La revanche des mortes vivantes
France : 1987
Titre original : –
Réalisation : Pierre B. Reinhard
Scénario : Jean-Claude Roy, Jean-Philippe Berger
Acteurs : Cornélia Wilms, Kathryn Charly, Anthea Wyler
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h22
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 16 septembre 1987
Date de sortie DVD/BR : 10 mars 2019
Sur une route de campagne, en France, un motard suit un camion-citerne transportant du lait et profite de l’arrêt du véhicule pour introduire un produit toxique dans la cuve. Plus tard, dans un village avoisinant, une future mariée s’effondre après avoir bu un verre de lait. Une mort violente que suivent de près celles de deux autres jeunes femmes dans un bar. Point commun reliant les victimes : toutes trois travaillaient dans une usine d’engrais agricoles. Tandis que les soupçons se portent vers son directeur, les trois victimes sortent de leur tombe à la nuit tombée…
Le film
[3,5/5]
La revanche des mortes vivantes est sans conteste l’un des films de genre français les plus célèbres des années 80, avec une poignée d’autres dont la popularité a également explosé en VHS dans la deuxième moitié de la décennie : on pense à des films tels que Les raisins de la mort (Jean Rollin, 1978) et Le lac des morts vivants (Jean Rollin, 1981). Comme dans le cas des deux films de Rollin, on est d’ailleurs en présence d’un film film d’horreur « champêtre », se déroulant dans l’atmosphère bucolique de la campagne française. Un autre élément déterminant peut également relier le cinéma de Jean Rollin à celui de Pierre B. Reinhard : il s’agit bien sûr de la méfiance vis à vis des produits chimiques, et en particulier des pesticides agricoles. En effet, comme dans Les raisins de la mort ou La morte vivante (1982), l’intrigue de La revanche des mortes vivantes met également en scène des zombies créés par la négligence de l’homme, et ramenés à la vie par le biais de déchets toxiques déversés dans la nature. Cette thématique était certes dans l’air du temps dans le cinéma d’horreur de l’époque, en France ou aux États-Unis (avec le fameux Toxic Avenger), mais celle-ci raisonne tout particulièrement trente ans plus tard, alors que les alternatives aux pesticides sont au cœur de tous les débats dans le monde agricole.
La revanche des mortes vivantes est également assez célèbre de nos jours parce qu’il a fait l’objet d’une réédition en DVD au début des années 2000. Contrairement aux films de genre de l’époque signés Raphaël Delpard (La nuit de la mort, Clash) ou Alain Robak (Baby blood, Parano), qui sont arrivés en France en DVD dans des éditions quasi-confidentielles et techniquement peu satisfaisantes, le film de Pierre B. Reinhard avait quant à lui été redécouvert par une nouvelle génération de cinéphiles grâce à Néo Publishing, éditeur très populaire auprès des fantasticophiles il y a une quinzaine d’années, et dont les gérants sont aujourd’hui planqués au Guatemala afin de tenter de se faire oublier, eux et leurs milliers d’euros de dettes. A l’effondrement de la société, les DVD de chez Néo Publishing ont envahi les linéaires des soldeurs (tels que les magasins Noz) et les stocks ont été écoulés pour quelques centimes d’euros le DVD à travers la France. La revanche des mortes vivantes a donc connu une « nouvelle vie » sur le marché de la vidéo, dans une édition DVD qui contenait d’ailleurs quelques suppléments, repris et augmentés sur cette nouvelle édition estampillée Le chat qui fume.
Pour autant, malgré cette célébrité « de façade » ou d’apparence, il semble que La revanche des mortes vivantes soit encore de nos jours bien mal connu, ou du moins loin d’être apprécié à sa juste valeur. Pour vous en convaincre, on vous invite à taper le titre du film sur n’importe quel moteur de recherche sur Internet : les deux premiers résultats qui tomberont seront la page Wikipédia du film, et celle consacrée au film par le site Nanarland. Premier constat : la page Wikipédia classe le long-métrage de Pierre B. Reinhard dans la catégorie « Film pornographique/Horreur ». Monumentale erreur d’appréciation : La revanche des mortes vivantes ne contient en effet absolument aucune scène explicite ou pornographique. Cette erreur est probablement liée au fait qu’avant de tourner son film d’horreur, le réalisateur s’était consacré pendant une dizaine d’années au cinéma porno, tournant des films à la pelle aux titres tous plus surréalistes et hilarants les uns que les autres : citons par exemple Laisse tomber ta culotte (1982), La voisine est à dépuceler (1983), Bien au fond du petit trou (1984), Petits Trous déchirés, salopes par-derrière (1985) ou encore (attention titre à rallonge) Outrages transsexuels des petites filles violées et sodomisées (1985). Point de sodomie cependant dans La revanche des mortes vivantes, qui s’avère un petit film d’horreur contenant certes quelques scènes de nudité, mais pas de sexe explicite. L’autre grande méprise tournant autour du film est sans doute en partie liée à Nanarland, et s’avère très largement répandue de nos jours : le film de Pierre B. Reinhard serait un « nanar », l’un de ces films qu’il est de bon ton de regarder avec une bande de potes en se gaussant largement de tel ou tel défaut (mise en scène, effets spéciaux, jeu des acteurs…). Le problème avec cet état d’esprit malheureusement, c’est qu’on pourrait à priori l’étendre à l’ensemble du cinéma « bis » des années 70/80 : il contribue de fait à cette ambiance de mépris généralisé que l’on peut ressentir vis à vis du cinéma de genre depuis de nombreuses années. On ajoutera d’ailleurs que dans l’absolu, comme tout un chacun peut être considéré comme le ringard, le beauf voire même le « connard » de quelqu’un, chaque film peut en fait être considéré comme un « nanar » par quelqu’un, que l’on parle de Stanley Kubrick, de Terrence Malick ou de Pierre B. Reinhard. Sauf que dans le cas de La revanche des mortes vivantes, il existe une espèce de consensus, comme s’il était autorisé, voire recommandé, de se moquer du film, à la manière des films de Philippe Clair ou de Max Pécas. Un consensus moisi, duquel émanent de vieilles odeurs rances de mépris de genre.
Alors bien sûr, La revanche des mortes vivantes n’est certainement pas un film parfait. Mais il demeure un excellent divertissement horrifique, dans la droite lignée des productions Eurociné qui inondaient le marché de l’horreur quelques années auparavant. Alors qu’importe finalement si le générique de début n’a pas été relu (on peut y lire quelques coquilles : « dialouges », « concetpion »…), qu’importe si le film comporte certes quelques petits problèmes de continuité, qu’importe si le jeu des acteurs est limité, qu’importe si naturellement, le film a des défauts : il s’agit au final d’une excellente série B, qui a d’ailleurs le mérite de proposer un « twist » en fin de métrage qui s’avère assez imprévisible. De plus, si certains observateurs ont relevé une certaine laideur au niveau de la photo, on peut dire aujourd’hui que le master utilisé par Le chat qui fume contribue à rendre ses lettres de noblesse à La revanche des mortes vivantes : l’upgrade par rapport à l’édition DVD est sans précédent, nous permettant de découvrir une photo soignée, quelques très jolis plans, conçus avec un sens du cadre remarquable (voir les captures incluses dans ce test). Et bien sûr, il y a les effets spéciaux, avec une série d’effets gore assez dégueulasses et très réussis : impossible de ne pas hausser le sourcil à la découverte de la scène dite « de l’œil crevé », ou devant celle de l’éviscération/émasculation dans le cimetière, celle de l’épée enfoncée dans la schneck ou encore celle, bien gerbante – et annonciatrice de Baby blood – de l’accouchement dans le sang. Du bon gros gore qui tache pour un film comptant comme l’un des premiers du genre, si ce n’est le tout premier.
On notera par ailleurs que le carton de fin qui annonce « Ne soyez pas démoniaques, ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film, ne leur racontez pas ce que vous avez vu ! » est une référence explicite à celui qui fermait Les diaboliques (Henri-Georges Clouzot, 1955).
Le Combo Blu-ray + DVD + CD
[5/5]
Le chat qui fume a donc récemment pris l’excellente initiative de restaurer et proposer sur support Haute Définition ce petit classique du gore made in France, dans une édition qui devrait permettre sa réhabilitation totale et faire cesser les quolibets. On salue donc bien bas cette initiative inattendue et courageuse ainsi que l’effort éditorial proposé ici, qui nous permet d’enfin revoir le film dans des conditions de visionnage que l’on pourra sans trop de peine qualifier d’optimales. Le film est par ailleurs proposé dans un superbe coffret Digipack 3 volets, rempli à craquer puisqu’il s’agit d’une édition Combo Blu-ray + DVD + CD. La maquette est sublime, et comme d’habitude signée Frédéric Domont : un bel objet de collection qui tiendra une place de choix sur vos étagères – d’autant qu’il s’agit d’une édition limitée à 1000 exemplaires.
Côté image à proprement parler, La revanche des mortes vivantes retrouve toute sa superbe en Haute Définition : le master affiche une forme insolente, avec un beau piqué et une gestion des couleurs et des contrastes rendant justice au travail du directeur photo Henry Frogers. Le grain cinéma est préservé, et se fera tout particulièrement remarquer durant les nombreuses séquences nocturnes ou en basse lumière. Côté son, la version est encodée en DTS-HD Master Audio 2.0 et s’avère parfaitement claire et équilibrée.
Côté bonus, l’éditeur nous propose comme à son habitude une galette bien remplie, avec tout d’abord le CD de la bande-originale du film, signée Christopher Ried (42 minutes). Alors bon voilà, on n’est pas experts en musicologie, mais la b.o du film, très marquée années 80, est tout à fait agréable, angoissante à souhait, et accompagnera de façon originale vos soirées en famille ou entre amis (ou vos trajets en voiture). En plus de ça, on trouvera au cœur du coffret un insert contenant un petit texte de Christophe Lemaire dans lequel il partage sa nostalgie des salles pour adultes et revient sur une interview vintage de Pierre B. Reinhard.
Et pour ce qui est des suppléments plus « traditionnels », on commencera avec un entretien avec Pierre B. Reinhard (« La revanche de Pierre B. Reinhard », 26 minutes, HD). Ce dernier reviendra rapidement sur son parcours dans le cinéma pour grands garçons, avant d’évoquer la genèse du film et la façon dont il est arrivé sur le projet. Il notera sa découverte des contraintes d’un tournage traditionnel, l’emploi du temps et le budget serré l’ayant obligé à se montrer plus rigoureux que sur ses films précédents. Il avouera également ne pas être très fan de cinéma d’horreur (« je préfère les péplums ou les gros blockbusters » déclare-t-il), livrera une série d’anecdotes – par exemple qu’il s’était mis à neiger dans la Sarthe au moment du tournage – pour terminer avec un mot sur le travail de Benoît Lestang, sur le passage du film devant la commission de censure et sur le phénomène « vidéo » né dans les années 80, qui a tué le X et le cinéma en général.
On continuera ensuite avec un supplément hérité de l’édition DVD : il s’agit d’un intéressant entretien avec le responsable des effets spéciaux Benoît Lestang et le producteur Jean-Claude Roy (« Retour sur la revanche », 17 minutes). Les deux lascars plaisantent énormément – le regretté Benoît Lestang avait visiblement beaucoup d’humour – mais on y apprendra tout de même pas mal d’anecdotes : notamment que le producteur et le responsable des effets se sont rencontrés par l’intermédiaire de Jean Rollin, avec qui Lestang avait travaillé sur La morte vivante, que ce dernier n’avait pu fabriquer qu’une seule main de latex, et que le film avait réalisé environ 200.000 entrées en France, avec seulement vingt copies (voilà qui paraît difficilement vérifiable aujourd’hui).
Le supplément suivant sera un entretien avec Christophe Lemaire au cœur duquel il rendra un bel hommage à Benoît Lestang (« Benoît Lestang par Christophe Lemaire », 33 minutes, HD). Le critique reviendra sur son amitié avec le maquilleur, qu’il a rencontré en 1981. Cet entretien sera l’occasion pour Christophe Lemaire de nous montrer le moule de son visage qu’avait fait Lestang au début des années 80, à des fins d’expérimentations en effets spéciaux. Il évoquera ensuite la trajectoire de Benoît Lestang dans les effets spéciaux, de son expérience sur les petits films de genre à la française jusqu’à la 42ème rue de Brain damage (Frank Henenlotter, 1988). La plus grande partie de l’entretien reviendra sur l’amitié qui liait Lestang aux divers membres de la revue Starfix, puis à Pascal Laugier. En complément, on trouvera un entretien avec Benoît Lestang datant de 2008 (15 minutes) dans lequel ce dernier nous propose de visiter son atelier et évoque quelques techniques utilisées dans son Art, ses débuts dans le cinéma, etc. Il revient également sur ses doutes concernant le « tout numérique » et sur les films proposant des maquillages intégralement conçus sur ordinateur (sur Pirates des Caraïbes : Le secret du coffre maudit en particulier).
On trouvera également un amusant sujet consacré à l’enregistrement de la présentation du film par Jean-Claude Roy et Benoît Lestang, destiné à la diffusion sur CinéFX (4 minutes). Un petit bêtisier nous donnant l’occasion de constater à quel point le producteur pouvait manquer de patience ! On terminera avec une poignée de bandes-annonces de films édités par Le chat qui fume : Maniac, La rose écorchée et La saignée.
Pour vous procurer cette édition indispensable, rendez-vous sur le site de l’éditeur Le chat qui fume !