Test Blu-ray : Le couteau dans l’eau

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Le couteau dans l’eau

Pologne : 1962
Titre original : Nóz w wodzie
Réalisation : Roman Polanski
Scénario : Roman Polanski, Jakub Goldberg, Jerzy Skolimowski
Acteurs : Leon Niemczyk, Jolanta Umecka, Zygmunt Malanowicz
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h36
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 17 avril 1963
Date de sortie Blu-ray : 5 mai 2021

Andrejz et Christine, un couple fortuné, décident de partir en croisière. Sur leur chemin, ils font la rencontre d’un jeune homme sur le bord de la route à qui ils proposent de les suivre à bord de leur yacht. Malgré leur bonne entente de départ, la différence sociale entre le couple et leur invité va provoquer quelques frictions…

Le film

[3,5/5]

Trois acteurs, un bateau. Un couteau, des mikado, quelques bouteilles. Une histoire ? Oui et non, car il ne se passe pas grand-chose au fond dans Le couteau dans l’eau. Pourtant, le premier long-métrage de Roman Polanski parvient à tenir le spectateur en haleine sur sa durée, grâce à l’atmosphère trouble, suffocante, qu’il entretient autour de son triangle de personnages. Le tour de force le plus impressionnant de Polanski sur ce film est sans doute liée à cette atmosphère étouffante, qu’il crée et entretient tout au long du film, alors même que paradoxalement, celui-ci se déroule à ciel ouvert, sur un bateau, sous un grand soleil, avec de l’eau à perte de vue. Un huis-clos dans un monde ouvert, et sur un voilier, éternel synonyme de liberté dans la société occidentale.

Le fait est pourtant que Le couteau dans l’eau s’avère une expérience pleine d’un malaise hypnotique, porté par une tension doublée de sensualité qui ne faiblira jamais réellement jusque dans les dernières minutes du film. Deux hommes / une femme – combien de possibilités ? Slalomant entre le drame psychologique et le jeu de séduction, mais sans jamais non plus réellement mettre les pieds dans le plat, le film de Roman Polanski nous propose avec Le couteau dans l’eau non pas un thriller – comme on peut le lire un peu partout – mais une étude de mœurs maussade et naturaliste, tournant autour de la compétition de deux mâles pour une femelle. Les mots et les gestes sont subtils, et l’étrange duel se mettant en place au cœur du film n’est jamais réellement ni formulé, ni formalisé.

En effet, personne ne menace vraiment jamais personne – du moins pas directement – mais les tensions qui se développent tout au long du Couteau dans l’eau sont pourtant bien réelles, même si elles ne sont pas faciles à analyser. Difficile également de mettre le doigt sur ce qui cloche, ou de déterminer où se situe le point de rupture, que cela soit pour le trio de personnages lui-même ou pour le spectateur. C’est pour cette raison que l’on commençait en arguant que pas grand-chose ne se passe dans le film. Pas d’éclats de voix, pas d’affrontements ; mais en vérité, beaucoup de choses se passent, mais on touche presque là à « l’indicible » au cœur des relations humaines, aux rapports de force qui sont exprimées sans paroles, par le regard, les postures, l’attitude.

Les dialogues sont clairsemés, et n’ont finalement que peu d’importance. Visuellement, Roman Polanski ne se laisse pas démonter par son ambiance de huis-clos, et nous offre une belle série de plans extrêmement jolis et/ou bien composés, occasionnellement sublimés par la photo de Jerzy Lipman. En tant que premier film, Le couteau dans l’eau tenait finalement sans doute essentiellement de la « carte de visite » pour Roman Polanski – le film était essentiellement conçu afin d’attirer l’attention sur son talent et de lui permettre de réaliser des films à l’extérieur de la Pologne. Cependant, Le couteau dans l’eau demeure un intéressant exercice de style ; la preuve : soixante ans après sa réalisation, les cinéphiles se régalent encore de le découvrir !

Le Blu-ray

[4,5/5]

Comme Cul-de-sac et Répulsion, également sortis ce mois-ci sous les couleurs de Carlotta Films, Le couteau dans l’eau a été l’objet d’un puissant ravalement de façade, et le travail de restauration 4K du premier film de Roman Polanski s’avère réellement impressionnant : la restauration s’impose avec faste et élégance, nous proposant de découvrir ou redécouvrir le film dans des conditions complètement inédites. Le piqué est d’une précision étonnante, les contrastes ébouriffants, et l’ensemble présente une stabilité exemplaire. Côté son, la bande son encodée en DTS HD Master Audio 1.0 mono d’origine fait le boulot sans problème, avec des dialogues toujours parfaitement clairs et distincts (en VO polonaise). On notera que la version originale est également proposée dans un remixage DTS-HD Master Audio 5.1, essentiellement frontal, préservant bien heureusement l’esprit du film – paradoxalement, ce sont peut-être les silences qui profitent le plus de cette spatialisation.

Du côté des suppléments, on trouvera un making of rétrospectif (31 minutes), au cœur duquel le cinéaste reviendra sur son parcours à l’école de cinéma de Lodz, ses courts-métrages, puis plus précisément sur le projet Le couteau dans l’eau, d’abord refusé, puis finalement accepté. Polanski reviendra ensuite sur le tournage du film, avec ses acteurs principaux Zygmunt Malanowicz et Leon Niemczyk et Andrzej Kostenko, assistant réalisateur. Ils reviendront entre autres sur les difficultés rencontrées par l’équipe afin d’obtenir des réactions justes de la part de Jolanta Umecka, actrice non professionnelle vis à vis de qui les joyeux vieillards reconnaissent avoir été assez durs.

On terminera le tour des suppléments avec trois courts-métrages de Roman Polanski, proposés en Haute-Définition : on commencera avec le très court Rire de toutes ses dents (1957, 2 minutes), pour enchaîner avec Cassons le bal (1957, 8 minutes) et le très célèbre Deux hommes et une armoire (1958, 15 minutes). A voir à tout prix !

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