La Femme reptile
Royaume-Uni : 1966
Titre original : The Reptile
Réalisation : John Gilling
Scénario : Anthony Hinds
Acteurs : Noel William, Ray Barrett, Jennifer Daniel
Éditeur : Tamasa Diffusion
Durée : 1h31
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 2 août 1967
Date de sortie DVD/BR : 31 octobre 2023
Une épidémie meurtrière se répand dans le village de Clagmoor Heath, au fin fond des Cornouailles. Quand l’obscurité arrive, les victimes sont retrouvées la bave aux lèvres, avec des plaies saillantes au cou. Harry Spalding entame un périple à Clagmoor pour enquêter sur la mort mystérieuse de son frère. Peu aidé des villageois superstitieux, il se lance dans une quête macabre qui le mène au sinistre Dr Franklyn et à sa fille étrange, d’une éclatante beauté…
Le film
[5/5]
S’il est une certitude que La Femme reptile n’est sûrement pas le film le plus ambitieux qu’ait produit la Hammer, il est de ceux qui conservent encore aujourd’hui un charme fou : remarquablement bien écrit (une belle montée en tension vers un climax superbe, malheureusement un peu éventé par le titre français), interprété par une série de « gueules » pas possibles et de jolies filles en nuisettes à froufrous z’affriolants (la blonde angélique, la brune maléfique), à la fière allure gothique (quoiqu’assurément un peu désuète), le film de John Gilling dénote de l’indéniable savoir-faire des vieux briscards qui en sont responsables.
Tourné juste après L’Invasion des morts-vivants, avec le même réalisateur (John Gilling donc), la même équipe technique, quelques acteurs en commun (Michael Ripper, Jacqueline Pearce) et surtout les mêmes lieux de tournage, qu’il s’agisse des décors extérieurs ou du manoir de Oakley Court, également utilisé dans The Rocky Horror Picture Show. Et même si la plupart des fans de la Hammer trouveront le film un peu moins « flamboyant » dans sa réussite que L’Invasion des morts-vivants, il faut tout de même admettre que La Femme reptile se paie certaines séquences absolument géniales et évocatrices, à l’image de ce passage « musical » au cours duquel la jeune femme se met à jouer sur sa cithare le thème annonciateur de mort (que le spectateur entend depuis le début du film), provoquant ainsi la colère irrépressible de son père.
Comme à son habitude, John Gilling fait preuve d’un remarquable savoir-faire (c’est quand même le réalisateur de la formidable Impasse aux violences), et formellement il laisse la part belle à ce que l’on pourrait appeler le « style Hammer », esthétiquement superbe (la lande automnale, le petit village des Cornouailles, le pub pas vraiment accueillant, tout ici évoque The Wicker Man) et sans l’ombre du plus infime second degré.
Au final, La Femme reptile cultive consciencieusement une certaine naïveté, très attachante, prouvant à ceux qui pourraient encore en douter que les qualités de la Hammer Films ne se limitaient pas aux seuls films avec Peter Cushing et Christopher Lee. D’ailleurs, avec le recul, le cinéphile amateur de fantastique ne pourra que convenir du fait que l’écrasante majorité des films de la Hammer sont tout à fait charmants, et possèdent une aura absolument unique. Ils ont certes une patine visuelle que certains pourraient trouver un peu « vieillotte », mais il y a au cœur de ces films un tel degré de passion et une telle volonté de bien faire qu’il est impossible de ne pas admirer.
Le Blu-ray
[4,5/5]
À ce jour, La Femme reptile est uniquement disponible en Blu-ray au sein du coffret Hammer 1966-1969 – l’Âge d’Or, disponible chez Tamasa Diffusion depuis le 31 octobre. Ce coffret est disponible en édition limitée et numérotée à 2000 exemplaires, et nous propose sept films produits par le studio Hammer dans les années 60, dans de superbes versions restaurées. Le coffret contient par ailleurs une poignée de goodies, telles que des cartes reproduisant les affiches originales des 7 films et un livret inédit de 52 pages avec documents, illustrations, photos et affiches. Si vous commandez le coffret sur le site de l’éditeur Tamasa Diffusion, vous pourrez peut-être également recevoir un décapsuleur aux couleurs de la Hammer ainsi qu’un jeu de 3 sous-bocks. Attention, quantités limitées !
Comme dans le cas du coffret Hammer 1970-1976 – Sex & Blood sorti en novembre 2020, on a choisi d’évoquer la sortie de ce coffret majeur en revenant sur chaque film de façon individuelle, dans une série d’articles qui paraîtront dans les jours à venir. Le coffret Hammer 1966-1969 – l’Âge d’Or contient donc sept films, qui étaient tous sortis en France au format DVD en 2005, chez Metropolitan Vidéo, dans la collection « Les Trésors de la Hammer ». Il s’agit des films suivants : Dracula prince des ténèbres (1966), Raspoutine le moine fou (1966), L’Invasion des morts-vivants (1966), La Femme reptile (1966), Dans les griffes de la momie (1967), Frankenstein créa la femme (1967) et Les Vierges de Satan (1968).
Côté Blu-ray, le travail éditorial fourni par Tamasa Diffusion sur les films composant le coffret Hammer 1966-1969 – l’Âge d’Or est d’une solidité à toute épreuve. Même si des taches et autres petits défauts apparaissent de façon occasionnelle, même si les scènes nocturnes et/ou à effets affichent de légères pertes de définition, le grain argentique a globalement été scrupuleusement préservé, la définition est accrue et les couleurs s’avèrent assez sublimes. Les films bénéficient donc indéniablement d’un joli upgrade Haute-Définition, surtout lorsqu’on les compare à leurs équivalents au format DVD. Bref, le résultat s’avère vraiment excellent. Côté son, chaque film du coffret est proposé en VOST uniquement et Dolby Digital 2.0 (mono d’origine). Le rendu acoustique s’avère, dans chaque cas, parfaitement clair, net et sans bavures. On pourra néanmoins regretter la disparition des versions françaises, qui étaient en revanche disponibles sur la plupart des galettes DVD de 2005.
Du côté des suppléments, chaque Blu-ray nous propose, en plus de la traditionnelle bande-annonce, une présentation du film par Nicolas Stanzick, qui s’avère incontestablement « LE » grand spécialiste français de la Hammer, puisqu’il est l’auteur de l’ouvrage de référence Dans les griffes de la Hammer (éditions Bord de l’Eau, 2010). Un deuxième module est présent sur tous les Blu-ray du coffret : il s’agit d’une analyse de séquence par Mélanie Boissonneau, docteure en études cinématographiques, spécialiste de la figure de la « pin-up » au cinéma. Enseignante à l’Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle et à L’École de la Cité, elle travaille également sur le cinéma d’horreur, le sport au cinéma et les super-héroïnes.
Sur le Blu-ray de La Femme reptile, on trouvera donc tout d’abord une présentation du film par Nicolas Stanzick (« Gothique contestataire », 24 minutes), qui reviendra sur la nature originale du monstre, qui ne vient pas des classiques de la Universal mais fut spécialement créé pour le film. Il évoquera ensuite la gémellité du film avec L’Invasion des morts-vivants, et le fait qu’il en constitue une espèce de pendant « bis » et poétique. L’importance du personnage incarné par Michael Ripper permettra enfin à Nicolas Stanzick d’aborder la dimension politique du film, qui nous propose d’assister à une « revanche des sans-grades » baignant dans une sévère critique du colonialisme. On terminera enfin avec une analyse de séquence par Mélanie Boissonneau (« Devine qui vient dîner », 11 minutes), qui nous proposera de revenir sur la fameuse scène de la cithare en décortiquant les cadres, les codes couleurs et le placement des différents personnages.