La Main
Australie : 2022
Titre original : Talk to Me
Réalisateur : Danny Philippou, Michael Philippou
Scénario : Danny Philippou, Bill Hinzman
Acteurs : Sophie Wilde, Alexandra Jensen, Joe Bird
Éditeur : M6 Vidéo
Durée : 1h35
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 26 juillet 2023
Date de sortie DVD/BR : 23 novembre 2023
Lorsqu’un groupe d’amis découvre comment conjurer les esprits à l’aide d’une main embaumée, ils deviennent accros à ce nouveau plaisir, jusqu’à ce que l’un d’entre eux aille trop loin et libère des forces surnaturelles terrifiantes…
Le film
[4/5]
La Main s’inscrit dans une certaine tradition dans le cinéma fantastique contemporain qui tend à mettre sur le devant de la scène un objet du quotidien aux vertus maléfiques. L’idée, aussi simple qu’amusante sur le papier, est de prêter vie à des objets inanimés, généralement décrits comme des objets « maudits », ou possédés par une entité maléfique. Les exemples sont nombreux : on recense ainsi pas mal de poupées, mais aussi des livres, jeux de société ou jeux vidéo, VHS, boites à musique, ordinateurs et sites Internet, téléphones, bijoux, meubles, tableaux, instruments de musiques, miroirs, masques, vêtements, ou encore véhicules – voitures, camions… Tous animés de mauvaises intentions ; avides de vengeance ou ouvrant la voie vers l’au-delà. Les époux Warren en ont d’ailleurs une pièce pleine, chaque objet attendant sagement son tour pour être le sujet d’un nouveau film.
La tendance ne date pas d’aujourd’hui, et certains objets au centre de films produits il y a quelques années peuvent prêter à sourire par leur incongruité : on pense par exemple à Death bed : The bed that eats (George Barry, 1977), qui mettait en scène un « lit de la mort », à Killer Sofa (Bernardo Rao, 2019) et à son fauteuil maléfique, à The refrigerator – L’attaque du frigo tueur (Nicholas Jacobs, 1991) ou encore à Pisspot from Hell (Enrico Pallazzo, 1984) et son pot de chambre qui noyait ses victimes dans des hectolitres de pipi.
Le concept de La Main est aussi simple qu’imparable : il s’agit d’un jeu occulte pratiqué entre jeunes gens, qui consiste à tenir une main embaumée, et à invoquer l’esprit des morts : celui qui aura fait le choix de tenir la fameuse « main » se verra ensuite possédé par un esprit, pour une durée de quatre-vingt-dix secondes, soigneusement chronométrée par les autres participants, de façon à ce que l’esprit puisse regagner l’au-delà sans occasionner de séquelles chez son hôte. Le film ne tardera pas à plonger le spectateur au cœur d’une de ces séances de spiritisme d’un nouveau genre, et le résultat s’avérera étonnamment excitant.
La Main ne cachera pas très longtemps sa portée symbolique, le spiritisme étant ici une métaphore évidente de l’addiction aux drogues dures. De fait, les héroïnes du film, Mia (Sophie Wilde) et Jade (Alexandra Jensen), ne tarderont pas à devenir véritablement « accros » à l’excitation provoquée par l’expérience. Cependant, il s’avère également qu’elles seront terriblement mal préparées à ce qui se passe en cas d’overdose, ou ici lorsque l’un des esprits dépasse le temps d’accueil qui lui avait été alloué. C’est le jeune Riley (Joe Bird) qui fera le premier les frais de leur inconséquence, et sera plongé entre la vie et la mort suite à une expérience ayant mal tourné.
Sorti l’été dernier dans les salles françaises, La Main est une production horrifique australienne rappelant, dans ses thèmes et son efficacité, les productions Blumhouse Pictures. Gros succès en Australie ainsi qu’aux Etats-Unis, le film est parvenu à attirer un peu plus de 516.000 curieux dans l’hexagone, et le fait est que cet accueil chaleureux est absolument mérité, dans le sens où La Main s’impose à la fois comme une expérience éprouvante et réussie, mais également comme un petit film d’horreur inventif et vraiment effrayant. Réalisé avec assurance et écrit avec une liberté de ton surprenante, le film est signé Danny et Michael Philippou. Complètement inconnus chez nous, ces deux frères jumeaux sont en revanche de petites célébrités dans leur pays d’origine, signant depuis quelques années des vidéos complètement barges à destination de leur chaine YouTube RackaRacka.
L’expérience des frères Philippou dans le domaine des vidéos de courte durée explique probablement la maestria technique dont ils parviennent à faire preuve sur ce premier long-métrage, ainsi que leur maîtrise d’un certain « Système D ». Ce sont ces dix années de travail qui leur permettent aujourd’hui de signer un film ayant incontestablement l’air d’avoir coûté beaucoup plus cher que ce que ne leur autorisait leur budget. Pour autant, il ne nous viendrait pas à l’idée de qualifier uniquement leur film de simple réussite « technique » : les jumeaux Philippou ont du talent, et La Main en est une spectaculaire démonstration.
Ainsi, le récit est structuré à la perfection, et les frères Philippou font preuve d’un sens aigu du timing, notamment en ce qui concerne l’escalade dans l’horreur. Cela nous apparait comme particulièrement évident dans l’utilisation du montage, et notamment la façon dont ils parviennent à suggérer, en l’espace de quelques plans, que les jeunes gens mis en scène par La Main abusent du jeu, et en deviennent littéralement accros. De la même façon, le scénario s’abstient intelligemment de dévoiler les véritables motivations de Mia, du moins dans un premier temps. Au départ, ses actions ressemblent à des tentatives désespérées de s’évader en recherchant des sensations fortes, mais les véritables raisons qui la poussent à chercher à entrer en contact avec les morts auront à coup sûr un impact émotionnel puissant – et relativement inattendu – sur le spectateur.
D’une façon assez ironique (surtout quand on sait d’où viennent Danny et Michael Philippou), La Main tend également à proposer au spectateur une critique à peine voilée des réseaux sociaux, et de la façon dont la génération « Quoicoubeh » est prête à faire n’importe quoi sur Internet en échange de quelques « likes » et d’un sentiment d’appartenance à un groupe. Par ailleurs, on ne pourra également que saluer le travail exceptionnel des deux frères sur le design sonore de leur bébé, ainsi que la sublime photo d’Aaron McLisky, qui contribue à créer une atmosphère de plus en plus tendue et glaçante au fur et à mesure que le film évolue. Bref, La Main est une belle réussite – un premier film superbement réalisé qui impose d’entrée de jeu les jumeaux Philippou comme des cinéastes à suivre de près dans les années à venir !
Le Blu-ray
[4/5]
La Main est disponible depuis le 23 novembre sous les couleurs de M6 Vidéo. Et côté Blu-ray, la sublime photo du film signée Aaron McLisky est réellement magnifiée par un transfert aux petits oignons signé M6 : le master affiche une forme insolente, le piqué et le niveau de détail sont d’une précision à couper le souffle, en bref tout est fait pour que l’on s’extasie des séquences de « possessions » qui émaillent le film. Niveau son, comme d’habitude chez l’éditeur, VF et VO sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 5.1 redoutablement spatialisés : l’immersion est totale, les effets sont dynamiques et nombreux, et le rendu acoustique affiche une ampleur assez impressionnante. On privilégiera naturellement la VO, ne serait-ce que pour apprécier à sa juste valeur la performance générale du casting.
Dans la section suppléments, le Blu-ray de La Main édité par M6 Vidéo nous propose de découvrir une petite série de scènes coupées (8 minutes), qui prolongeront un peu le plaisir pris devant le film et approfondiront un peu les relations entre les personnages du récit. On terminera ensuite avec un intéressant making of (8 minutes), qui reviendra sur les thématiques du film (le rapport à la drogue notamment), ainsi que sur la « vision » et l’énergie des cinéastes Danny et Michael Philippou.