Test Blu-ray : La Chair et le Sang – Édition « Ultra Collector »

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2002

La Chair et le Sang – Édition « Ultra Collector »

États-Unis, Pays-Bas, Espagne : 1985
Titre original : Flesh+Blood
Réalisation : Paul Verhoeven
Scénario : Gerard Soeteman, Paul Verhoeven
Acteurs : Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Tom Burlinson
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 2h08
Genre : Drame, Historique
Date de sortie cinéma : 2 octobre 1985
Date de sortie DVD/BR : 19 avril 2022

Europe de l’Ouest, 1501. Une troupe de mercenaires menée par le charismatique Martin est engagée par le seigneur Arnolfini pour l’aider à reprendre possession de son fief. En échange, il leur permet de faire main basse sur sa ville vingt-quatre heures durant. Mais Arnolfini ne respecte pas sa promesse et chasse la bande, qui jure de se venger. Pendant ce temps, le seigneur fait venir la jeune Agnes qu’il destine à son fils Steven. Le jour de leur rencontre, les mercenaires attaquent le convoi. Restée cachée, Agnes se retrouve aux mains de la terrible bande de Martin…

Le film

[5/5]

Unique film historique de la carrière de Paul Verhoeven, La Chair et le Sang est en quelque sorte le petit orphelin de sa filmographie. Pourtant, il est extrêmement représentatif du style du cinéaste. Non seulement parce qu’il permet à Verhoeven de retrouver l’équivalent pictural des peintures flamandes du XVIème siècle, mais également parce que La Chair et le Sang est le film de tous les excès, tout en restant ultra-réaliste jusque dans ses sous-intrigues les plus mineures…

La Chair et le Sang s’impose en effet comme une description authentique du début du XVIème siècle. Les auteurs, Gerard Soeteman et Paul Verhoeven, mettaient un point d’honneur à être rigoureux en ce qui concerne la véracité historique :

« Nous avons effectué une recherche historique très poussée. Nous nous sommes inspirés de toute la documentation que nous avions amassée sur cette époque : livres, croquis, dessins, peintures. (…) Cela nous a permis de nous imprégner de l’histoire sans déborder de la réalité historique. Par exemple, le fait de découper le chien mort et de le jeter par-dessus le mur du château, était monnaie courante au Moyen-Âge. Si les assaillants d’une cité ne pouvaient la prendre de front, ils utilisaient cette tactique : trouver un certain nombre d’animaux morts, si possible contaminés par la peste, et les balancer dans l’enceinte de la ville pour qu’une épidémie se déclenche. Ainsi la ville se rendait. C’était une guerre bactériologique. C’est un concept étonnant, car on croit que la terreur est née avec notre siècle. »

Et au cœur de La Chair et le Sang, il y a cette époque ; le XVIème siècle, qui devient quasiment un personnage, peut être le personnage principal de cette fresque barbare. Époque troublée, époque trouble, le XVIème siècle représente à lui-seul tous les paradoxes et les enjeux de Verhoeven le cinéaste. Époque coincée entre le moyen âge le plus barbare et l’époque de la Renaissance, représentant le progrès. Une époque coincée entre les instincts les plus bestiaux et la tentation de s’élever intellectuellement… Comme le déclarera Verhoeven lui-même à la sortie du film :

« Il y a un personnage dans le film appelé Stephen, le fils du conquérant Arnolfini, que l’on peut considérer comme un savant moderne. Le film se situe en 1501 et c’est justement l’époque à laquelle l’obscur Moyen-Âge disparaît peu à peu alors que commence à percer la clarté de la Renaissance. Stephen est le prototype de l’homme dont le corps est encore, en partie, plongé dans le Moyen-Âge mais qui perçoit la lumière de la science et d’autres nouveautés qui existent, bien sûr, à l’heure actuelle. Il s’agit d’un homme de la Renaissance. »

Fidèle à sa sensibilité européenne, Paul Verhoeven ne s’est pas contenté de livrer un simple film d’aventures sur grand écran teinté d’heroic fantasy avec des combats à l’épée, des demoiselles en détresse, des châteaux forts et des batailles rangées. La Chair et le Sang est un film d’une insaisissable singularité, évitant la classique opposition entre valeureux héros et cruels méchants pour créer un film de guerre à la moralité sophistiquée. A travers le prisme de Verhoeven, les lignes de la morale sont définitivement brouillées, le film dessinant notamment les contours d’un triangle amoureux central entre Agnès (Jennifer Jason Leigh), Martin (Rutger Hauer) et Stephen (Tom Burlinson). Mais La Chair et le Sang évoque aussi et surtout une époque de désespoir, où le sexe, la violence, le meurtre et la religion sont utilisés pour manipuler et contrôler, pour obtenir le pouvoir et dominer les naïfs :

« Nous avons tous en tête une idée romantique du Moyen-Âge, mais c’est insensé. À cause des histoires héroïques du genre de celles de la légende du Roi Arthur… Mais c’est de la littérature, une réalité fantasmée. La Chair et le Sang est un anti-conte de fées. »

D’un point de vue visuel, comme les grands peintres flamands, Paul Verhoeven cherche la beauté dans ce monde de chaos, mais sans chercher à masquer la laideur et l’abjection. Dans sa quête de nous proposer un tableau vaste et réaliste de l’époque, il s’efforce également de rendre ses personnages profondément humains, les compromettant intentionnellement dans des situations qui ne les rendent pas sympathiques, afin que le spectateur soit amené à se concentrer sur l’ensemble du tableau plutôt que de simplement s’identifier à tel ou tel personnage. Cette approche permet d’ailleurs d’exposer très facilement l’hypocrisie de ce que les films d’Heroic Fantasy glorifient généralement. Dans La Chair et le Sang est un, les notions de bien et de mal n’existent tout simplement pas :

« Vous savez, Nietzsche s’est largement exprimé sur ce sujet dans Par-delà le bien et le mal, mais, en fait, il n’y a pas de bien et de mal. Ce n’est qu’une perspective philosophique et, si l’on en change, la frontière entre le bien et le mal n’est plus la même. (…) J’ai commencé ma carrière en Hollande en réalisant un documentaire sur Mussert, le leader du nazisme allemand en Hollande durant la guerre. Ce documentaire a été extrêmement controversé parce que là où le public s’attendait à ce que je sois très subjectif, j’ai au contraire conservé un ton définitivement neutre. Je n’ai pas dit qu’il s’agissait d’un chic type, j’ai simplement permis de visualiser ce que nous savions de lui, d’où il provenait, ce qu’était son idéologie et pourquoi il en était arrivé à de telles convictions extrémistes. Je n’avais pas à faire de commentaires, c’est à chacun de faire son jugement. De toute façon, on ne devient pas collaborateur d’Hitler par hasard ! »

Vous l’aurez compris, La Chair et le Sang est un chapitre capital de la carrière maculée de gore de Paul Verhoeven – un long-métrage barbare qui envoyait un message clair à une industrie qui n’a souvent pas su quoi faire de lui, et qui lui ouvrirait finalement les portes d’Hollywood, où il pourrait donner libre cours à ses fantasmes de science-fiction quelques années plus tard avec Robocop et Total Recall. Il y a dix ans, nous testions en d’autres lieux le premier Blu-ray de La Chair et le Sang. Aujourd’hui, le film s’en va tout doucement fêter ses quarante ans, et comme nous le remarquions déjà à l’époque, les années qui passent ne semblent avoir aucune prise sur l’œuvre de Paul Verhoeven. Alors que des tas de films semblent dépassés l’année même de leur sortie, ceux du batave enragé gardent un mordant inouï, même plusieurs décennies après leur sortie. C’est encore le cas de La chair et le Sang, sa fresque barbare aux relents SM, qui réussit encore à gagner en force tragique et mythologique au fil des visionnages.

Le Coffret Blu-ray + DVD + Livre

[5/5]

Il y a quasiment sept ans maintenant, Carlotta Films inaugurait sa collection « Éditions ULTRA COLLECTOR » avec la sortie de Body double. Aujourd’hui, La Chair et le Sang est le vingt-deuxième film à intégrer les rangs de cette prestigieuse collection de Blu-ray. Il s’agit d’une édition limitée, numérotée à 3 000 exemplaires, dont le visuel a été créé exclusivement pour cette édition par le talentueux Pete Lloyd. On notera donc d’entrée de jeu la classe absolue de cet imposant coffret, contenant un gros livre (160 pages tout de même) intitulé « Comment survivre », passionnant ouvrage rédigé par Olivier Père et François Cognard, et incluant 40 photos d’archive. Le livre est présenté comme un vrai livre de cinéma, avec une belle couverture cartonnée, glissé dans un étui à l’italienne. On a donc entre les mains un véritable et bel objet de collection, auquel l’éditeur rajoute une poignée de suppléments inédits à cette édition.

Pour cette nouvelle édition, La Chair et le Sang a bénéficié d’une belle restauration et d’un transfert 1080p qui devrait fort logiquement faire définitivement oublier la précédente édition Blu-ray du film, sortie en 2012, qui ne respectait pas le cadencement « cinéma » à 24 images / secondes. Côté définition et aspect général, le Blu-ray nous propose une image assez superbe, au grain fin efficacement retranscrit et pourvue d’un niveau de détails plutôt élevé. L’image ne parait pas avoir été inutilement filtrée et offre ainsi un rendu visuel agréable, tout en conservant la granulation d’origine. L’image est par ailleurs parfaitement stable et propre. Côté son, c’est la classe également : la VF ainsi que la VO d’origine nous sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 très fidèles au rendu acoustique d’origine, et pleinement satisfaisants.

Du côté des suppléments, en plus du livre inédit de 160 pages inclus dans ce coffret « ULTRA COLLECTOR », Carlotta Films nous propose de revoir le film avec un commentaire audio de Paul Verhoeven (VOST). Très instructif et sans langue de bois, les propos de Verhoeven nous proposent une quantité impressionnante d’informations sur la production contrariée du film, mais également sur ses différents montages et sa distribution, ainsi que sur sa réception aux Etats-Unis et en Europe. On continuera ensuite avec un entretien avec Paul Verhoeven (22 minutes). Le maestro y reviendra sur ses intentions et sur les difficultés rencontrées pour monter le film et ses embrouilles avec Rutger Hauer, mais également son intérêt pour l’Histoire, les influences picturales de La Chair et le Sang ou encore sa conception de la religion. Le tout avec un poil de provoc, comme à son habitude. Mais ce n’est pas tout : Carlotta est également allé nous dégoter un entretien avec Gerard Soeteman (18 minutes), au cœur duquel le scénariste évoquera l’idée initiale du film, ainsi que certains des détails historiques factuels ayant été recréés dans le film. Il évoquera également la violence générale de La Chair et le Sang et la performance des acteurs, et en particulier de Jennifer Jason Leigh. Enfin, en complément de la traditionnelle bande-annonce, on terminera avec un entretien avec Basil Poledouris (13 minutes). Le regretté compositeur reviendra sur ses premières impressions sur le film, et notamment du fait que le film ne comporte pas le clivage conventionnel entre les « bons » et les « méchants ». Il reviendra ensuite sur sa rencontre et sur sa collaboration avec Paul Verhoeven pour composer la musique du film, et évoquera la structure harmonique de sa remarquable bande originale.

2 Commentaires

  1. Bonjour jhudson, le Blu-ray de 2012 avait quand même le gros défaut d’être proposé en 1080i, et donc de ne pas respecter le cadencement cinéma à 24 images/secondes. Rien que pour ça, on ne peut que se réjouir d’une nouvelle édition du film !

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