La main qui venge
États-Unis : 1950
Titre original : Dark city
Réalisation : William Dieterle
Scénario : John Meredyth Lucas, Lawrence B. Marcus
Acteurs : Charlton Heston, Lizabeth Scott, Viveca Lindfors
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h37
Genre : Policier, Film Noir
Date de sortie cinéma : 4 avril 1952
Date de sortie DVD/BR : 17 mars 2020
Arthur Winant perd au poker une importante somme d’argent qu’il avait emprunté. Devant cette catastrophe, il préfère se suicider. Sidney, le frère d’Arthur, un psychopathe, recherche alors les trois hommes qu’il rend responsables de cette mort, bien décidé à les tuer…
Le film
[3,5/5]
Le titre français de Dark city, le Film Noir mis en scène par William Dieterle en 1950, est assez étonnant : La main qui venge. Derrière ce titre aux limites de la parodie – difficile de ne pas penser à La main qui tue (1999), ou à dresser des passerelles avec des récits où des mains prennent leur « indépendance », à la façon de la chose dans La famille Addams (1991), de la main baladeuse au centre de J’ai perdu mon corps (2019), ou encore de la nouvelle de Clive Barker « Le corps politique », qui serait adaptée au cinéma par Mick Garris dans le film Quicksilver highway (1997). Or, comme vous vous en doutez, il n’y a absolument aucune dimension fantastique au cœur de La main qui venge, et le spectateur passera un bon tiers du film à se demander pourquoi diable les distributeurs français ont opté pour un titre aussi fantaisiste. S’agirait-il d’une « main » de poker dont on parle ici, les parties de cartes clandestines étant au centre de la première partie du film ?
Non, bien sûr, même si le fait de jouer avec une main « arrangée » pour l’occasion sera sans doute le déclic dans l’intrigue, qui permettra aux truands de gagner 5000 dollars de façon crapuleuse, provoquera le suicide du perdant et permettra la mise en branle de l’impitoyable mécanisme de vengeance à l’encontre de ces vilains tricheurs opérant en bande organisée. La lumière autour du titre français arrivera donc au public avec le premier meurtre de la série de crimes entourant le personnage de Danny Haley – Daniel en VF – incarné à l’écran par Charlton Heston, et se réfère explicitement à la mise en scène de William Dieterle. En effet, dans toute la première partie du film, et alors même que l’identité du tueur ne fait pas tellement de doute, il s’avère que personne ne sait à quoi ce dernier ressemble. Même le spectateur l’ignore, Dieterle laissant en effet libre cours à son goût pour l’expressionnisme lors des premières séquences à suspense du film, flirtant même occasionnellement avec le fantastique, notamment lors de la séquence de la mort de Barney (Ed Begley) ou encore durant la balade du couple Charlton Heston / Lizabeth Scott sur le quai plongé dans la brume, avec l’apparition du tueur en arrière-plan. Ainsi, lors de la séquence de la mort de Barney, une seule chose n’est pas laissée à l’imagination du spectateur : la main du tueur, ornée de sa grosse chevalière. Cette main, on la retrouvera quelques séquences plus tard, quand Dan et Augie (Jack Webb) discutent de ce que peut savoir le meurtrier, à leur sortie du commissariat. Une solide main de rugbyman, chevalière solidement vissée à l’annulaire, posée sur un comptoir de bar. La main du tueur, autrement dit, vous l’aurez compris, la fameuse Main qui venge…
Bien sûr, il faudra quelques rebondissements avant de mettre un visage sur cette main, et finalement, Dieterle ne parviendra jamais réellement à retrouver dans la deuxième partie du film le rythme et le suspense qui animaient la première. Néanmoins, on ne boudera pas trop notre plaisir : La main qui venge demeure un spectacle solide, ayant le mérite de mettre sur le devant de la scène un Charlton Heston encore quasi-inconnu, mais assurant clairement dans la peau de ce truand pas forcément très sympathique – son charisme et sa grande taille lui permettent de dominer d’une tête tout le reste du casting masculin. En face de lui, dans la peau de la chanteuse de service, on retrouvera avec plaisir Lizabeth Scott, habituée des rôles de « Femme Fatale » dans les années 40. En revoyant le film 70 ans après sa sortie dans les salles, sa présence à l’écran et ses traits évoquent beaucoup ceux de Blanche Gardin – la ressemblance est même parfois frappante. En deux mots comme en cent, La main qui venge s’avère au final un bon petit thriller, se délayant malheureusement un peu trop dans son deuxième acte. Mais les amoureux du genre ainsi que les amateurs du jeu sec et viril de Charlton Heston ne pourront pas faire l’impasse sur cette bonne petite série B !
Le Blu-ray
[4/5]
Après une édition DVD sortie fin 2018 au cœur d’un coffret consacré au Film Noir, Sidonis Calysta se décide aujourd’hui à proposer La main qui venge non seulement à l’unité, mais également au format Blu-ray. En passant le cap de la Haute Définition, le film de William Dieterle en profite donc pour venir grossir les rangs de la collection « Film Noir » de l’éditeur. Visiblement, le master a bénéficié d’une jolie restauration mais s’il affiche un beau piqué et d’une définition vraiment accrue, demeurent néanmoins quelques faiblesses, notamment quelques artefacts du type poussières et rayures, ainsi qu’un léger manque de stabilité du côté des contrastes, qui peuvent varier assez nettement d’un plan à un autre. Reste néanmoins un sublime noir et blanc, magnifié par les compositions de plans de Dieterle et de son chef opérateur Victor Milner, et un ensemble représentant un bel upgrade par rapport au DVD de 2018. Côté son, Sidonis nous propose de découvrir le film en VO et VF d’origine et DTS-HD Master Audio 2.0 (mono), dans des mixages disposant d’une belle amplitude. Les voix sont claires, la musique est bien mise en valeur : malgré quelques imperfections – un peu de souffle, surtout du côté de la version française – l’ensemble demeure tout à fait recommandable.
Niveau bonus, cette édition Blu-ray de La main qui venge suit consciencieusement les habitudes éditoriales de Sidonis Calysta, puisque la bande-annonce du film s’accompagnera des trois traditionnelles présentations du film par Bertrand Tavernier (19 minutes), François Guérif (6 minutes) et Patrick Brion (8 minutes). Si les présentations vous paraîtront sans doute un peu lus courtes qu’à l’accoutumée, c’est tout simplement parce que le film de William Dieterle se prête probablement un peu moins bien à l’analyse que certains de ses contemporains. Néanmoins, et même s’ils n’évitent certes pas quelques redondances, les trois critiques / historiens du cinéma dressent un portrait du film assez synthétique, pertinent et tout à fait agréable à suivre : ils reviendront notamment sur les thématiques au cœur du film, sur la carrière de William Dieterle, ainsi que sur Charlton Heston et les autres acteurs.