Test Blu-ray : La fleur du mal

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La fleur du mal

France : 2003
Titre original : –
Réalisation : Claude Chabrol
Scénario : Claude Chabrol
Acteurs : Nathalie Baye, Benoît Magimel, Suzanne Flon
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 19 février 2003
Date de sortie DVD/BR : 2 décembre 2020

A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, dans l’atmosphère délétère des règlements de compte liés à la collaboration, une femme est acquittée d’un crime qu’elle aurait peut-être commis. De nos jours, un tract odieux vient semer la discorde au sein de la famille Charpin-Vasseur en pleine campagne électorale, et fait remonter à la surface de sombres souvenirs…

Le film

[3,5/5]

Troisième – et ultime – collaboration entre Claude Chabrol et Caroline Eliacheff, La fleur du mal permet au cinéaste d’aborder à nouveau la thématique du meurtre au féminin, déjà au centre de La cérémonie et de Merci pour le chocolat. Cette troisième incursion dans les méandres de la psychologie féminine – rappelons que la coscénariste Caroline Eliacheff est psychanalyste de formation – se fera néanmoins sous un jour extrêmement différent de celui des deux films déjà mis en boite par les deux collaborateurs durant la décennie précédente.

La fleur du mal nous plongera d’ailleurs d’entrée de jeu dans le vif du sujet, avec un long plan-séquence traversant la maison familiale – bourgeoise évidemment – des Charpin-Vasseur : on y croisera une femme prostrée dans le coin d’une pièce alors que dans la chambre attenante, un cadavre gît sur le grand lit parental. Un début façon Cluedo donc, pour un film qui en revanche s’écartera longtemps du mystère que représente cette séquence initiale pour s’attarder sur la présentation d’une famille bourgeoise au passé trouble.

La notion de « passé » est par ailleurs essentielle au cœur de La fleur du mal, qui donnera au spectateur différents indices sur des événements dramatiques ayant pris place en 1955 et en 1981. Pourtant, et contrairement à ce qu’auraient fait 99% des cinéastes, Claude Chabrol prend le parti de ne jamais proposer le moindre flashback, à l’exception, mais nous ne le découvrirons qu’à la fin du film, [Attention SPOILERS] de la séquence d’ouverture.[Fin des SPOILERS]

En lieu et place des différents retours en arrière, Chabrol choisit d’amener le passé au cœur même du présent, par petites touches subtiles, par le biais par exemple de petits morceaux de dialogues faisant écho à des situations du passé, le piège étant que ces dernières sont parfois énoncées avec la voix des acteurs du « présent ». De fait, les secrets de cette famille ne feront finalement qu’affleurer à la surface, à la façon de bribes de souvenir.

La fleur du mal souligne donc une idée de transmission, ou de répétition, au cœur de ces deux familles bourgeoises se reproduisant entre eux de lignée en lignée. Même s’ils sont différents, ils reproduisent les mêmes erreurs que par le passé. On parle ici d’amour, bien sûr, à travers la relation Benoit Magimel / Mélanie Doutey, tellement profondément ancrée dans leurs gênes que l’absence de quatre ans du personnage incarné par Magimel n’a pas éteint la passion entre les deux jeunes gens. Plus surprenant encore, Caroline Eliacheff et Claude Chabrol démontreront que le crime fait aussi partie de cet héritage, comme s’il se transmettait par le sang, de génération en génération.

Avec La fleur du mal, les deux coscénaristes semblent nous dire que le cloisonnement familial de cette bourgeoisie de province dégénérée a créé une espèce de « transmission » du mal, facilitée ici par les non-dits, les secrets honteux et les inimitiés. Au fil des événements narrés par le récit, Claude Chabrol fait le choix de s’attacher principalement à la personnalité – pour le moins ambiguë – de la tante Line, présenté comme le personnage le plus sympathique du récit. C’est l’excellente Suzanne Flon qui prêtait ses traits au personnage, et elle volait littéralement la vedette à tous les acteurs gravitant autour d’elle. Elle est la plus naturelle et la plus fascinante du petit groupe d’acteurs réunis par Chabrol sur son film, qui semblent mis à part sciemment jouer de façon un peu trop ostensiblement « fausse », à la façon d’acteurs en représentation sur la petite scène de cette famille dont les secrets se perpétuent de génération en génération. Mais, comme le souligne la scène finale de réception mondaine, la vie de cette famille ne se résume-t-elle pas à une constante représentation ?

Le Blu-ray

[4/5]

Unique film du coffret « Claude Chabrol : Suspense au féminin » édité par Carlotta Films à être à 100% inédit en Blu-ray dans le monde entier, La fleur du mal s’offre, de la même façon que les autres films disponibles au sein du coffret, une superbe restauration 4K, réalisée par le laboratoire Éclair avec l’aide du CNC. On notera qu’à ce jour, La fleur du mal n’est disponible en Blu-ray qu’au cœur du coffret « Claude Chabrol : Suspense au féminin » de chez Carlotta : ce dernier contient également les films L’enfer (1994), La cérémonie (1995), Rien ne va plus (1997) et Merci pour le chocolat (2000).

Pour ne rien vous cacher, on est bien contents sur critique-film que La fleur du mal, qui figure parmi les œuvres les plus mal comprises et les plus sous-estimées de Claude Chabrol, soit enfin remis sur le devant de la scène par le biais de ce Blu-ray restauré en 4K. On est d’ailleurs d’autant plus heureux que la qualité de l’ensemble est vraiment excellente : la légère granulation d’origine a été préservée avec soin, les couleurs ont été ravivées, les contrastes sont bien gérés. De plus, le film est proposé dans son format Cinémascope 1.66 d’origine et en 1080p : c’est du très beau travail. Côté son, le spectateur pourra profiter d’un solide mixage DTS HD Master Audio 5.1, à la spatialisation finement travaillée, même si bien sûr La fleur du mal n’incite pas forcément à la démonstration acoustique.

Du côté des suppléments, Carlotta Films recycle à nouveau les suppléments déjà disponibles depuis 2003 sur l’édition DVD éditée par MK2. On commencera donc avec la traditionnelle présentation du film par Joël Magny (3 minutes), pour enchaîner avec les toujours passionnants commentaires de Claude Chabrol sur quelques séquences du film (47 minutes). En revenant sur six scènes-clés de La fleur du mal, il fera partager au spectateur son soin maniaque du détail, et la façon dont la mise en scène de chaque séquence est l’objet de longues réflexions de sa part, non seulement afin d’obtenir l’effet voulu sur le spectateur, mais également pour que chaque mouvement de caméra soit non pas uniquement illustratif mais « signifiant ». Pensant ne plus être filmé, il trahira par ailleurs un des secrets de fabrication du film (le choix des dates 1955 et 1981), avant que partir de son fameux rire communicatif quand son caméraman lui révélera être en train d’enregistrer. Le making of d’époque du film (26 minutes) sera à nouveau l’occasion de découvrir l’ambiance détendue régnant sur le tournage d’un film de Chabrol. Les acteurs et le cinéaste s’exprimeront également face caméra, entre deux moments volés sur le tournage. On terminera enfin avec les traditionnelles bandes-annonces, ainsi qu’avec un entretien avec la coscénariste Caroline Eliacheff (9 minutes), au cœur duquel elle expliquera les différences fondamentales entre La cérémonie, Merci pour le chocolat et La fleur du mal, ses trois collaborations avec Claude Chabrol.

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