Test Blu-ray : Le fils du requin

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Le fils du requin

Belgique, France, Luxembourg : 1993
Titre original : –
Réalisation : Agnès Merlet
Scénario : Santiago Amigorena, Agnès Merlet
Acteurs : Ludovic Vandendaele, Erick Da Silva, Sandrine Blancke
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h30
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 24 novembre 1993
Date de sortie DVD/BR : 26 mai 2021

Dans une petite ville du Nord, deux gamins abandonnés par leur mère et rejetés par leur père, cèdent à la violence, semant la terreur sur leur passage. Cherchant une place dans ce monde hostile, ils trouveront refuge dans le rêve…

Le film

[4/5]

Grand film de l’enfance, multi-récompensé à travers l’Europe entre 1993 et 1994, Le fils du requin avait fait forte impression auprès des cinéphiles l’ayant découvert en salle, en VHS ou sur Canal+ dans les années 90. La puissance de cet OVNI, comparable en bien des points au Baxter de Jérôme Boivin (1989), était telle que le film laisserait derrière lui le souvenir marquant d’une œuvre forte, plaçant d’entrée de jeu Agnès Merlet dans la catégorie des cinéastes à suivre de près. Malheureusement, au fil des années et des changements de supports vidéo, Le fils du requin était devenu quasi-invisible. Interrogée à ce sujet en 2011 lors du Festival International du Film Fantastique de Strasbourg, la réalisatrice du film Agnès Merlet renvoyait ses interlocuteurs vers la Gaumont, détentrice des droits du film.

Aujourd’hui, 28 ans après la sortie du film dans les salles obscures, Gaumont a donc enfin répondu aux appels du pied des cinéphiles français, impatients de revoir Le fils du requin dans des conditions optimales. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré les années, l’impressionnant premier long-métrage d’Agnès Merlet n’a rien perdu de son impact, nous proposant le portrait à la fois poétique et effrayant de deux jeunes ados pré-pubères n’ayant plus aucun repère et s’avérant potentiellement très violents. Le scénario, inspiré d’un fait divers survenu dans la banlieue de Rouen en 1987, détaille sans concession ni angélisme la vie quotidienne de ces enfants abandonnés de tous (parents, écoles, institutions – tous démissionnaires) et en proie à un certain « ensauvagement ».

Si le constat est dur, la réalisatrice Agnès Merlet fait en revanche tout son possible pour prendre du recul avec la réalité sordide du fait divers dont elle s’inspire : la représentation qu’elle propose de la vie de ces deux frères perdus dans Le fils du requin est en effet compatissante – impossible de ne pas éprouver une certaine tendresse pour ces deux garnements – et fortement emprunte de poésie. Ainsi, leur errance sera non seulement rythmée par la récurrence des images de poissons, synonymes de vie simple et de liberté, mais également par un extrait des « Chants de Maldoror » de Lautréamont, répété en boucle – « Si cela avait pu dépendre de ma volonté, j’aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du requin ; je ne serais pas si méchant »

Dans le même état d’esprit, si le monde tel qu’il est filmé par Agnès Merlet est aussi noir que pessimiste, il tient aussi vaguement sur le fantasme, nous proposant des décors – de la ville du Portel – ne reflétant pas la réalité sociale du début des années 90, mais plutôt une zone de non-droit, presque post-nuke, ce qui tend à inscrire Le fils du requin dans une réalité n’étant pas tout à fait la nôtre. Grâce à ces éléments amenant un peu de « lumière » au récit, la trajectoire de ces petits vandales adeptes de la destruction du bien d’autrui conserve tout de même une lueur d’espoir et d’innocence, que l’on retrouve également dans le regard de Martin (Ludovic Vandendaele).

Ainsi, et malgré un sujet et des thématiques similaires, Le fils du requin n’a finalement rien à voir avec un film tel que De bruit et de fureur, le chef d’œuvre de Jean-Claude Brisseau (1988). Le regard d’Agnès Merlet se dirige vers un « ailleurs », que symbolise très bien le dernier plan du film – les deux frères ont beau vivre dans un monde violent et sordide, ils ont toujours l’espoir de trouver un paradis quelque-part. C’est tout ce qu’on leur souhaite !

Le Blu-ray

[4/5]

Grâces soient rendues à Gaumont, qui nous permet enfin ce mois-ci de revoir le premier film d’Agnès Merlet, Le fils du requin ! La sortie de ce film très attendu en Haute Définition constitue un petit événement, dont on se réjouit tout à fait. Le film intègre donc la collection Blu-ray Découverte (parfois également appelée Gaumont Découverte en Blu-ray), ce qui devrait permettre à un plus large public de découvrir dans des conditions techniques absolument inédites.

On ne pourra en effet qu’applaudir l’éditeur, qui nous livre ici un master absolument superbe. La copie est de toute beauté, nous proposant à la fois un grain cinéma tout à fait respecté et un piqué d’une précision exceptionnel. Le film retrouve toute sa netteté et son impact originel, les couleurs respectent l’aspect désaturé d’origine, et les noirs sont d’une stabilité exemplaire. Pas de rayures ou de taches disgracieuses à l’horizon : c’est un véritable travail d’orfèvre, et une totale redécouverte pour tous ceux qui, comme l’auteur de ses lignes, avaient copié leur VHS sur un DVD afin de pouvoir le revoir. Côté son, l’éditeur nous propose un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 mono, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs, le rendu acoustique limpide, tonique et bien équilibré. L’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 respectant globalement le rendu acoustique d’origine, et proposant une spatialisation « d’ambiance », dont profitera surtout la bande originale du film, signée Bruno Coulais. Du beau travail technique !

Côté suppléments, Gaumont nous propose un entretien avec Agnès Merlet (26 minutes), qui reviendra sur son parcours avant le cinéma, puis s’attardera de façon détaillée sur la genèse et le tournage du film. De l’écriture du scénario (pour lequel Gaumont lui a imposé un consultant) au repérage des décors, en passant par les difficultés à tourner avec des enfants ou par l’aspect visuel recherché, tous les aspects du film sont abordés dans la bonne humeur, et avec une franchise qui fait plaisir à entendre.

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