Test Blu-ray : La Résidence

0
262

La Résidence

Espagne : 1969
Titre original : La Residencia
Réalisation : Narciso Ibáñez-Serrador
Scénario : Narciso Ibáñez-Serrador
Acteurs : Lilli Palmer, Cristina Galbó, John Moulder-Brown
Éditeur : Sidonis Calysta
Genre : Horreur
Durée : 1h45
Date de sortie cinéma : 9 août 1972
Date de sortie DVD/BR : 11 avril 2025

Le Sud de la France, un pensionnat de filles comme il en existait autrefois tant. Nouvelle dans l’établissement, la timide Teresa réagit mal à l’atmosphère mortifère qui y règne et à la discipline de fer qu’applique sa directrice, la rigide Mme Fourneau dont toute l’affection va à son fils en dépit d’une fâcheuse tendance au voyeurisme. Tandis que les châtiments corporels redoublent d’intensité, une pensionnaire disparaît, puis une deuxième… Des fugues ? Possible, mais c’est bientôt la thèse du tueur qui domine…

Le film

[5/5]

On le sait finalement assez peu, mais Narciso Ibáñez Serrador, le réalisateur espagnol « culte » à qui l’on doit les chefs d’œuvres La Résidence et Les Révoltés de l’An 2000, n’a réalisé que deux longs-métrages de cinéma. En effet, tout le reste de sa carrière fut tournée vers le petit écran : il est par exemple le créateur de la série Historias para no dormir, qui l’occupa entre 1966 et 1968, puis revint pour une ultime saison en 1982, avant de se voir « rebootée » en 2021 par Amazon Prime et la RTVE.

Après la sortie au format Blu-ray des Révoltés de l’An 2000 il y a quelques années, c’est aujourd’hui à « l’autre » grand film de Narciso Ibáñez Serrador de sortir en France en Haute-Définition : une excellente nouvelle si l’on considère que La Résidence n’était jusqu’ici sorti qu’en DVD, sous la bannière de René Chateau Vidéo, et qu’un upgrade technique du film semblait aujourd’hui absolument indispensable, voire salutaire.

Car n’ayons pas peur des mots, La Résidence est un chef d’œuvre absolu, qui s’impose comme le chaînon manquant entre le cinéma d’Alfred Hitchcock et celui de Dario Argento. En effet, aussi bien d’un point de vue formel que dans ses mécanismes narratifs, le film de Narciso Ibáñez Serrador est tout à la fois un héritier de la vague de whodunits britanniques dérivés de Psychose – au cœur desquels la folie et les fantômes d’un passé trouble ne sont jamais très loin – et un précurseur du Giallo italien, le film de Serrador semblant en particulier avoir très nettement influencé Dario Argento pour son merveilleux Suspiria (1977).

Tout comme le chef-d’œuvre de Dario Argento, La Résidence commence donc par l’arrivée d’une jeune femme, Teresa (Cristina Galbó), dans une école / pension de famille dirigée d’une main de fer par la directrice Mme Fourneau (Lilli Palmer). L’histoire se déroule au XIXe siècle, dans une atmosphère très proche de celle développée par les films de la Hammer à la même époque, si ce n’est que le pensionnat un peu particulier intégré par Teresa est destiné aux « filles à problèmes » – on entend par là qu’elle s’apparente sans doute davantage à une maison de redressement qu’à une école traditionnelle. D’ailleurs, la sévérité de Mme Fourneau et sa nette inclinaison à privilégier les châtiments corporels tendrait presque à inscrire le film dans le genre du « Women in Prison ».

Mais le cœur de La Résidence se situe dans la relation trouble qu’entretient Mme Fourneau avec son fils Luis (John Moulder-Brown), un adolescent aux tendances voyeuristes, qui ajoute à cette œuvre étonnamment complexe une dynamique émotionnelle supplémentaire assez tordue et fascinante. Le récit, mené de façon quasi « hitchcockienne » par Narciso Ibáñez Serrador, est d’une finesse remarquable, et fonctionne en crescendo jusqu’à un inoubliable climax Grand-Guignolesque, qui place finalement La Résidence davantage dans le domaine de l’horreur que dans celui du drame psychologique teinté de mystère.

Novateur et vénéneux, le film de Narciso Ibáñez Serrador utilise de façon extrêmement habile le décor de cette vaste demeure isolée, et même si les scènes de meurtres sont finalement peu nombreuses et relativement espacées, La Résidence fonctionne toujours aussi bien plus de cinquante ans après sa sortie dans les salles. Le cinéaste privilégie en effet l’atmosphère aux effets choc, et les thématiques abordées par le film (corruption / contrôle) lui confèrent une personnalité absolument incontournable.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Disponible chez Sidonis Calysta depuis une dizaine de jours, La Résidence s’offre donc un lifting Haute-Définition sur galette Blu-ray qui s’avérait très attendu par les fans du film, qui ne disposaient jusqu’ici que du DVD édité par René Chateau il y a de nombreuses années. Et aussi bien côté image que côté son, la déception n’est pas à l’ordre du jour : le master restauré 2K que nous propose aujourd’hui l’éditeur est en effet d’excellente tenue. Le film est proposé au format Scope respecté, en version intégrale et encodé en 1080p. Le grain d’origine a été préservé, et l’ensemble nous permet de (re)découvrir le film dans des conditions chaudement recommandables. Côté son, le mixage audio est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 d’origine, VF et VO étant tout à fait claires et sans souffle. Du beau travail.

Côté suppléments, l’éditeur nous propose tout d’abord une présentation du film par Antonio Lázaro-Reboll, spécialiste du film d’horreur espagnol (20 minutes). L’intervenant nous donne un aperçu clair et concis de l’histoire du cinéma d’horreur espagnol, et fournit des informations intéressantes sur la carrière de Narciso Ibáñez Serrador (son travail à la télévision, ses collaborateurs réguliers…), qui lui permettent de dresser un parallèle entre La Résidence et la situation politique de son pays à la fin des années 60. On continuera ensuite avec un entretien avec Juan Tébar (9 minutes), auteur de la nouvelle adaptée par le film. Il y revient sur ses influences (Dickens, Hitchcock), sur sa collaboration avec Narciso Ibáñez Serrador sur la série Historias para no dormir et sur La Résidence, et évoque la pérennité du film.

On enchaînera ensuite par un entretien avec l’acteur John Moulder-Brown (24 minutes), qui interprète Luis dans le film. Il revient sur le processus de casting, sur le fait qu’il n’était à l’époque pas très familier avec l’horreur, ni plus largement avec le métier d’acteur ou avec la logistique qu’implique un tournage de cinéma. Il évoque également la complexité de son personnage, de sa relation avec sa mère, et du tournage de certaines scènes, et du fait qu’il était secrètement amoureux de l’actrice Cristina Galbó. Attention, cet entretien contient des #Spoilers, et devra seulement être visionné après avoir vu le film, de la même façon que l’entretien avec l’actrice Mary Maude (12 minutes), qui évoque le casting, l’intrigue et la fin du film. Elle parle également de sa collaboration avec Ibáñez Serrador et de son apprentissage de l’espagnol sur le plateau.

Pour terminer, on se penchera sur un entretien avec Alejandro Ibáñez, fils du réalisateur (14 minutes). Il revient sur la carrière de son père, sur leur relation ou encore sur l’importance de ses deux films de cinéma, qui ont ouvert la voie aux cinéastes de genre espagnols de la nouvelle génération comme Paco Plaza, Jaume Balagueró et Álex de la Iglesia. Il souligne également le fait que la série Historias para no dormir, tout en étant elle-même très influencée par La Quatrième Dimension, préfigurait avec plusieurs années d’avance une série telle que Black Mirror. On notera également la présence d’une poignée de scènes coupées (6 minutes), de deux bandes-annonces du film et d’un livret de 56 pages intégré au boîtier du film consacré à Narciso Ibáñez-Serrador.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici