Le dernier face à face
Italie, Espagne : 1967
Titre original : Faccia a Faccia
Réalisation : Sergio Sollima
Scénario : Sergio Donati, Sergio Sollima
Acteurs : Gian Maria Volontè, Tomas Milian, William Berger
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h51
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 19 mars 1969
Date de sortie DVD/BR : 4 juillet 2018
Brad Fletcher est un honnête homme qui déménage au Texas, au calme, afin de se remettre de ses problèmes de santé. Sur le chemin, il se fait prendre en otage par un hors-la-loi blessé. Brad, le voyant mal en point, va malgré tout le secourir et le soigner. Une fois remis sur pied, le bandit lui laisse la vie sauve et l’invite à parcourir l’Ouest américain comme un bandit. Brad accepte…
Le film
[5/5]
Bien peu de cinéastes parviennent à devenir de véritables légendes dans un genre donné en n’ayant offert que trois films s’épanouissant dans ledit genre. Véritable légende du western spaghetti, faisant partie avec Sergio Leone et Sergio Corbucci de la « Sainte Trinité » des Sergio que vénèrent les amoureux du spagh’, Sergio Sollima n’a pourtant réalisé en tout et pour tout que trois westerns. Mais quels films ! Colorado (1966), Le dernier face à face (1967) et Saludos hombre (1968) : trois chefs d’œuvres ayant pour point commun de mettre en scène le génial Tomas Milian. Et quelques années après avoir permis au cinéphile français de redécouvrir Colorado dans une sublime édition Blu-ray, c’est donc Wild Side qui remet le couvert pour une nouvelle fournée du meilleur du spaghetti transalpin avec la sortie du Dernier face à face dans un très attendu Combo Blu-ray + DVD.
Western brillant et atypique, se reposant quasi-intégralement sur la construction psychologique de son récit et l’étude en profondeur de son duo de personnages principaux, Le dernier face à face s’amuse avec les codes du genre, et se refuse à forcément donner au public ce qu’il attend ; ainsi, les fusillades enfiévrées et autres chevauchées sauvages passeront clairement au second plan. Pour preuve, on citera la séquence durant laquelle le personnage de Beauregard (Milian) décide de chasser une dizaine de hors la loi de la ville de Purgatory City – si ce passage est à priori construit comme le premier vrai morceau de bravoure du film, Sergio Sollima préférera montrer au spectateur l’évolution des affrontements en filmant les « spectateurs » de ceux-ci, confortablement installés derrière une fenêtre. Le film au contraire prend donc patiemment le temps de creuser les personnalités de son duo de héros (Tomas Milian / Gian Maria Volontè), que tout semble opposer à priori : niveau de culture et d’éducation, philosophie de la vie, instinct de survie, recours à la violence…
Clairement soumis dans la première partie du film, maladif et dominé par le personnage incarné par Tomas Milian, le personnage du professeur Fletcher (Gian Maria Volontè) renversera peu à peu les rôles, comme si les deux personnages n’étaient au final que les deux faces d’une seule et même pièce. Leurs personnalités vont peu à peu s’inverser, ce qui permettra à Sollima et à son scénariste Sergio Donati de nous livrer une très habile parabole politique, brassant de nombreux thèmes sans jamais se montrer didactique ou le moins du monde rébarbatif : humanisme, lutte des classes, recherche de la justice, soif de pouvoir, culte de la personnalité, instrumentalisation de la violence de masse…
On notera également la place laissée aux seconds-rôles dans le récit, évitant avec brio toute tentation manichéenne : Sollima et Donati nous proposent en effet des personnages pleins de nuances, ni bons ni mauvais, et dont l’humanité transparaîtra à un moment ou à un autre de l’histoire : on pense naturellement à Siringo, incarné par William Berger, mais aussi à Maximilian (Ángel del Pozo) ou à Annie (Carole André).
Bref, il y a fort à parier pour que Le dernier face à face mette d’accord tous les amateurs de western, qu’ils soient enclins ou pas à apprécier le style « spaghetti » ; malgré la présence d’Ennio Morricone à la musique, Sergio Sollima se démarque sans la moindre peine de l’esprit des westerns réalisés à la même époque par Sergio Leone, et parvient à imposer son propre style, loin de toute influence extérieure. Et à signer un des plus grands et des plus passionnants de tous les westerns italiens.
Le Combo Blu-ray + DVD + Livre
[5/5]
Grâces soient rendues à Wild Side pour avoir eu la bonne idée d’exhumer Le dernier face à face, un western encore relativement peu connu en France, en nous proposant non seulement la version internationale du film mais également sur la même galette Blu-ray ce qui aurait déjà constitué un bonus de choix : la fameuse version longue du film, disposant de quinze minutes de métrage supplémentaires, et qu’on avait pu découvrir il y a quelques années en DVD chez Seven7. L’événement de cette édition est donc de proposer une version Haute Définition « intégrale », dans le sens où la version longue intègre les séquences inédites au montage international en définition standard. Autant dire donc que le contraste entre les passages HD et SD est rude… Durant les séquences restaurées, l’image est littéralement superbe, les couleurs chattoyantes, les contrastes soignés, l’encodage aux petits oignons et le grain a été subtilement préservé : l’image est tout simplement magnifique. Les passages « upscalés » manquent quant à eux clairement de punch et de précision. Néanmoins, le quart d’heure de séquences supplémentaires est tout simplement indispensable, ce qui nous incitera à fermer les yeux avec bienveillance sur les passages du film nous proposant un master plus abîmé.
Outre la « version longue » du film qui est donc du pain béni pour les amateurs et nécessite à elle-seule l’acquisition du dernier bébé de chez Wild Side, les suppléments de cette édition collector du Dernier face à face se divisent en deux parties : la première partie est « physique » puisqu’il s’agit d’un très intéressant livre écrit par Alain Petit et illustré de photos et documents d’archives rares (60 pages).
La deuxième partie des suppléments se trouvera sur la galette Blu-ray proprement dite, et consiste en une présentation du film par Jean-François Giré, qui revient en un peu moins d’une demi-heure sur les thématiques les plus fortes du film de Sollima. En plus de cet entretien riche et rempli d’anecdotes, on trouvera également un sujet sur la restauration du film par les équipes de Wild Side, et notamment sur le travail d’étalonnage qui fut nécessaire afin d’intégrer les séquences absentes de la version internationale au master HD. Même si l’ensemble des plans et séquences rajoutées ne représentent guère qu’une vingtaine de minutes de métrage, sept heures de travail ont été nécessaire afin d’obtenir un résultat satisfaisant.