La Manière forte
États-Unis : 1991
Titre original : The Hard way
Réalisation : John Badham
Scénario : Lem Dobbs, Michael Kozoll, Daniel Pyne
Interprètes : Michael J. Fox, James Woods, Annabella Sciorra
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h51
Genre : Action, Comédie
Date de sortie cinéma : 10 juillet 1991
Date de sortie DVD/BR : 7 avril 2021
L’acteur hollywoodien Nick Lang rêve de jouer le rôle d’un policier cynique et coriace. Afin de s’y préparer, il décide de passer du temps avec un vrai flic. Pendant quelques semaines, il va arpenter les rues de New York, aux côtés de l’inspecteur John Moss…
Le film
[3,5/5]
1990 : John « Badaboum » Badham réalise Comme un oiseau sur la branche. Avec 140 millions de dollars au box-office et presque 800.000 entrées en France, ce film d’action est un immense succès dans le monde entier. Bien plus novateur qu’il n’y paraissait à priori (lire notre article), le film mettant en scène Mel Gibson et Goldie Hawn utilisait certes quelques ficelles classiques du genre (en mettant par exemple en son centre un duo improbable et antinomique) mais y ajoutait une très inhabituelle dimension « romantique », alliée à une décontraction post-moderne qui marquait probablement les premiers signes de déclin du genre, qui se verrait par la suite totalement déconstruit par John McTiernan avec Last Action Hero (1994).
Il est ainsi finalement assez surprenant de voir le grand Badaboum Badham, tout juste auréolé de la réussite absolue de Comme un oiseau sur la branche, revenir avec La manière forte à ce qui apparaît au départ comme un très classique « buddy movie ». La faute peut-être à un trio de scénaristes beaucoup plus habitué à un cinéma d’action sous sa forme la plus classique ? La faute peut-être aussi à un duo d’acteurs incarnant pile-poil à l’écran ce que l’on attendait d’eux, à savoir le petit malin (Michael J. Fox) et le flic badass toujours vénère (James Woods) ? La faute à pas de chance aussi sans doute, m’enfin, le fait est que La manière forte n’a clairement pas réitéré les exploits au box-office du film mettant en scène Mel et Goldie : celui-ci ne cumulerait que 65 millions de dollars de recettes à l’international, et 310.000 entrées en France.
S’il n’atteint certes pas l’étrange état de grâce du film précédent de Badaboum Badham, La manière forte n’en demeure pas pour autant un film inintéressant. Avant tout, et malgré une propension au déséquilibre dans son dosage action / comédie (nettement plus au point dans des films tels que L’arme fatale ou Blue-jean cop), l’intrigue du film permet néanmoins à Badham de mettre en avant quelques-uns des clichés les plus récurrents du buddy movie. Ainsi, l’idée de la différence de classe sociale entre les deux héros de La manière forte sera clairement mise en avant par l’intrigue, avec parfois quelques pirouettes inattendues, notamment lorsque le personnage incarné par Michael J. Fox découvre l’appartement de James Woods, propre et parfaitement ordonné.
L’homosexualité latente des personnages principaux, plus ou moins prégnante, plus ou moins évidente selon les buddy movies (on pense ici en particulier à Tango & Cash), sera également clairement soulignée au détour d’une séquence – par ailleurs très amusante – durant laquelle Nick Lang (Michael J. Fox) se fera passer pour une femme auprès de John Moss (James Woods) afin que celui-ci apprenne à s’ouvrir un peu à sa partenaire. On peut également penser au fait que Moss préfère menotter Lang à son lit pour l’empêcher de sortir, quand il aurait tout simplement pu verrouiller la porte.
Cependant, l’aspect le plus intéressant de La manière forte ne résidera pas forcément dans le contraste radical qui définit la relation entre le flic et la star de cinéma. Ainsi, si le film de Badaboum Badham se révèle si passionnant trente ans après sa sortie dans les salles, c’est grâce au personnage incarné par James Woods. Un personnage constamment énervé, les mâchoires serrées, semblant toujours prêt à exploser. Sa prestation est intense, débridée, et donne constamment l’impression d’être au bord de la crise de nerfs. Par sa grossièreté et les bordées de jurons hauts en couleurs qu’il profère à longueur de bobine, le personnage de John Moss donne le La à la violence et à la sauvagerie du film, qui nous propose quelques-unes des scènes d’action les plus spectaculaires tournées à l’époque.
Badaboum Badham s’éclate littéralement, enchaînant sans jamais se soucier d’un quelconque réalisme les scènes monumentales, la course-poursuite inaugurale avec le « Party Crasher » ne servant finalement que d’amuse-gueule. Bien sûr, trente ans après, on retient surtout de La manière forte son final prenant place sur le gigantesque panneau publicitaire animé représentant Michael J. Fox et sa grosse cigarette, qu’Annabella Sciorra aura littéralement entre les jambes tout au long de la séquence. Une scène folle, magnifiée par la Haute-Définition qui nous permet aujourd’hui de la redécouvrir en détail, de façon beaucoup plus claire et spectaculaire que lors de notre prime découverte du film en VHS !
Le Blu-ray
[4/5]
Disponible à partir du 7 avril 2021 chez Rimini Éditions, La manière forte s’offre un convaincant lifting Haute-Définition sur galette Blu-ray, et aussi bien côté image que côté son, le master proposé par l’éditeur est de bonne tenue ; le film est proposé au format Scope 2.35:1 respecté et encodé en 1080p. Le grain d’origine a été préservé avec soin, la piqué est très satisfaisant, et les contrastes sont extrêmement convaincants, même si on remarquera bien sûr un grain un peu supérieur durant les séquences en basse lumière. Du beau travail ! Côté son, les mixage audio ont également été choyés, et sont proposés en DTS-HD Master Audio 2.0 d’origine : VF et VO sont tout à fait claires et sans souffle. Bref, le travail abattu par Rimini nous permet de (re)découvrir ce solide petit film d’action porté par un James Woods impérial dans des conditions chaudement recommandables.
Côté suppléments, Rimini Éditions est un éditeur fidèle en amitié, qui a ici fait le choix de renouveler sa confiance dans les équipes de La plume, qui nous livrent une présentation du film par Rania Griffete et Stéphane Chevalier (20 minutes). Si leur propos est souvent assez intéressant, l’ensemble est néanmoins clairement desservi par la mise en forme du sujet, scolaire, peu vivante, manquant de naturel et – surtout – de structure. C’est dans ces moments-là que la disparition de Christophe Champclaux se fait malheureusement le plus sentir : même si ses travaux pour Rose Night étaient franchement parfois un peu bizarres (autant formellement que thématiquement), son approche du genre et du cinéma populaire avaient néanmoins une vraie cohérence, et les sujets qu’il mettait en boite bénéficiaient de sa « vision », affûtée, bien éloignée du résultat atteint ici par les équipes de La plume, même si ses membres semblent sincèrement déployer la meilleure volonté du monde pour bien faire.
Outre cette présentation du film, l’éditeur nous propose également un passionnant commentaire audio du réalisateur John Badham, accompagné de Rob Cohen (producteur / réalisateur de seconde équipe). Leur propos sont orientés par l’historien du cinéma Daniel Kremer. Plusieurs anecdotes et secrets de tournage seront révélés, et on reviendra largement sur le tournage du film à New York, le style visuel de La manière forte, l’énergie apportée aux scènes d’action, l’humour du film, les performances de James Woods et Michael J. Fox, etc.