La fiancée de Chucky
États-Unis : 1998
Titre original : Bride of Chucky
Réalisation : Ronny Yu
Scénario : Don Mancini
Acteurs : Jennifer Tilly, Brad Dourif, John Ritter
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h29
Genre : Horreur, Comédie
Date de sortie cinéma : 10 mars 1999
Date de sortie DVD/BR : 17 mars 2021
La poupée Chucky n’est plus qu’un infâme bout de chiffon et de plastique tout juste bon à jeter aux ordures. Mais Charles Lee Ray, tueur en série officiellement mort depuis une dizaine d’années, habite encore sa carcasse en charpie. La pulpeuse Tiffany, créature tout entière dévolue à son culte, rêve de le ramener à la vie. Et voila qu’elle parvient à le ranimer. Mais dès son retour à la vie, Chucky se fatigue vite de son apparence de jouet, car rien ne vaut, à ses yeux, un mètre quatre-vingt de chair et d’os, un physique avantageux où coule du sang chaud, celui du beau Jesse par exemple…
Le film
[5/5]
Il est un lieu commun dans les milieux cinéphiles qui voudrait que le premier épisode d’une franchise soit toujours considéré comme « le meilleur » de la saga. Dans le domaine du cinéma orienté fantastique / horreur, c’est cependant loin d’être toujours le cas. Ainsi, si on prend un peu de recul et que l’on regarde les grandes figures « mythiques » du cinéma fantastique – le requin des Dents de la mer, Freddy Krueger, Michael Myers, Jason Voorhees, Chucky, le Wishmaster, le Tall Man de Phantasm – on se rendra vite compte qu’à l’exception des cas d’Halloween et des Dents de la mer, la plupart de ces boogeymen célèbres se sont surtout démarqués à travers leurs « suites ». Des suites plus folles, plus généreuses, plus imaginatives… Et donc en un mot plus réussies que les films originaux.
Jeu d’enfant était ainsi un film bancal, attachant mais à moitié raté, ayant cependant engendré la naissance d’un personnage de boogeyman culte, à savoir le tristement célèbre Chucky, serial killer coincé dans le corps d’une poupée en plastique. On passera rapidement sur les deux premières suites des aventures de Chucky, à savoir Chucky – La poupée de sang (1990) et Chucky 3 (1991), qui malgré quelques qualités étaient de poussifs petits films d’horreur, au cœurs desquels on assistait néanmoins à un glissement qui permettrait de poser les bases de La fiancée de Chucky : la comédie noire y avait peu à peu pris une place plus importante, remplaçant la terreur pure. Dans le même ordre d’idées, la méchante poupée diabolnaze y devenait un peu plus centrale à chaque nouveau film, balayant de plus en plus nettement l’élément « humain » de la saga, à savoir le petit Andy, dont la place dans le troisième opus était devenue insignifiante. Peu à peu, les scènes de meurtre y devenaient également plus « gore », plus imaginatives, et le nombre de cadavres plus élevé.
C’est le schéma classique de la saga horrifique. Après l’échec de Chucky 3, et un hiatus de quelques années, tout semblait prêt pour lancer avec La fiancée de Chucky une totale réinvention des éléments de la franchise. Cette fois, Chucky est clairement devenu le héros du film ; esprit acéré, sens de l’humour tordu, voix de Brad Dourif – tout y est. Le coup de génie de Don Mancini sur ce nouveau film est cependant bel et bien de lui avoir adjoint une petite amie en la personne de Tiffany, incarnée par Jennifer Tilly, qui en un seul film s’imposerait comme une figure incontournable de l’horreur du vingtième siècle. N’écoutez pas ses détracteurs, ceux qui hurlent à la mort que c’est elle et non Chucky 3 qui a véritablement tué la franchise – au contraire, on estimerait plutôt de notre côté que La fiancée de Chucky est le premier vrai « bon » film de la saga. Et en partie grâce à elle.
On avoue cependant qu’il est vrai que La fiancée de Chucky représente un changement de tonalité brutal dans la saga ; d’autant plus brutal que la réalisation de Ronny Yu s’avère absolument folle et inspirée. Abandonnant toute velléité horrifique, le film permet à Don Mancini de se laisser aller à son goût pour l’excès, les outrances, le gore, mais également la comédie et la satire acerbe de l’American way of life. Hilarant, bizarre, d’une vulgarité rassérénante, le film de Ronny Yu ne cesse de surprendre, n’est jamais là où on l’attend. Brad Dourif et Jennifer Tilly s’en donnent à cœur joie, la folie s’accumule au fil des bobines, et s’accumulera jusqu’à en dégueuler de créativité barge, avec cette scène de copulation entre les deux mignonnes poupées et bien sûr, à une scène finale annonçant la volonté farouche de Don Mancini d’emmener la franchise encore plus loin dans le n’importe-quoi. Et si vous avez vu Le fils de Chucky, qu’il réaliserait lui-même six ans plus tard, vous savez à quel point il était prêt à aller loin dans le « What The Fuck » intégral.
Et si vous n’êtes pas convaincus que La fiancée de Chucky est un chef d’œuvre, on vous invite à (re)lire la critique de notre rédactrice Emmanuelle Langelot, qui, a peu de choses près, avait le même ressenti que l’auteur de ces lignes sur le film de Ronny Yu.
Le Blu-ray
[4/5]
Après avoir été le premier pays au monde à proposer La fiancée de Chucky en Haute-Définition en 2009, l’hexagone a remis le couvert en mars de cette année, avec une nouvelle édition Combo Blu-ray + DVD éditée sous les couleurs d’ESC Éditions, et qui avait fait râler les consommateurs à cause de la présence d’une VF québécoise. Toujours attentif aux récriminations des cinéphiles, ESC a corrigé le tir en proposant une galette de remplacement disposant de la « vraie VF ».
Côté Blu-ray, l’éditeur nous propose un transfert 1080p de très bonne tenue. On l’a déjà constaté par le passé, dans certains cas, l’excellence des supports HD au niveau des détails a tendance à mettre en relief des défauts que l’on ne remarquait pas forcément en définition standard : on se souvient par exemple que Zack Snyder avait fait rajouter la patate de grain pour mieux intégrer ses effets spéciaux pour le transfert Blu-ray de 300. Dans le cas de La fiancée de Chucky, l’apport HD pourrait également vaguement nuire au film : en effet, la multiplication de gros plans et de plans composés ne met pas vraiment en valeur le physique de ses deux actrices principales, la netteté des avant-plans mettant fortement en relief le maquillage outrancier de Jennifer Tilly, de même que la texture de peau plutôt disgracieuse de la débutante Katherine Heigl. Les deux actrices se révèlent donc deux nouvelles victimes du niveau de détail accru du format. Pour autant, comme sur la première édition Aventi ainsi que sur le Blu-ray US paru en 2018, l’image a manifestement fait l’objet d’un léger dégrainage, le lissage de l’image pouvant se révéler par moments un peu gênant. Pour autant, pour un film se déroulant essentiellement de nuit, le master propose de belles nuances chromatiques, allant des noirs profonds aux jeux de lumière roses/rouges, qui font la part belle aux hallucinantes compositions de plans de Ronny Yu, ainsi qu’à la photo signée Peter Pau, collaborateur attitré du cinéaste asiatique.
Côté bande-son, la VO en DTS-HD Master Audio 5.1 envoie le bois : très actif, puissant lors des séquences les plus branques, le mixage laisse également la part belle aux morceaux très rock de la bande originale (tout particulièrement sur le « Living dead girl » de Rob Zombie qui sert de générique au film). La VF, également proposée en DTS-HD Master Audio 5.1, est beaucoup plus étriquée, sans nuance. Techniquement, on préférera de loin le mix de la version originale, plus pêchu dans les moments hystériques, et qui permet surtout de bénéficier du doublage de Chucky par l’inimitable Brad Dourif.
Niveau interactivité, l’éditeur est allé rechercher les deux commentaires audio enregistrés à l’occasion de la sortie de l’édition DVD zone 1 américaine en 1999 : le premier est assuré par le réalisateur Ronny Yu, qui évoquera la production et le tournage du film à Toronto, la pression et les défis entourant la franchise et le personnage de Chucky, ou l’équilibre entre humour et horreur ou son étroite collaboration avec le scénariste et créateur de la série Don Mancini. Plus vivant et surtout beaucoup plus drôle, le deuxième commentaire audio donne la parole à Don Mancini, accompagné pour l’occasion de Brad Dourif et Jennifer Tilly. Les vannes et les rires fusent, ce qui n’empêche pas le trio de reprendre son sérieux en quelques occasions, afin d’évoquer le changement de tonalité du film par rapport aux précédents, des acteurs, des impros sur le plateau, etc. Très agréable !
On continuera ensuite avec une poignée de featurettes d’époque (10 minutes), dont on retiendra surtout les moments volés sur le plateau et une très courte fausse interview de Chucky, au cours de laquelle la poupée évoque à demi-mots l’opulente poitrine de Jennifer Tilly. Enfin, et outre la traditionnelle bande-annonce, ESC Éditions nous propose une présentation du film par Julien Dupuy (21 minutes), qui replacera le film dans son contexte, soulignant la « renaissance » du personnage de Chucky à travers ce film. On regrettera cela dit que le journaliste cède à la tentation – très contemporaine – d’analyser le film à l’aune de l’orientation sexuelle de Don Mancini. II nous semble en effet plus judicieux qualifier de qualifier Don Mancini de cinéaste de l’outrance ou du mauvais goût plutôt que de simplement l’étiqueter « cinéaste gay ». Et puisqu’il justifie son point de vue en citant dans son intervention l’apparition clin d’œil de John Waters dans Le fils de Chucky, on voit de notre côté davantage ce rapprochement comme une façon de souligner une filiation dans la provocation et le pipi-caca plutôt que comme un simple signe d’appartenance à la communauté gay.