La Cité de la violence
Italie, France, États-Unis : 1970
Titre original : Città violenta
Réalisation : Sergio Sollima
Scénario : Sergio Sollima, Lina Wertmüller
Acteurs : Charles Bronson, Telly Savalas, Jill Ireland
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h48
Genre : Thriller, Action
Date de sortie cinéma : 16 octobre 1970
Date de sortie DVD/BR : 16 février 2023
Tandis qu’il circule en voiture avec sa compagne Vanessa, le tueur à gages Jeff Heston tombe dans un piège. Blessé, il échoue en prison. Libéré, il ne poursuit désormais plus qu’un double objectif : se venger de ceux qui l’ont trahi et retrouver celle qu’il aime. Sa croisade sanglante débute à la Nouvelle Orléans où la mafia locale l’attend de pied ferme…
Le film
[4/5]
On ne se lassera jamais de répéter à quel point le cinéma de Sergio Sollima, quasiment inconnu en France, mériterait d’être apprécié / réévalué à sa véritable valeur. Fier et intelligent artisan du cinéma populaire italien des années 60 / 70, le cinéaste est de nos jours surtout connu pour les trois westerns spaghetti qu’il a réalisé et qui l’ont imposé, avec les deux autres Sergio (Leone bien sûr et Corbucci), comme l’un des trois plus grands réalisateurs de westerns de l’époque. Mais le talent de Sollima ne s’arrêtait pas uniquement au western, et ceux qui en douteraient encore pourront le vérifier en (re)découvrant La Cité de la violence, formidable polar d’action mettant en scène Charles Bronson et sa femme Jill Ireland.
Quand La Cité de la violence sort sur les écrans en 1970, Charles Bronson a 47 ans, et il n’est pas encore la star du box-office Hollywoodien qu’il deviendrait quelques années plus tard avec Un justicier dans la ville. En revanche, il est déjà une célébrité en Europe, et s’amuse ici avec Sergio Sollima à proposer au spectateur une vision cauchemardesque des États-Unis et de sa violence décomplexée. Ironiquement, le film commence sur un bateau de plaisance, avec une vue paradisiaque sur l’océan, mais le rêve éveillé que semblent vivre Charles Bronson et Jill Ireland lors de cette séquence d’ouverture sera de courte durée, puisque le générique du film se terminera sur une poignée d’arrêts sur image déformés et monochromes, suggérant immanquablement que les tourtereaux sont l’objet d’une étroite surveillance.
Il n’en faut pas d’avantage pour que La Cité de la violence démarre, sur les chapeaux de roues : les deux personnages se voient en effet presque immédiatement projetés à l’écran dans une course-poursuite en voiture, dénuée du moindre dialogue, dans d’étroites rues pavées, sur des routes de campagne vallonnées, et même dans un escalier, avant même que le spectateur puisse découvrir qui ils sont précisément. À l’issue de cette séquence, on apprendra que Bronson, alias Jeff, le tueur à gages, a été trahi par tout le monde. Son avocat (Umberto Ursini) et ses associés (Michel Constantin, George Savalas) ne sont pas fiables, et sa femme, Vanessa, mannequin de mode, l’a trahi.
C’est donc un Charles Bronson ivre de colère et bien décidé à se venger que Sergio Sollima lâche sur la ville au début de La Cité de la violence, et l’impitoyable tueur à gages se lance dans une véritable guerre contre ses anciens alliés ainsi que sur tout l’empire criminel qui l’employait, représenté à l’écran par le personnage de Telly Savalas. Mais cette chasse à l’homme n’est pas une fin ultime pour le personnage de Bronson : ce qui intéresse réellement Jeff, c’est de retrouver sa femme, Vanessa, afin de régler ses comptes avec elle. C’est du moins ce que semble nous suggérer le scénario de La Cité de la violence, écrit par Sergio Sollima et Lina Wertmüller : multipliant les flashbacks, les ellipses et les sauts temporels brusques, il place la relation entre Jeff et Vanessa au centre du récit – même s’il laisse au spectateur le soin de reconstituer l’histoire et d’en déduire les motivations des personnages.
Propulsé par l’entêtante musique d’Ennio Morricone, La Cité de la violence évolue de manière inéluctable et destructrice, à la manière d’une pulsion de mort. Une des grandes forces du film de Sollima est de toujours aller de l’avant, notamment par le biais d’impressionnantes séquences d’action sans dialogues : après la poursuite en voiture dans les îles Vierges, on aura ensuite droit à un l’impressionnant assassinat d’un pilote de course, et le point culminant arrivera lors du climax du film, au cours duquel Jeff descend au fusil à lunette les occupants d’un ascenseur en verre montant le long d’un gratte-ciel. Ces séquences sans dialogue préfigurent d’ailleurs largement le tueur que camperait Bronson dans le film de Michael Winner Le flingueur en 1972.
Le Combo Blu-ray + DVD + Livret
[5/5]
Débarquant dans une sublime Édition Collector « Médiabook » Blu-ray + DVD + Livret sous les couleurs de Sidonis Calysta, La Cité de la violence s’offre enfin une occasion d’être redécouvert en France. Et quelle redécouverte ! L’image restaurée est en effet de toute beauté, affichant un grain préservé, des couleurs superbes et une excellente profondeur de champ. Les contrastes sont fins et affirmés, et le master semble plutôt débarrassé des principaux dégâts infligés par le temps (jaunissement, taches ou autres griffes…). Bref, la restauration est de qualité, et on ne note pas d’utilisation excessive du réducteur de bruit ni amélioration des contours : le résultat est extrêmement satisfaisant. Côté son, la bande-son est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, mono d’origine. Les dialogues sont clairs et bien découpés, et la musique entêtante d’Ennio Morricone est bien mise en avant. Du très beau travail.
Du côté des suppléments, on notera tout d’abord un livret de 32 pages intégré à l’étui rédigé par Olivier Père. Ce dernier y évoquera la déconstruction du Film Noir proposée par Sergio Sollima et Lina Wertmüller, l’édification du « mythe » autour de Charles Bronson ou encore l’influence de certains films, tels que Le Point de non-retour (John Boorman, 1967), La Griffe du passé (Jacques Tourneur, 1947) ou encore Le Samouraï (Jean-Pierre Melville, 1967). Sur le Blu-ray à proprement parler, on commencera avec une analyse de séquences par Jean-Baptiste Thoret (32 minutes) : l’ensemble est essentiellement basé sur la notion de « fragmentation » et les apparences trompeuses au cœur du film. Thoret décortiquera avec brio une poignée de scènes du film, parmi lesquelles la scène d’ouverture et la fameuse scène de l’ascenseur. On embrayera ensuite avec une présentation du film par François Guérif (13 minutes), qui reviendra sur l’histoire d’amour au cœur du film et la façon dont Sollima détourne les codes du Film Noir pour la mettre au centre du métrage. On continuera ensuite avec un entretien avec le réalisateur Sergio Sollima (15 minutes), qui reviendra sans langue de bois sur les réécritures du script original ainsi que sur le tournage aux États-Unis. Sergio Sollima expliquera également que le film n’avait pas, à l’origine, été prévu pour Charles Bronson, et reviendra brièvement sur la personnalité de l’acteur. Il évoquera également son travail sur les scènes d’action ainsi que sa collaboration avec Ennio Morricone. Enfin, et outre la traditionnelle bande-annonce, on trouvera sur le Blu-ray un court reportage d’époque sur le tournage du film (1 minute).