La fille prodigue
France : 1981
Titre original : –
Réalisateur : Jacques Doillon
Scénario : Jacques Doillon
Acteurs : Jane Birkin, Michel Piccoli, Eva Renzi
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h37
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 25 mars 1981
Date de sortie DVD/BR : 8 juillet 2020
Anne, 30 ans, ne supporte plus aucun contact humain, pas même celui de son mari, et retourne chez ses parents. Elle convainc sa mère de rejoindre son autre fille, enceinte, et seule avec son père, essaie de faire le vide autour de lui. Elle l’aime d’un amour incestueux, entier et sans partage…
Le film
[2,5/5]
Mettant en scène cinq acteurs en tout et pour tout, La fille prodigue se concentrera durant les trois quarts de sa durée sur deux acteurs : Michel Piccoli et Jane Birkin. Autant dire qu’il vaudrait mieux que vous aimiez les nuances de leurs jeux respectifs, sous peine de vous voir violemment mis à la porte du film de Jacques Doillon. Supposons un instant que vous ne supportiez pas le jeu d’actrice de Jane Birkin, que vous trouviez que sa diction et ses postures soient du dernier ridicule et qu’elle ne parvienne jamais à se rapprocher d’une quelconque manière d’une interprétation un tant soit peu naturelle : étant donné qu’elle est à peu près de tous les plans, oscillant fébrilement entre une espèce d’agressivité rageuse et les minauderies aussi forcenées que profondément horripilantes, vous seriez bien embêté pour apprécier à sa juste valeur La fille prodigue, récit d’Œdipe au féminin, développant un ton extrêmement mélancolique et déroulant son récit sur un rythme littéralement léthargique.
Cependant, le film de Jacques Doillon n’est pas non plus complètement inintéressant. Malgré un côté ouvertement chiant, presque épuisant, malgré des dialogues lourds et explicatifs, malgré des agissements des personnages aussi absurdes qu’incompréhensibles, malgré le jeu de Jane Birkin qui serait capable de vous faire monter un fou-rire dans les passages les plus intensément dramatiques, La fille prodigue a tout de même une particularité notable : celle de nous plonger, en moins d’une demi-heure de métrage, dans un récit mettant en scène deux personnages perturbés, pour ne pas dire complètement tarés. La fille bien sûr a littéralement une case en moins, et aurait franchement mérité de se prendre quelques bonnes baffes en pleine gueule, histoire de lui remettre les idées en place. Piccoli d’ailleurs ne résiste pas à la tentation de lui coller une branlée à un moment dans le film, et en tant que spectateur on aimerait pénétrer à l’intérieur du film pour lui prêter main forte et rouer de coups cette petite imbécile, tellement connasse qu’elle ne peut « que » faire semblant – aucun adulte normalement constitué ne régresse à un tel point, le personnage de Birkin raisonnant approximativement comme une enfant de quatre ou cinq ans. Mais « la fille » du récit n’est pas la seule à mériter quelques mains dans la gueule, « le père » alias Piccoli en mérite lui aussi quelques-unes, et son attitude dans la dernière bobine dénote d’un côté franchement aussi débile que sa fille.
Ne jugeons cependant pas ces personnages, mais plutôt l’effet que produit le film de Jacques Doillon sur le spectateur. La fille prodigue distille son lot d’images étranges ; il semble d’ailleurs que Doillon joue délibérément avec cette idée de réalité déformée véhiculée par ces dialogues père/fille à base de sexualité subliminale, semblant pensés pour provoquer un malaise diffus particulièrement désagréable, qui ne quittera d’ailleurs pas le spectateur jusqu’aux toutes dernières images du film. Une curiosité, qu’on se plaira à aimer ou à détester, mais qui propose néanmoins une vraie vision de cinéma, et ne peut donc laisser indifférent.
Le Blu-ray
[4/5]
Fidèle à son excellente réputation en matière de Blu-ray de patrimoine, Gaumont nous livre avec La fille prodigue, qui intègre ce mois-ci la prestigieuse collection Blu-ray Découverte (aussi appelée Gaumont découverte en Blu-ray), une galette Haute-Définition assez exemplaire. Le Blu-ray du film préserve en effet la rugueuse granulation d’origine tout en nous proposant une image propre, stable et imposant sans peine un piqué précis et des couleurs naturelles, bien que peut-être un poil froides (une constante avec l’étalonnage de chez Gaumont). Pas de bidouillages numériques à l’horizon, c’est du tout bon : ce Blu-ray de La fille prodigue fait réellement honneur au support. Côté son, le film de Jacques Doillon s’impose dans un DTS-HD Master Audio 2.0 d’origine d’origine tout ce qu’il y a de plus correct.
Du côté des suppléments, outre la bande-annonce d’usage, l’éditeur nous propose de découvrir un passionnant entretien avec Jacques Doillon (23 minutes). Le cinéaste y reviendra sur la production du film, sur le choix de Jane Birkin dans le rôle principal ou encore sur le rapport au « père », ou du moins à la figure paternelle. Pour Doillon, le vrai sujet du film ne tourne en effet pas autour « de l’inceste et toutes ces conneries », mais lui avait plutôt permis de s’adresser à son père disparu quelque temps plus tôt. Intéressant !