Hiruko the Goblin
Japon : 1991
Titre original : Yokai hanta – Hiruko
Réalisation : Shin’ya Tsukamoto
Scénario : Koji Tsutsumi, Shin’ya Tsukamoto
Acteurs : Kenji Sawada, Masaki Kudou, Hideo Murota
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h29
Genre : Horreur
Date de sortie DVD/BR : 2 avril 2024
Un professeur de lycée et son élève disparaissent mystérieusement pendant les vacances d’été. Mais auparavant M. Yabe avait contacté Reijiro Hieda, archéologue aux méthodes excentriques, pour lui faire part d’une étrange découverte qu’il venait de faire. Le scientifique débarque alors dans le village et part à la recherche de son ami aux côtés du jeune Masao, le fils du professeur. Ensemble, ils vont découvrir que le lycée se trouve au-dessus d’un ancien tumulus qui pourrait bien être une porte souterraine de l’enfer…
Le film
[4/5]
Une caméra 16MM et dix bobines de film noir et blanc : c’est ce dont disposait Shin’ya Tsukamoto quand il a commencé le tournage de Tetsuo, dans la plus totale indépendance. Écrit, réalisé, éclairé, interprété et monté par Tsukamoto lui-même, en grande partie auto-financé et tourné dans l’appartement de l’actrice principale, Tetsuo sortirait finalement en 1989, et ferait l’effet d’une bombe dans le monde entier. Ayant fait forte impression au Pia Film Festival de Tokyo, le film permit à Shin’ya Tsukamoto d’attirer l’attention de producteurs de la Shochiku qui lui confièrent la réalisation d’Hiruko the Goblin, une comédie horrifique basée sur un manga de Daijirô Morohoshi.
Hiruko the Goblin fut ainsi l’occasion pour le jeune cinéaste de s’essayer à un cinéma plus conventionnel, tout en bénéficiant d’un budget et d’infrastructures plus confortables. Le tournage s’est ainsi en partie déroulé dans la ville d’Asahi, un petit bourg du district de Shimoniikawa, et en partie sur un plateau de tournage de la Toho. Shin’ya Tsukamoto travaillerait à partir d’un scénario signé Koji Tsutsumi, qu’il remanierait en grande partie, et le tournage du film fut assez mouvementé, les membres de l’équipe se plaignant de devoir travailler sous la direction d’un réalisateur qu’ils considéraient comme trop jeune.
Par ailleurs, la légende autour du tournage d’Hiruko the Goblin raconte que Tsukamoto en serait venu aux mains avec Hideo Murota, l’interprète de Watanabe, le concierge de l’école, qui refusait de suivre ses instructions ; en raison de dépassement de budget, les membres de l’équipe auraient également été contraints de terminer le film sans être payés. Ces tensions internes ne se ressentent cela dit aucunement à la (re)découverte du film, qui s’avère, plus de trente ans après sa sortie, toujours aussi amusant et remarquable.
En France, Hiruko the Goblin avait bénéficié au début des années 90 d’une petite couverture médiatique de la part de la presse spécialisée, et en particulier du magazine Mad Movies. Cela dit, c’est surtout grâce au coup de projecteur que lui donnerait l’immense Jean-Pierre Dionnet que le film trouverait enfin son public dans l’hexagone, avec une sortie au format DVD en 2002 sous les couleurs de sa collection Asian Classics. Parfaitement conscient du rôle joué par Jean-Pierre Dionnet dans la découverte du cinéma de Shin’ya Tsukamoto en France, Carlotta Films a d’ailleurs repris les suppléments de l’édition Asian Classics pour cette nouvelle édition Blu-ray du film.
Hiruko the Goblin est sans doute l’un des films les plus conventionnels des premières années de carrière de Shin’ya Tsukamoto, mais il n’en demeure pas moins tout à fait passionnant. On sent que le cinéaste, qui bénéficie enfin de moyens techniques suffisants, est vraiment désireux de traduire à l’écran toute sa fougue créative. De fait, le film ne tient littéralement pas en place, enchainant les scènes d’action, l’humour et les moments effrayants, tout en parsemant son film de clins d’yeux évidents au classique Evil Dead de Sam Raimi : on pense bien sûr ici à la mystérieuse force maléfique montrée en caméra subjective, ou à l’utilisation d’une tronçonneuse par le personnage de Masaki Kudou.
D’ailleurs, on ne pourra que saluer les prestations du casting, et en particulier de Kenji Sawada et Masaki Kudou, qui sont constamment sur le fil entre le drame, la tension et la comédie, et livrent au spectateur des performances mémorables. Le scénario, classique mais inventif, fait la part belle aux personnages, le rythme est bien tenu, mais Hiruko the Goblin est surtout réputé pour ses effets spéciaux, signés Satoshi Narumi et Takashi Oda, qui s’avèrent imaginatifs et complètement barrés – encore aujourd’hui, et en dépit des limites évidentes des effets spéciaux, la fameuse araignée à tête humaine demeure une petite merveille visuelle qui risque de vous hanter bien longtemps. D’une manière générale, les créatures que nous donne à voir le film sont parmi les plus impressionnantes créées dans les années 90, tous pays confondus.
Le production design est clairement mis en valeur par la photo du film signée Masahiro Kishimoto, qui alterne les passages bucoliques et colorés et les passages plus sombres, notamment dans le tombeau, qui développent une esthétique plus complexe et effrayante. Cet équilibre entre lumière et obscurité, développé tout au long du film par Shin’ya Tsukamoto et Masahiro Kishimoto est à l’image de la tonalité générale d’Hiruko the Goblin : quelque-part entre le rire et la terreur. Une réussite totale, à (re)découvrir de toute urgence !
Le Blu-ray
[4/5]
Afin de fêter comme il se doit la redécouverte d’Hiruko the Goblin, Carlotta Films se devait de nous livrer une galette Haute-Définition exemplaire. Le film a été restauré en 2K, et cela se voit : l’ensemble affiche une belle pêche, avec un grain scrupuleusement préservé, un piqué accru, mais aussi des couleurs et des noirs très intenses et soignés. Côté son, la VO japonaise nous est proposée en DTS HD Master Audio 1.0 mono d’origine. La bande sonore est stable, nette et équilibrée. En deux mots comme en cent, le travail de restauration qui nous est proposé ici par Carlotta est propre et absolument remarquable : le film n’en méritait pas moins !
Du côté des suppléments, on retrouvera tout d’abord avec plaisir les suppléments issus de l’édition DVD du film, sortie en 2002 sous les couleurs de StudioCanal. On commencera avec la présentation du film par Jean-Pierre Dionnet (4 minutes), qui replacera Hiruko the Goblin dans l’histoire du film de fantômes japonais. On enchaînera avec deux entretiens avec Shin’ya Tsukamoto (13 minutes au total), au cœur desquels le réalisateur reviendra sur la nature du film, qui n’était pas, malgré une croyance répandue, réellement une commande. Il évoquera également les effets spéciaux du film, et dans le second entretien, reviendra sur la place un peu à part qu’occupe le film dans sa filmographie, et l’influence qu’ont pu avoir les séries shonen de sa jeunesse. On continuera ensuite avec un entretien avec Takashi Oda (4 minutes), dans lequel le responsable des effets spéciaux et du maquillage reviendra sur sa collaboration avec le réalisateur, et une featurette d’archive sur les effets spéciaux (2 minutes) nous donnant à voir Takashi Oda à l’œuvre sur ses créatures. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.