La Possédée du lac
Italie : 1965
Titre original : La Donna del lago
Réalisation : Luigi Bazzoni, Franco Rossellini
Scénario : Luigi Bazzoni, Franco Rossellini, Giulio Questi
Acteurs : Peter Baldwin, Salvo Randone, Valentina Cortese
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h25
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 25 novembre 1966
Date de sortie BR/DVD : 20 septembre 2022
Écrivain en manque d’inspiration, Bernard va passer un séjour dans un hôtel de montagne du nord de l’Italie. Il espère aussi y retrouver Tilde, la femme de chambre dont il est tombé amoureux lors de son précédent séjour. Une fois sur place, il apprend que celle-ci s’est suicidée, et repose dans le cimetière près du lac. Mais les allusions des villageois et surtout la discussion avec un photographe va le porter à croire qu’elle aurait été assassinée…
Le film
[3,5/5]
La Possédée du lac est un film inclassable. Il s’agit d’un film sophistiqué, tourné dans un noir et blanc très évocateur et contrasté, qui évoque une espèce de longue flânerie morbide, philosophique et poétique, flirtant doucement avec le fantastique. Le fait qu’il emprunte quelques-uns de ses codes au film de mystère – et plus précisément au Whodunit – et qu’il soit postérieur de deux ans à La Fille qui en savait trop (Mario Bava, 1963) a également entretenu au fil des ans une espèce de filiation spirituelle entre La Possédée du lac et le genre Giallo. Pour autant, il parait un peu difficile de comparer le film de Luigi Bazzoni et Franco Rossellini au cinéma de Dario Argento par exemple, qui développe dans son œuvre un côté fantasmagorique aux proportions presque psychédéliques à côté desquelles le film qui nous intéresse aujourd’hui apparaitra comme bien trop classique et sage, cultivant finalement autant de points communs avec le Giallo qu’avec le cinéma d’Antonioni.
Pour autant, La Possédée du lac n’est pas non plus si éloigné d’une certaine atmosphère fantasique : le film cultive en effet le mystère autour de la disparition d’une jeune femme, émettant la possibilité d’un meurtre. Les apparitions de ladite jeune femme auprès du héros flirtent clairement avec l’histoire de fantômes, et l’ensemble prend souvent des aspects de rêve éveillé, voire même de véritable cauchemar, émaillé d’événements et de personnages bizarres. Etrangement peu connu en France, La Possédée du lac est donc un film co-réalisé par Luigi Bazzoni, connu pour Journée noire pour un bélier, et Franco Rossellini, neveu de Roberto et fils du compositeur Renzo, qui en a d’ailleurs signé la bande originale. La cousine du réalisateur, Pia Lindström (la fille d’Ingrid Bergman), joue également dans le film, ce qui fait au final de La Possédée du lac une espèce d’affaire de famille.
En apparence, La Possédée du lac nous propose une intrigue assez simple, mais l’ambiance quasi-hallucinatoire qui baigne une grande partie du film fait clairement son effet. Et alors que le spectateur suivra Mr Bernard, écrivain de son état (Peter Baldwin), dans sa recherche désespérée d’un amour perdu (Tilde, incarnée à l’écran par Virna Lisi), tous les repères spatio-temporels habituellement de mise se verront chamboulés, au point que l’on ne soit jamais réellement sûr du moment où les choses se passent, ni même si des choses se passent réellement, ou si les différents rebondissements de l’histoire ne sont pas simplement imaginés par le personnage principal.
Les personnages secondaires amènent également leur lot d’interrogations, et en particulier Mr Enrico (Salvo Randone), le propriétaire de l’hôtel où séjourne le héros, et sa fille Irma (Valentina Cortese). Pour autant, c’est réellement par son ambiance que La Possédée du lac se distingue le plus. Comme dans le cas d’autres films d’atmosphère tels que The Wicker Man (Robin Hardy, 1973), le film de Luigi Bazzoni et Franco Rossellini joue beaucoup sur la peur et l’isolement de « l’étranger » se retrouvant dans un endroit reculé du monde où tous les habitants semblent un peu bizarres. Le contraste entre ce qui nous est montré et ce que l’on ressent est absolument remarquable, et contribue à faire de La Possédée du lac un long-métrage souvent inquiétant, même s’il n’est jamais véritablement effrayant dans le sens traditionnel du terme.
Le Combo Blu-ray + DVD
[5/5]
C’est grâce à Artus Films que le cinéphile français aura le plaisir de découvrir La Possédée du lac au format Blu-ray, et l’éditeur offre au film de Luigi Bazzoni et Franco Rossellini une galette Blu-ray tout à fait enthousiasmante. Définition, piqué, niveau de détail, profondeur de champ, tout est très satisfaisant, le noir et blanc en impose, le film est bien encodé en 1080p et le grain cinéma a été scrupuleusement respecté : c’est du très beau travail technique. Côté son, la bande-son est proposée en italien LPCM Audio 2.0, en mono d’origine évidemment, et l’ensemble s’avère bien équilibré et débarrassé de toutes les scories que l’on aurait pu craindre. Une belle présentation technique, pour un Blu-ray nous arrivant d’ailleurs comme d’habitude dans un joli Combo présenté dans un digipack deux volets, le tout étant surmonté d’un fourreau cartonné.
Du côté des suppléments, l’éditeur Artus Films nous proposera tout d’abord une intéressante présentation du film par Emmanuel Le Gagne (31 minutes). Il reviendra dans un premier temps sur la carrière de Luigi Bazzoni, puis l’importance des scénaristes (dont Giulio Questi), les acteurs et le roman dont est tiré le film. Il évoquera par la suite le film en lui-même, ainsi que ses partis-pris esthétiques les plus remarquable, qui font de La Possédée du lac le point de rencontre entre les cinémas de Dario Argento et de Michelangelo Antonioni. On continuera ensuite avec un making of rétrospectif (35 minutes), qui prendra la forme d’entretiens croisés avec Fabio Melelli (historien du cinéma), Giulio Questi (scénariste) et Giannetto de Rossi (maquilleur). Les souvenirs de Giulio Questi (1924-2014) et Giannetto de Rossi (1942-2021) seront donc entrecoupés de passages durant lesquels Fabio Melelli analysera le contexte, les conditions de tournage et les aspects les plus formels du film. On aura également droit à un sympathique court-métrage intitulé En surface (27 minutes), entretenant un lointain rapport avec La Possédée du lac. Produit par l’IUT de Béziers, et coréalisé par Léo Colomina et Gabriel Cocus, ce petit film met en scène un vieux pêcheur et ses petits-enfants confrontés à une horrible sirène. Enfin, on terminera avec une galerie de photos ainsi qu’avec la traditionnelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition Blu-ray + DVD, rendez-vous sur le site de l’éditeur Artus Films !