Vincent, Keenan Wynn
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h40
Genre : Thriller, Action
Date de sortie cinéma : 18 janvier 1973
Date de sortie DVD/BR : 15 novembre 2017

 

 

Arthur Bishop est un tueur à gages pour le compte de la mafia. Sa rapidité, son professionnalisme et son perfectionnisme lui ont valu d’être surnommé « le flingueur ». Mais Bishop vieillit, et ne semble plus être en mesure d’assurer seul ses contrats. Il décide de prendre sous son aile Steve McKenna, un jeune chien fou arrogant et sûr de lui, et de lui apprendre ce qu’il sait du métier…

 

 

Le film

[4/5]

Réalisé en 1972, soit entre Les collines de la terreur et Scorpio, le polar Le flingueur permet à Michael Winner de retrouver son acolyte Charles Bronson, à qui il resterait fidèle pendant de nombreuses années. C’est également l’occasion pour Winner de reprendre un peu le pouls de son époque, ses films précédents ayant abandonné l’époque « contemporaine » pour aborder le western ou l’Angleterre victorienne.

S’ouvrant sur une quinzaine de minutes quasi-muettes et littéralement époustouflantes, durant lesquelles on suit l’exécution par Bronson d’un « contrat », avec une attention toute particulière pour les détails et les gestes méticuleux, professionnels et assurés du personnage principal, Le flingueur est souvent considéré comme le meilleur film de la carrière de Michael Winner. Assez éloigné de l’esprit hardcore et revanchard (pour ne pas dire carrément facho) qui deviendrait la « marque de fabrique » du duo Winner / Bronson, le film de 1972 nous propose un thriller de première bourre, au cœur duquel se dessinera même, en filigrane et sous le couvert d’une relation père / fils contrariée, les bribes d’une tension homo-érotique entre les deux personnages principaux. En guise de fils de substitution à Papy Charlie, on trouvera le jeune Jan-Michael Vincent, qui deviendrait célèbre quelques années plus tard avec la série Supercopter (1984-1986).

Très représentatif du cinéma de Winner, Le flingueur met en scène un personnage de tueur à gages se révélant un individualiste forcené, dont le crédo est de « rester en dehors de tout », sous-entendu de la société, seul moyen selon lui pour parvenir à vivre libre, d’être « sans maître » selon ses propos. Alors, Bronson est-il un animal (symbole de liberté par excellence), un fauve en liberté dans la société américaine ? Pas vraiment, car Michael Winner le nihiliste démontrera que cette liberté est finalement bien illusoire en utilisant quelques éléments narratifs ou purement formels ayant la particularité d’être vraiment bien pensés. On pense notamment à ces plans le montrant, par un habile jeu sur la profondeur de champs, « en cage » durant la scène suivant celle du zoo, ou à la séquence chez son patron – le personnage incarné par Charles Bronson ne serait-il pas au final comparable à ce jaguar enchainé, dont la liberté est uniquement limitée à la longueur de la chaine qu’on lui met au cou ? Car s’il ne dépend pas des carcans imposés par la société, Bronson est également prisonnier à sa manière : prisonnier de la « famille » qui l’emploie, et pour qui il s’avère corvéable à merci, allant jusqu’à exécuter son plus vieil ami sans ciller le moins du monde… Le personnage se retrouve ainsi prisonnier d’un univers déshumanisé, sans morale ni code d’honneur. Dans le même état d’esprit, que dire de son existence même, de cette vie dénuée de la moindre chaleur (il paye une prostituée pour qu’elle lui écrive des lettres d’amour, lui donnant l’illusion de manquer à quelqu’un), se résumant in fine uniquement à la répétition sans fin des mêmes gestes professionnels ?

Premier degré jusqu’au bout du silencieux, Le flingueur n’en oublie pas pour autant d’être un excellent film d’action, proposant d’ailleurs une belle succession de moments de bravoure, de poursuites et de fusillades même pas gâchées par le manque de rigueur formelle évident de Michael Winner, qui use et abuse des zooms/dézooms/rezooms les plus disgracieux, mais qui collent finalement parfaitement avec l’esthétique légèrement outrancière de l’ensemble. Bon gré mal gré, Winner signe donc tout de même un film à l’impact direct et immédiat, typiquement 70’s dans son traitement de l’action et jusque dans son final très éloigné du traditionnel happy-end, qui sous-tend que toutes les volontés de « transmission » paternelle, et par extension des sacro-saintes valeurs familiales, sont finalement totalement vaines.

 

 

Le Blu-ray

[4,5/5]

Grâce soit rendue à Wild Side Vidéo, éditeur touche à tout français qui nous permet de redécouvrir dans l’hexagone et sur galettes HD quelques classiques un peu oubliés. Même si le master ne semble pas être de toute première jeunesse, la copie du Flingueur que nous propose aujourd’hui l’éditeur est de très bonne tenue, avec un grain cinéma respecté et des contrastes globalement soignés, même si l’on notera des noirs un peu bouchés sur la séquence de la mort de Keenan Wynn et une granulation sans doute un poil excessive durant les scènes en basse lumière. Parallèlement, la restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image stable. Côté son, l’éditeur nous propose la version originale et la VF d’origine en DTS-HD Master Audio 2.0 mono, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs, on appréciera la VF d’époque un brin surannée et les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier.

On notera de plus que Le flingueur débarque aujourd’hui dans un coffret d’aspect luxueux, venant grossir les rangs de la collection de digibooks made in Wild Side dédiés à différents films et réalisateurs. Peu à peu, au rythme de trois à quatre sorties par an (généralement issues du riche catalogue de MGM), l’éditeur étoffe lentement mais sûrement une collection que l’on peut sans peine aujourd’hui comparer à la prestigieuse collection « Criterion » aux États-Unis, d’autant que les Combo Blu-ray + DVD des films sortis par l’éditeur français nous proposent toujours des visuels inédits, originaux et vraiment très réussis. Cette nouvelle livraison comporte donc comme d’habitude à la fois le film sur support DVD et Blu-ray, et se voit accompagnée d’un livret de 80 pages écrit par Samuel Blumenfeld et richement illustré de photos d’archives.

 

 

Du côté des suppléments, outre le livret évoqué un peu plus haut, l’éditeur nous propose une poignée de suppléments vidéo de choix : on trouvera la traditionnelle bande-annonce, accompagnée d’une passionnante et très instructive présentation du film par Dwayne Epstein, historien du cinéma et biographe de Charles Bronson. Ce dernier évoque quelques anecdotes de tournage, replace le film dans la carrière de Charles Bronson mais propose également un intéressant début d’analyse, en abordant par exemple la dimension homosexuelle du script, en prenant des exemples très précis qui, en dehors du contexte du film, prennent une dimension vraiment très explicite. On poursuivra avec un entretien avec Monte Hellman, qui a « presque » réalisé le film et largement contribué à l’écriture du script, mais s’est vu écarté du projet par la suite, et en garde visiblement une certaine amertume.

 

 

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