Le dernier round
États-Unis : 1926
Titre original : Battling Butler
Réalisation : Buster Keaton
Scénario : Paul Gerard Smith, Al Boasberg, Charles Henry Smith, Lex Neal
Acteurs : Buster Keaton, Snitz Edwards, Sally O’Neil
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h17
Genre : Comédie
Date de sortie DVD/BR : 16 juin 2020
Fils de bonne famille, le jeune Butler est envoyé camper en montagne par son père, qui pense ainsi l’endurcir. Mais les conditions de campement, très luxueuses, ne s’y prêtent guère. Butler tombe amoureux d’une jeune montagnarde, dont la famille n’apprécie guère l’allure frêle et oisive du jeune homme. Son majordome ayant découvert à la lecture d’un article de journal que Butler avait pour homonyme un célèbre boxeur, il propose à son maître de se faire passer pour le champion, afin de se faire accepter par les rustiques montagnards…
Le film
[4/5]
Inspirateur (sans fil) de tous les comiques « physiques » nous régalant depuis des années, de Jackie Chan à Jim Carrey en passant par Pierre Richard, Buster Keaton fait partie de cette petite poignée de géants du muet dont l’influence se fait encore énormément sentir de nos jours dans la comédie. Dans le documentaire de Peter Bogdanovich The great Buster (2018), on apprenait par exemple que des personnalités aussi diverses que Jon Watts (Spider-Man : Homecoming) ou encore Johnny Knoxville (Jackass) se réclament également de son héritage.
Une chose est sûre cependant : la méticulosité maniaque de Buster Keaton a réellement fait des merveilles au cinéma durant les années 20. Après avoir « tâté le terrain » en 2019 avec une belle édition Haute-Définition des Fiancées en folie (1925), Elephant Films remet le couvert cette année avec trois nouveaux Blu-ray consacrés à Buster Keaton. Et quels films ! Il s’agit en effet de Sherlock Junior (1924), La croisière du Navigator (1924) et Le dernier round (1926), trois des œuvres les plus célèbres et les plus réussies de celui que l’on surnommait « L’homme qui ne rit jamais ».
Ces trois pépites du cinéma muet intègrent la prestigieuse collection « Cinéma Masterclass » de chez Elephant Films, également connue sous le sobriquet de « La collection des maîtres ». Voici donc l’occasion rêvée pour le consommateur de redécouvrir un Buster Keaton alors à son apogée artistique au cœur de trois films courts et intenses, riches en cascades époustouflantes et soutenues par un timing comique proche de la perfection.
Des trois films de cette nouvelle vague de Blu-ray consacrée à Buster Keaton, Le dernier round est sans aucun doute le moins célèbre, mais également le moins sophistiqué en termes de « mécanique » comique. Il n’en demeure pas moins une œuvre à (re)découvrir de toute urgence. Comme dans La croisière du Navigator, Buster Keaton y incarne Alfred Butler, un jeune milliardaire aussi oisif qu’incompétent dans tous les domaines. Poussé par amour à prouver qu’il est « un homme, un vrai », le jeune Butler aura l’idée saugrenue de se faire passer pour un redoutable boxeur.
Et autant être clair d’entrée de jeu : Le dernier round est surtout connu pour ses séquences d’entraînement physique, qui seront suivies d’une étonnante séquence de boxe finale, qui vaut à elle seule le visionnage du film. Et si on osait comparer les deux éternels « rivaux », le film de Buster Keaton renvoie littéralement dans les cordes celui tourné une dizaine d’années auparavant par Charlie Chaplin dans Charlot boxeur (1915). Bien conscient de l’analogie que ferait inévitablement le public, Keaton choisit de plus de livrer un petit clin d’œil au film de Chaplin, en détournant ici l’utilisation du fer à cheval… Malin et vraiment drôle.
Acteur extrêmement physique, n’hésitant jamais à se mettre en danger, Keaton opte de fait ici pour une représentation finalement assez réaliste du noble Art. Et le résultat à l’image est impressionnant tant l’acteur / réalisateur en prend ici littéralement « plein la gueule ». De la part de tous les sparring partners avec qui il s’entraine, puis de celle de son adversaire durant la dernière séquence, qui ne se déroulera d’ailleurs pas sur un ring. Keaton morfle, encaisse jusqu’au point de non-retour avant, finalement, de se mettre à rendre les coups. Et si bien sûr la représentation de l’âpreté et de la violence de la boxe est encore bien éloignée de celle d’un Raging bull (Martin Scorsese, 1980), Le dernier round conserve une dimension physique encore assez saisissante de nos jours.
Moins riche en gags que beaucoup de films tournés par Keaton dans les années 20, le film comporte néanmoins son lot de séquences amusantes, telles qu’une séquence de chasse et de pêche franchement pas piquée des hannetons.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Un peu plus d’un an après une édition Blu-ray assez impressionnante des Fiancées en folie, Elephant Films continue sur sa lancée avec Le dernier round. Et on ne pourra que tirer notre chapeau à l’éditeur, qui nous livre ici un master restauré 4K assez superbe. La copie est de toute beauté, avec un grain cinéma respecté aux petits oignons, et des contrastes finement travaillés. Le master alterne les séquences en noir et blanc et d’autres ayant un aspect « doré », or et blanc si vous préférez. La restauration a fait place nette, mettant au ban rayures et autres griffes disgracieuses, et propose un piqué vraiment étonnant pour l’époque. Le tout est d’ailleurs doublé d’une stabilité remarquable, ne comportant que les petits défauts techniques inhérents aux films de cette époque, notamment au niveau de la profondeur de champ. Côté son, l’éditeur nous propose une version originale en DTS-HD Master Audio 2.0, sans souffle ni bruits parasites. Les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier. D’une façon assez étonnante, Elephant nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 5.1, qui aura la particularité de donner une ampleur inédite à la musique du film signée Robert Israel.
Du côté des suppléments, l’éditeur nous propose de nous plonger dans une présentation du film assurée par Nachiketas Wignesan, critique et enseignant (18 minutes), qui remettra Le dernier round dans son contexte de tournage et proposera l’analyse de certaines séquences, en revenant notamment sur la mise en scène, le montage ou les thématiques abordées par le film. On terminera ensuite avec quelques notes sur la restauration du film, qui s’accompagneront d’une poignée de bande-annonces de films disponibles dans la collection « Cinéma Master Class ».