La Mort caresse à minuit
Italie, Espagne : 1972
Titre original : La Morte accarezza a mezzanotte
Réalisation : Luciano Ercoli
Scénario : Sergio Corbucci, Ernesto Gastaldi
Acteurs : Nieves Navarro, Simón Andreu, Peter Martell
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h42
Genre : Thriller, Giallo
Date de sortie cinéma : 16 octobre 1974
Date de sortie BR/DVD : 5 avril 2022
Valentina, jeune et belle top model, essaye une nouvelle drogue expérimentale sous surveillance médicale, la HDS, drogue euphorisante et hallucinogène. Au cours de la nuit, elle assiste à un meurtre horrible, perpétré dans l’immeuble voisin par un tueur au gant d’acier pointé. Le lendemain, la jeune femme est persuadée que ce qu’elle a vu n’est pas le seul fruit de son délire. Elle va chercher ce qui s’est passé…
Le film
[4/5]
Les voies de l’édition vidéo sont impénétrables. S’il nous faut parfois attendre des mois avant de pouvoir se repaître de petits délices « Bis » transalpins en Blu-ray ou DVD, en ce début avril, il semble que les éditeurs français se soient donnés le mot, et aient décidé de combler de joie les amateurs de thriller italien. Ainsi, grâce aux efforts conjoints de Sidonis Calysta, Le Chat qui fume et Artus Films, on est aujourd’hui en mesure d’ouvrir notre « Semaine du Giallo » : tous les matins jusqu’à vendredi, vous trouverez le test Blu-ray d’un nouveau représentant du Giallo, genre très prolifique en Italie tout au long des années 70.
Dans le cas où vous seriez totalement étranger au genre, la page de vulgarisation Wikipédia consacrée au Giallo nous explique qu’il s’agit d’un « genre de film d’exploitation italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d’horreur et de l’érotisme (…) Les films de ce type sont caractérisés par de grandes scènes de meurtres excessivement sanglantes, un jeu de caméra très stylisé et une musique inhabituelle (…). Ces films mettent en avant la violence sadique et brutale, l’érotisme. La forme primitive de ce cinéma est l’image d’une femme, seule chez elle et qui a peur ».
On ajoutera à cela que mis à part une volonté régulière de mettre en scène une bourgeoisie décadente commettant des actes criminels en toute impunité, le Giallo se tient globalement à distance des prises de position politiques nettes et engagées des films italiens de la même époque, et qu’il développe souvent des atmosphères baroques et morbides, qui traduisent peut-être le poids de cette bonne vieille culpabilité catholique.
Semaine du Giallo, Jour #3 – La Mort caresse à minuit
Si beaucoup des amoureux du genre Giallo vouent un amour sans borne à Mario Bava et Dario Argento, toi-même tu sais qu’énormément de réalisateurs intéressants ont apporté leur contribution au genre tout au long des années 70. Une brique après l’autre, ces films ont permis au Giallo de s’enrichir assez considérablement, jusqu’à devenir l’un des genres les plus populaires auprès des amateurs de cinéma fantastique. Le premier Giallo qui nous est proposé ce mois-ci par Artus Films est signé Luciano Ercoli, et affiche un titre particulièrement poétique, La Mort caresse à minuit.
Et dès les premières minutes de La Mort caresse à minuit, on comprendra que le film de Luciano Ercoli s’inscrit dans le sillage de L’Oiseau au plumage de cristal, dans le sens où la séquence d’introduction nous propose, d’entrée de jeu, de nous plonger dans une ambiance fantastique, à base de visions provoquées par la drogue, et s’imposant donc d’entrée de jeu comme flirtant avec la préscience et le paranormal. De fait, tout en s’appuyant toujours assez solidement sur des éléments formels et narratifs hérités de réalisateurs emblématiques tels qu’Alfred Hitchcock, Lucio Ercoli parvient à donner à son film une identité à part, faisant de La mort caresse à minuit un film combinant l’élégance, le fantastique, mais également un certain humour, inhabituel dans le petit monde du Giallo, mais bien présent ici et régulièrement efficace.
Mais le plus étrange La Mort caresse à minuit est vraiment que les éléments formels récurrents du Giallo sont ici mariés à une histoire conservant tout du long un aspect « hallucinatoire » très fort, poussé jusqu’à un point tel qui pourra rappeler certains « stoner movies » américains de la fin des années 60 tels que The Trip (Roger Corman, 1967) ou Psych-Out (Richard Rush, 1968). De fait, le film de Luciano Ercoli flirte souvent avec le surréalisme, la folie, et même les deux en même temps, si l’on pense à cette séquence prenant place dans un asile de fous voyant déambuler l’héroïne, Valentina (Nieves Navarro), au milieu de personnages joyeux aux comportements erratiques.
Certains aspects du film sont d’ailleurs assez drôles, dans ce qu’ils racontent des personnages que l’on voit évoluer à l’écran. Ainsi, dès le début du film, la naïveté du personnage de Valentina pourra nous paraître assez flagrante lorsqu’elle accepte de se faire injecter un hallucinogène puissant dans le cadre d’un article de presse rédigé par son ami Giò Baldi (Simon Andreu). Ce dernier lui garantit de conserver son anonymat grâce à un masque couvrant ses yeux, mais personne n’est dupe, et surtout pas le spectateur, puisque le mur de son appartement est orné d’une gigantesque photo de son visage ! Cela dit, et malgré les lacunes logiques du récit, La Mort caresse à minuit reste un vrai plaisir de cinéma, imprévisible et vraiment stylé d’un point de vue visuel, en plus d’être assez gratiné en termes de violence graphique et de gore. Du côté du scénario, malgré les outrances émaillant le récit, Ernesto Gastaldi nous offre une histoire bien ficelée qui s’achève sur un final particulièrement chtarbé et unique en son genre.
On notera par ailleurs que les photos du film circulant depuis des années dans les magazines dédiés au cinéma de genre – et en particulier celles nous donnant à voir le visage d’une femme matraqué par un énorme gant de fer couvert de pointes acérées – ont également contribué à faire de La Mort caresse à minuit un film affichant un gros potentiel fantasmatique pour les cinéphiles qui n’avaient jusqu’ici pas eu l’occasion de le voir. D’une façon assez inhabituelle pour être signalée, la découverte du film de Luciano Ercoli, même avec cinquante ans de décalage par rapport à sa sortie en salles, n’aura rien de décevant tant le film s’avère outrancièrement singulier, déviant, barge et vraiment attachant.
Le coffret Blu-ray + DVD
[4,5/5]
On ne se lasse décidément pas de clamer haut et fort tout le bien que l’on pense des petits gars de chez Artus Films, un des éditeurs vidéo les plus passionnants en France. Ainsi, et même s’il est occasionnellement la cible de quelques maniaques du pixel sur des forums déconnectés de la réalité du marché de la vidéo physique dans l’hexagone, Artus Films poursuit son petit bonhomme de chemin, ravissant régulièrement les fans de cinéma de genre par le biais d’éditions complètes et soignées de films-cultes très attendus des cinéphiles. C’est d’autant plus le cas qu’Artus prend toujours grand soin de proposer au consommateur des Combos Blu-ray + DVD qui sont autant de « beaux objets », propres à fasciner les collectionneurs. A ce titre, et comme d’habitude, le packaging de l’édition combo Blu-ray + DVD de La Mort caresse à minuit est probablement ce qui se fait de mieux dans l’hexagone en matière de soin éditorial apporté à un coffret. Cette édition s’affiche donc dans un beau digipack deux volets surmonté d’un étui cartonné, pour une édition collector de grande classe que l’on sera très fier de voir trôner sur nos étagères.
Techniquement, l’éditeur n’est pas en reste puisque les transferts, qu’il s’agisse du Blu-ray ou du DVD, s’avèrent vraiment de toute beauté, composant habilement avec les limites de chaque support. Coté Blu-ray, le travail de remasterisation effectué sur La Mort caresse à minuit s’avère réellement impressionnant : le film s’impose avec faste et élégance, dans des conditions complètement inédites. La granulation d’origine a été préservée, le niveau de détail et la profondeur de l’image sont excellents, en particulier sur les scènes tournées en lumière naturelle. Le piqué est d’une précision étonnante, et les gros plans sont particulièrement payants à ce niveau ; les contrastes sont stables tout au long du film, et les couleurs sont éclatantes. Côté son, VF et VO italienne sont encodées en LPCM Audio 2.0 et font le boulot sans problème, avec des dialogues – et des cris – toujours parfaitement clairs et distincts. Le doublage français d’époque est assez savoureux ; le film étant proposé en version intégrale, certains courts passages seront automatiquement proposés en VO. Un grand coup de chapeau à l’éditeur.
Comme à son habitude, Artus Films a tout particulièrement soigné sa section suppléments, puisqu’en plus de la traditionnelle galerie de photos et des bandes-annonces de la Collection Giallo, l’éditeur nous propose une présentation du film par Emmanuel Le Gagne (27 minutes). Il reviendra dans un premier temps sur la carrière de Luciano Ercoli, avant de s’attarder rapidement sur le casting du film, qui est constitué de la « famille » que s’était constituée le cinéaste autour de Susan Scott, alias Nieves Navarro, son épouse. Il évoquera également la carrière du scénariste du film, Ernesto Gastaldi, avant d’embrayer sur le film à proprement parler, et notamment sur les aspects les plus humoristiques de La Mort caresse à minuit, qu’il élargit d’ailleurs à un certain nombre de Gialli. On trouvera également le générique français du film. Pour vous procurer cette édition Blu-ray + DVD, rendez-vous sur le site de l’éditeur !
Note : Les amoureux de la carrière de Luciano Ercoli seront ravis d’apprendre que Photos interdites d’une bourgeoise (Le foto proibite di una signora per bene, 1970) sera prochainement disponible au format Blu-ray chez Le Chat qui fume. On espère que Nuits d’amour et d’épouvante, également connu sous le titre La Mort marche à talons hauts (La morte cammina con i tacchi alti), connaîtra lui aussi prochainement les joies d’une édition Blu-ray en France.