Incubus
Canada : 1981
Titre original : –
Réalisation : John Hough
Scénario : George Franklin
Acteurs : John Cassavetes, John Ireland, Kerrie Keane
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h33
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 24 février 1982
Date de sortie DVD/BR : 26 juin 2020
Une petite ville américaine est le théâtre d’une série de meurtres et de viols d’une rare violence. Le violeur n’a jamais été identifié. La police commence à suspecter le jeune Tim Galen, un individu à la psychologie fragile dont les nuits sont hantés par des cauchemars…
Le film
[3,5/5]
S’il n’a jamais réellement osé sauter le pas du cinéma fantastique en tant que cinéaste, John Cassavetes n’a en revanche jamais hésité, en tant qu’acteur, à se vautrer dans les affres surnaturelles d’un certain cinéma horrifique des années 70/80. Si l’on pense bien sûr automatiquement à ses prestations chez Polanski (dans Rosemary’s baby) ou chez De Palma (Furie), on en oublie souvent le pourtant très intéressant Incubus, film d’horreur canadien réalisé par le britannique John Hough en 1981.
On connaît surtout John Hough pour Les sévices de Dracula (1971) et une poignée d’épisodes qu’il a réalisés pour la série Hammer Histoires singulières. Réalisateur accompli et souvent très intéressant, il a néanmoins mis en scène une poignée d’autres films populaires assez indispensables : le road movie Larry le dingue, Mary la garce, le très sympathique film d’horreur La maison des damnés, le western Le triomphe d’un homme appelé Cheval, ainsi que trois productions Disney : La montagne ensorcelée, sa suite Les visiteurs d’un autre monde et finalement le passionnant Les yeux de la forêt. Enfin, en 1981, il s’envolait au Canada pour se lancer dans une production aussi sanglante que singulière, Incubus.
Influencé tout à la fois par le giallo italien – les outrances, le modus operandi de l’incube, « éclateur d’utérus » – et par les balbutiements du slasher US – la scène d’ouverture ne saurait mentir – Incubus surprend néanmoins dans son déroulement, tout autant que dans la représentation tout à fait singulière qu’il propose de la famille américaine, très œdipienne et dont la proximité pourra occasionnellement mettre le spectateur vaguement mal à l’aise. Le jeu de John Cassavetes en lui-même aura d’ailleurs de quoi régulièrement déstabiliser le spectateur, voire le mettre mal à l’aise, dans ses mimiques et autres grimaces dont le sens nous échappe, dans ses regards fixes et injectés de sang, dans ses sourires figés et artificiel. Voilà un acteur qui personnifie à lui-seul le concept d’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche) cher à Freud.
De fait, Incubus vaudra surtout le détour bien d’avantage pour son atmosphère et sa mise en scène que pour son intrigue et son interprétation, flirtant trop ouvertement avec le bizarre pour réellement convaincre sur la durée. Néanmoins, John Hough assure visuellement le spectacle, saupoudrant son film d’une poignée de plans et de séquences très étonnants, et développant même dans sa dernière bobine un côté « organique » dans l’horreur grand guignol qui évoquera volontiers un gothique teinté de visions presque Lovecraftiennes. Une sacrée curiosité, aussi excessive que fréquentable, d’autant que les amateurs de hard rock remarqueront sans doute la courte apparition à l’écran de Bruce Dickinson, mythique chanteur du groupe Iron Maiden.
Le Combo Blu-ray + DVD + Livret
[4,5/5]
Disponible à partir du 26 juin chez Rimini Éditions, le Blu-ray de Incubus impose sans peine une présentation assez superbe, qui dénote d’une volonté forte de la part de l’éditeur de mettre en avant ce film méconnu – mais passionnant – signé John Hough. Côté master, on retrouve une copie Haute Définition certes perfectible, mais globalement propre : si certains plans « à effets » (fondus enchainés, mentions écrites) dénotent d’une légère baisse de définition, le reste du métrage affiche une belle pêche, avec un grain cinéma préservé et une définition et un piqué satisfaisants. Les plans nocturnes ou en basse lumière rencontrent par moments de petits soucis de contrastes, mais dans l’ensemble, il y a de quoi se montrer heureux, surtout si l’on considère que le film était jusqu’ici inédit en DVD en France. Côté son, la version française d’origine côtoie donc la VO, toutes deux en DTS-HD Master Audio 2.0 : les deux proposent des dialogues clairs et sans (trop de) souffle parasite ; on préférera néanmoins la version originale, plus ample et efficace, à la version française, qui souffre par ailleurs de légères distorsions sonores par ci par là.
Du côté des suppléments, l’éditeur nous propose, en plus de la traditionnelle bande-annonce, une série d’interviews avec l’équipe du film. On commencera avec un entretien avec John Hough (27 minutes), qui reviendra assez longuement sur sa carrière et ses débuts en tant que réalisateur. Il reviendra également sur sa rencontre avec John Cassavetes sur le tournage de La cible étoilée, ainsi que sur son goût immodéré pour l’improvisation qui avait à l’époque créé de vives tensions avec Sophia Loren. Se retrouvant sur Incubus, Hough et Cassavetes ont donc décidé de jeter le script avant le tournage et de partir en impro et total freestyle, en roue libre, ce qui se ressent un peu il faut bien l’avouer. Cette anecdote sera d’ailleurs confirmée dans l’entretien avec Kerrie Keane (21 minutes), au cœur de laquelle l’actrice, enjouée et sympathique, évoquera son parcours d’actrice et ses débuts au cinéma dans Incubus. Si elle s’amuse beaucoup de la situation, elle semble considérer que les constantes improvisations imposées par Cassavetes sur le film l’ont empêché de jouer son rôle à 100%. Elle est pourtant la meilleure actrice du film, la plus crédible et la plus habitée par son rôle. On terminera enfin par un entretien avec le directeur de la photographie Albert J.Dunk (27 minutes). Lui aussi reviendra sur sa formation et son précoce pour la photographie et pour le cinéma après sa découverte à la télévision de 20.000 lieues sous les mers. Il partagera ensuite quelques souvenirs du tournage d’Incubus. Très intéressant !
On notera par ailleurs qu’en plus des suppléments présents sur le Blu-ray, Rimini Éditions nous propose de nous jeter à corps perdu dans la lecture du livret inédit de 20 pages sur le film, naturellement rédigé par l’incontournable Marc Toullec. Si sa réhabilitation du film ne semble guère convaincue, le livret aura cependant le mérite de nous proposer de larges extraits d’interviews de John Hough, souvent passionnants.