Test Blu-ray : L’été en pente douce

0
2825

L’été en pente douce

France : 1987
Titre original : –
Réalisation : Gérard Krawczyk
Scénario : Gérard Krawczyk, Jean-Paul Lilienfeld
Acteurs : Pauline Lafont, Jean-Pierre Bacri, Jacques Villeret
Éditeur : Tamasa Diffusion
Durée : 1h40
Genre : Drame, Comédie
Date de sortie cinéma : 29 avril 1987
Date de sortie DVD/BR : 10 juin 2022

En échange d’un lapin cédé à son voisin, Fane reçoit Lilas, brave fille innocente et sensuelle, avec laquelle il décide de partir, tout plaquer pour rejoindre la maison familiale, dans le sud de la France, où il retrouve son frère, Momo. Il débarque le jour de l’enterrement de sa mère. La tenue légère de la pulpeuse Lilas ne manque pas de choquer les bigotes du village. Les problèmes commencent…

Le film

[5/5]

Profondément ancré dans la France des années 80, avec ses personnages de prolos en mode « Bidochon » sirotant de la Heineken en canettes et les posters de Rambo 2 sur les murs, L’été en pente douce balance à la face du spectateur une certaine idée de la classe populaire, à la fois radicale et extrêmement réaliste, qui surprend souvent par sa modernité tout autant que par le fait qu’elle n’a finalement pas si souvent été représentée d’une façon si frontale au cœur du cinéma français – à part peut-être chez le Bertrand Blier de la deuxième moitié des années 70, époque Les Valseuses (1975) / Préparez vos mouchoirs (1978).

Avec L’été en pente douce, Gérard Krawczyk nous proposait donc une adaptation, co-signée avec Jean-Jacques Lilienfeld, du roman éponyme de Pierre Pelot, grand nom du polar et de la littérature populaire française, que les amateurs des collections « Gore » ou « Spécial Police » de chez Fleuve Noir connaissent bien. Le récit, étouffant et torride à plus d’un titre, nous plonge en plein cagnard dans le trou du cul de la France profonde : Stéphane, alias Fane (Jean-Pierre Bacri, impérial), revient dans son village natal, une bourgade perdue quelque-part dans le Sud. Il est accompagné de Lilas, jeune femme à l’apparence et aux mœurs légères (Pauline Lafont), qui créera un électrochoc chez les ploucs locaux. L’irruption de cette jeune femme dans la chaleur malsaine de l’été va en effet exacerber les systèmes nerveux et les vices de tout le monde, le tout s’articulant autour d’une maison laissée en héritage à Fane et à son frère Mo (Jacques Villeret), qui se trouve être placée pile entre les deux garages des frères Voke, André et Olivier (Guy Marchand et Jean Bouise).

Illuminé par la sublime photo de Michel Cenêt, L’été en pente douce est un drame de la jalousie et de la haine – Gérard Krawczyk parvient à créer et à maintenir une tension sourde de la première à la dernière image de son film, qui tient finalement autant du polar (d’ailleurs, Fane tente d’y écrire un roman policier) que du western, tendance spaghetti – une influence que l’on retrouve à la fois dans les personnages crasseux, dégoulinants de sueur qui peuplent le film, mais également dans ses superbes cadrages en Scope ainsi que dans la musique de Roland Vincent, qui en rajoute souvent un peu dans le côté « Duel au soleil » de certaines séquences grâce à ses airs à l’harmonica. Malicieux, Krawczyk fait également régulièrement fonctionner son film en miroir avec L’été meurtrier, autre chronique criminelle et sulfureuse d’un été français, mais oriente sa tonalité vers davantage de réalisme dans la peinture des mœurs des français de l’époque, quitte à parfois verser dans la comédie pure et simple.

Mais la splendide réussite de L’été en pente douce tient également à ses dialogues, simples, drôles et attendrissants, qui contiennent une poignée de punchlines qui feraient date dans l’histoire du cinéma français : on pense naturellement à « la nature » telle que prononcée par Jacques Villeret. Brillants et vraiment percutants, les dialogues du film révèlent également à leur façon la complexité des protagonistes du récit, tout autant que leurs difficultés à comprendre ou à appréhender le monde. De fait, les personnages s’avèrent tous extrêmement attachants, et bénéficient d’une construction à l’écran assez progressive, qui nous permettra finalement de rapprocher, par exemple, Fane et Mo du couple George / Lennie des Souris et des Hommes de John Steinbeck. Malgré le côté enfiévré de l’intrigue et la rugosité des attitudes, la sincérité et la simplicité désarmante des sentiments est vraiment une des particularités de L’été en pente douce – on pense évidemment également à Lilas qui, malgré une façon d’être (involontairement ?) aguicheuse, se révèle avant tout une jeune femme très sensible, naïve, qui souhaite juste se marier et qu’on arrête de lui taper dessus.

En partie porté par la prestation extraordinaire de Pauline Lafont (dont le destin tragique et la disparition en 1988 à l’âge de seulement 25 ans a probablement contribué à rendre le film légendaire), L’été en pente douce demeure, trente-cinq ans après sa sortie, un véritable chef d’œuvre du cinéma populaire français, dont la popularité ne se dément pas au fil des années. Ainsi, outre les 786.000 entrées enregistrées dans les salles obscures en 1987, le film ne ne cesserait par la suite de réunir et d’étonner le public, notamment au fil de ses passages à la TV. Lors de sa diffusion sur France 5 en novembre 2020, L’été en pente douce a encore attiré rien de moins que 1,2 million de téléspectateurs. Plutôt pas mal, non ?

Le Blu-ray

[4/5]

Si Tamasa Diffusion est indéniablement un éditeur discret, notamment sur le front de la Haute-Définition, on ne pourra que reconnaître l’impressionnante richesse de son catalogue, ne proposant quasiment « QUE » des films indispensables à tout cinéphile qui se respecte. On avoue qu’on a loupé beaucoup de classiques français ou italiens sortis en HD chez Tamasa ces dernières années, à notre grand désespoir d’ailleurs, peut-être à cause de sa discrétion justement. Cependant, grâce à son absolument remarquable attachée de presse, on vous propose aujourd’hui un test Blu-ray « de rattrapage » pour L’été en pente douce, qui est en réalité déjà disponible à la vente depuis plus de deux mois.

Et si l’on considère volontiers le film de Gérard Krawczyk comme un véritable chef d’œuvre, nous ne somme visiblement pas les seuls : L’été en pente douce s’est en effet offert une restauration 4K assurée par L’Image Retrouvée (Paris), et qui dit restauration 4K dit forcément lifting Haute-Définition sur une galette Blu-ray absolument somptueuse. On ne pourra que s’incliner devant le travail de restauration, tout autant que devant le soin apporté au transfert de l’image par Tamasa Diffusion. Le master de L’été en pente douce affiche de fait une forme littéralement insolente : beau piqué, couleurs éclatantes, contrastes affirmés, profondeur de champ et niveau de détail accru… Le tout est encore sublimé par une granulation argentique parfaitement préservée : un superbe travail pour un film qui le méritait amplement. Côté son, la version française est proposée en Dolby Digital 2.0 mono d’origine, et nous propose un mixage solide, clair et parfaitement équilibré.

Dans la section bonus, on se régalera d’un passionnant entretien avec Gérard Krawczyk (40 minutes). Le réalisateur y reviendra tout d’abord sur son parcours professionnel, et par la façon inattendue dont il est arrivé au cinéma. Il évoquera l’engouement autour de son premier court-métrage, ainsi que l’expérience de son premier long, le trop méconnu Je hais les acteurs. Il abordera ensuite ses souvenirs de L’été en pente douce : le désistement de Coluche, parti pour un film qui ne se ferait finalement jamais, le roman de Pierre Pelot, le scénario, la musique, le tournage, marqué par les problèmes de boisson de Jacques Villeret… Enfin, dans la dernière partie de l’entretien, il reviendra sur les problèmes qu’il a rencontrés après le film de 1987, notamment dus au fait qu’il était contractuellement lié à un producteur qui rejetait systématiquement ce que Gérard Krawczyk lui proposait : on apprendra notamment qu’il devait à l’origine réaliser Cuisine et Dépendances, mais que le film se ferait finalement sans lui. On terminera le tour des suppléments avec la traditionnelle bande-annonce.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici