L’Aventure c’est l’aventure
France, Italie : 1972
Titre original : –
Réalisation : Claude Lelouch
Scénario : Claude Lelouch, Pierre Uytterhoeven
Acteurs : Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Denner
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 2h01
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 3 mai 1972
Date de sortie DVD/BR : 26 mai 2022
Des voyous de la vieille école délaissent leurs méthodes traditionnelles de truands, devenues démodées, afin de se recycler dans les affaires et la politique. Ils se lancent dans de plus rentables kidnappings de stars du show-biz, diplomates et autres leaders suprêmes. Nos malfrats, grands amateurs de spaghettis, parcourent le monde en utilisant les contradictions de l’époque. Ils emportent le magot à chacune de leurs candides entreprises, élevant la maladresse au rang des beaux-arts, et deviennent les spécialistes de « la clarté dans la confusion »…
Le film
[4/5]
L’Aventure c’est l’aventure est l’un des plus gros succès publics de Claude Lelouch. Avec 3,8 millions d’entrées enregistrées en France en 1972, il se place juste derrière Un Homme et une femme – il est d’ailleurs intéressant de noter qu’en l’espace de cinquante ans, le cinéaste ne parviendrait plus jamais par la suite à réunir autant de spectateurs dans les salles.
Plusieurs raisons évidemment tendent à expliquer l’immense succès populaire de L’Aventure c’est l’aventure : la plus évidente réside dans son casting quatre étoiles, réunissant à l’écran quelques-unes des personnalités préférées des français. En tête d’affiche, on citera principalement Lino Ventura et Jacques Brel, qui seraient à nouveau réunis l’année suivante dans L’emmerdeur. Mais on pourrait aussi citer l’apparition de Johnny Hallyday, qui chantait d’ailleurs la fameuse chanson du film.
Mais on pourra sans doute également penser que L’Aventure c’est l’aventure est tombé pile au bon moment, et s’avérait totalement en phase avec le public de l’époque. En effet, quand le film sort sur les écrans début 1972, les grands débats idéologiques nés avec la révolution de mai 1968 sont encore extrêmement vivaces. La période qui suivit mai 1968 fut en effet placée sous le signe de la révolution sexuelle, du Marxisme et du débat d’idées, mené par des intellectuels français tels que Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, Roland Barthes… Politiquement parlant, le regard de bien des penseurs était tourné vers des pays étrangers, de Cuba à la Chine en passant par le Vietnam, la Yougoslavie, le Chili…
Fier représentant d’un cinéma ouvertement populaire, Claude Lelouch choisit avec L’Aventure c’est l’aventure de mettre le doigt sur les multiples contradictions du discours de ces intellectuels enclins à refaire le monde, et de mettre en évidence les discours les plus abscons, voire même les plus absurdes. Et grâce au talent des acteurs, l’ensemble fonctionne plutôt bien : en dépit de quelques longueurs, l’humour fonctionne régulièrement, et de façon efficace. Bien entendu, ces prises de positions anti-intellectuelles véhiculant ce fameux « bon sens » bien de chez nous valurent au film d’être régulièrement considéré comme réactionnaire, voire même poujadiste, mais L’Aventure c’est l’aventure trouva tout de même un écho important du côté des spectateurs.
Et cinquante ans plus tard, on admettra volontiers que le cabotinage des comédiens fonctionne toujours aussi bien ; les petits problèmes de rythme du film sont liés à une intrigue construite comme une succession de vignettes humoristiques ne présentant que rarement un lien entre elles, mais dans l’ensemble, les deux heures de métrage se laissent suivre sans difficulté majeure. L’abattage de Lino Ventura, Aldo Maccione, Jacques Brel, Charles Gérard et Charles Denner fait le djaube, même si les improvisations des uns ou des autres sont inégales et/ou diversement inspirées. Rocambolesque, truffé de saillies mémorables, L’Aventure c’est l’aventure est aujourd’hui surtout connu pour une séquence en particulier, durant laquelle Aldo « la classe » apprend à ses camarades sa façon si particulière de marcher. Une scène totalement improvisée, à laquelle Lino Ventura avait tout d’abord refusé de participer, avant de se laisser convaincre par ses camarades.
Film marqué du sceau de la folie douce et de l’absurde, lorgnant gentiment du côté de la tonalité « anar de droite » propre au cinéma de Michel Audiard, L’Aventure c’est l’aventure s’impose donc au final comme une pépite inclassable au sein de la filmographie de Claude Lelouch : si bien entendu on reconnaît immédiatement le style du cinéaste, ce dernier se sera rarement laissé aller à une telle liberté et à un tel humour – on aime ou on déteste, mais il faut au moins reconnaître qu’avec ce film-là, Lelouch a su parfaitement saisir l’air de son temps.
Le Blu-ray
[4,5/5]
C’est donc Metropolitan Vidéo qui nous propose aujourd’hui de redécouvrir L’Aventure c’est l’aventure sur support Blu-ray, après une première édition épuisée depuis longtemps se revendant à prix d’or sur le marché de l’occasion. La copie Haute-Définition de L’Aventure c’est l’aventure est de superbe tenue, avec un grain cinéma respecté aux petits oignons, et des contrastes finement travaillés. La restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image relativement stable, avec néanmoins quelques fourmillements discrets sur certaines séquences. Le piqué est cela dit d’une très belle précision, tout semble donc réuni pour (re)découvrir ce film « culte » dans les meilleures conditions possibles. Côté son, l’éditeur nous propose le film en DTS-HD Master Audio 2.0 ; le mixage est équilibré, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs. Du très beau travail.
Côté suppléments, Metropolitan nous propose, outre la traditionnelle bande-annonce, de découvrir un reportage d’époque (6 minutes), qui nous permettra de découvrir quelques moments volés sur le tournage de la scène de procès, et donnera la parole à Claude Lelouch, Lino Ventura et Jacques Brel.
On notera par ailleurs que le Blu-ray de L’Aventure c’est l’aventure est proposé dans un joli Digipack trois volets, inséré dans un fourreau cartonné. En plus des suppléments disponibles sur la galette, on trouvera également un fac-similé du dossier consacré au film et de l’entretien avec Claude Lelouch originellement publiés dans le quinzième numéro du Mook « Schnock » (56 pages). Si vous ne connaissiez pas cette revue, fondée en 2011 par Laurence Rémila et Christophe Ernault (également connu des amateurs de rock sous le pseudo Alister), on espère que cet avant-goût vous incitera à vous procurer d’anciens numéros !