Le Cobaye
États-Unis : 1992
Titre original : The Lawnmower Man
Réalisation : Brett Leonard
Scénario : Gimel Everett, Brett Leonard
Acteurs : Jeff Fahey, Pierce Brosnan, Jenny Wright
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h42
Genre : Thriller, Fantastique
Date de sortie cinéma : 22 juillet 1992
Date de sortie DVD/BR : 6 novembre 2024
Un homme simple d’esprit fait l’objet d’une expérience scientifique basée sur la réalité virtuelle. Son intelligence se développe de manière extraordinaire, jusqu’à lui conférer des pouvoirs parapsychologiques. Mais plus l’expérience se prolonge, plus son équilibre mental devient perturbé…
Le film
[3/5]
A l’époque de sa sortie en 1992, Le Cobaye s’était surtout fait connaître pour deux raisons majeures, qui avaient poussé 658.000 français à se déplacer pour le voir en salles. La première était liée au marketing du film, et à l’annonce d’une véritable révolution en termes d’effets spéciaux. Neuf mois après Terminator 2, on était curieux de voir les progrès que feraient ces technologies, et on nous promettait ici l’utilisation révolutionnaire d’images de synthèse absolument incroyables et époustouflantes. Et figurez-vous que, aussi bizarre que cela puisse paraître – dans le sens où nos yeux fonctionnaient tous parfaitement – c’est vrai qu’à l’époque, ces effets spéciaux avaient fait illusion. Un an plus tard cependant, elles seraient définitivement périmées, balayées : Jurassic Park ne tarderait pas à passer par là et à considérablement – et durablement – changer la donne dans le domaine des CGI. La deuxième raison était indiquée en gros en haut de l’affiche du film en 1992 : Le Cobaye était une adaptation de Stephen King. Le film de Brett Leonard prenait en effet pour base La Pastorale, une très courte nouvelle issue de « Danse Macabre », originellement publiée en 1975, qui mettait en scène une société de jardinage un peu particulière, et se terminait sur un homme, Harold Parkette, se faisant déchiqueter par une tondeuse à gazon. Le seul lien entre la nouvelle et le scénario du film était donc une scène en particulier, plutôt située dans son dernier tiers, durant laquelle Harold Parkette (Ray Lykins) subit le même sort.
L’été 1992 fut d’ailleurs assez prolifique pour les amateurs du binoclard du Maine. En effet, deux projets liés à la plume de Stephen King sortirent coup sur coup : Le Cobaye en juillet, qui comme on l’a dit un peu plus haut fonctionna plutôt bien au box-office, et La Nuit déchirée, qui avec 332.000 entrées, marcha un peu moins bien. L’un est formidable, l’autre est un nanar boursouflé dont on s’explique assez mal qu’il ait pu convaincre aussi bien le public de l’époque, que celui d’aujourd’hui, qui le considère à l’occasion comme un « précurseur ». Stephen King ne s’y est d’ailleurs pas trompé : furieux de voir son nom associé à la sortie du Cobaye dans un seul but publicitaire, il a intenté un procès à New Line Cinema afin que son nom soit retiré de tout le matériel promotionnel du film, et le tribunal lui a donné raison, condamnant New Line à lui verser trois millions et demi de dollars pour « usage trompeur et inexact » de son nom. De ce fait, le générique du film ne comporte plus aujourd’hui de trace du nom de Stephen King, et les suppléments présents sur le Blu-ray du film ne le citent pas davantage, faisant référence à lui en l’appelant « l’auteur de la nouvelle originale ». Et il est vrai que dans l’absolu, il semble évident que l’inspiration première de Brett Leonard et Gimel Everett concernant le scénario du Cobaye n’est pas à aller chercher du côté de Stephen King, mais bel et bien de Daniel Keyes, et de son roman « Des fleurs pour Algernon », dans lequel un handicapé mental devient un génie par le biais de la technologie.
Bien entendu, Le Cobaye part dans des directions un peu différentes du roman de Keyes, écrit à la fin des années 50, en y ajoutant une réflexion sur les technologies – alors balbutiantes – tournant autour du concept de réalité virtuelle. Pour le reste, Le Cobaye suit grosso modo les idées de Daniel Keyes en les remettant au goût du jour : Jobe (Jeff Fahey), un gentil simplet qui vit dans une cabane délabrée et gagne sa vie en tondant les jardins du quartier, sous la surveillance sévère du père McKeen (Jeremy Slate), qui le fouette à chaque suspicion de « pensées impures ». Le Professeur Angelo (Pierce Brosnan), qui travaille dans le domaine de la réalité virtuelle et souhaite passer des expériences sur les primates à un sujet humain, propose à Jobe de l’aider à devenir plus intelligent. Après quelques injections de médicaments non autorisés pré-Covid, la transformation de Jobe en un « homme supérieur » deviendra rapidement incontrôlable : ce qui inquiète Angelo et son petit voisin Peter (Austin O’Brien, que l’on verrait l’année suivante dans le rôle de Danny dans Last Action Hero), mais qui semble intéresser fortement les supérieurs du scientifique, une organisation secrète appelée The Shop (en référence à Stephen King, puisque cette organisation gouvernementale apparaissait dans Charlie, Le Fléau ou encore Les Tommyknockers), qui voudrait utiliser la technologie du bon professeur à des fins militaires… Avec le recul, que l’on aime le film ou pas, il faut au moins reconnaître que Brett Leonard et Gimel Everett avaient mis dans le mille concernant l’évolution des technologies de réalité virtuelle / intelligence artificielle, et que trente ans après la sortie du film, beaucoup des « Cyber-gadgets » qu’il nous donne à voir existent aujourd’hui bel et bien. En revanche, les téléphones fixes, qui constituent un élément important de l’intrigue et de son dénouement, n’existent aujourd’hui quasiment plus, et si tous les fixes du monde se mettaient un jour à sonner en même temps, on se demande même si quelqu’un s’en rendrait réellement compte.
Mais ce n’est pas dans ce sens que Le Cobaye s’est avéré un véritable précurseur, mais davantage dans le sens où il a popularisé les CGI à une époque où ceux-ci n’étaient pas encore forcément très au point, et après le film de Brett Leonard, on ne compte plus les films ayant exploité le filon avec des effets absolument ridicules et grotesques qui ont sclérosé une bonne partie du cinéma de genre pendant les années 90, jusqu’à envahir la comédie française (remember Les Anges gardiens ?). Parallèlement, le succès du film entraîna également une calamiteuse vague de films et séries orientées « Cyber » : on pense à Mindwarp (Steve Barnett, 1992), Ghost in the Machine (Rachel Talalay, 1993), Brainscan (John Flynn, 1994), à la série animée Reboot (1994-2001), ou à d’autres films tels que Virtuosity (Brett Leonard, 1995), Johnny Mnemonic (Robert Longo, 1995), Strange Days (Kathryn Bigelow, 1995), Terminal Justice (Rick King ,1996) et, bien entendu, Le Cobaye 2 (Farhad Mann, 1996), qui servit à boucler la boucle avant que la mode du cyber ne soit définitivement récupérée par les Majors avec Matrix en 1999.
Le Blu-ray
[4,5/5]
C’est donc grâce au talent des équipes d’ESC Éditions que l’on a récemment pu redécouvrir – et éventuellement réhabiliter – Le Cobaye sur support Haute Définition, et à l’occasion de la sortie de ce film culte du début des 90’s, l’éditeur a vraiment soigné sa copie, avec une galette qui devraient satisfaire les amoureux du film autant que les maniaques de la technique. La définition est précise, les couleurs riches et bien saturées, les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, certains plans accusent des effets du temps, mais le master est dans l’ensemble d’une stabilité tout à fait étonnante. Côté son, la VF (doublage québécois) nous est proposée dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 tout à fait satisfaisant, mais s’avère nettement surclassée par la VO en DTS-HD Master Audio 5.1, au rendu dynamique, spectaculaire, cartoonesque et sympathique, avec de petits détails sonores parfois étonnants sur les canaux arrière. Les deux mixages sont clairs, propres et bien équilibrés : du très beau travail.
On retrouvera à nouveau la volonté de faire de l’excellente travail de la part d’ESC Éditions dans la section suppléments, absolument passionnante. On commencera par un making of rétrospectif (51 minutes), qui fera énormément d’efforts pour ne pas citer Stephen King. Brett Leonard y évoquera ses souvenirs du film, du fait qu’une scène faisait explicitement référence à la nouvelle d’origine. Aux côté du réalisateur, l’acteur Jeff Fahey, le monteur Alan Baumgarten et les responsables effets spéciaux Michael Deak et Frank Ceglia seront également de la partie. Brett Leonard se souviendra de ses deux acteurs, qui buvaient des portos à 80 dollars le verre, des pelouses peintes en vert à cause de la sécheresse… Jeff Fahey nous révélera avoir utilisé un système de fiches et de codes couleurs pour se repérer dans l’évolution de son personnage, on reviendra sur le décor du labo, le « Shop », les gyroscopes, le montage du film, qui a du être raccourci à cause de New Line, et bien sûr la seule projection test du film dans un quartier noir populaire. On continuera ensuite par une grosse sélection de scènes coupées (28 minutes). L’essentiel d’entre-elles se situent dans la première demi-heure du film, et reviendront sur les relations entre le singe et Jobe, développeront les relations entre les personnages (notamment les voisins). On notera également une intéressante scène impliquant le personnage de Caroline (Colleen Coffey). On terminera enfin par une compilation de scènes animées (4 minutes), une poignée de « Concept arts » (3 minutes), le Storyboard de la scène d’amour en réalité virtuelle (2 minutes) et la traditionnelle bande-annonce.