Halloween III – Le sang du sorcier
États-Unis : 1982
Titre original : Halloween III – Season of the Witch
Réalisation : Tommy Lee Wallace
Scénario : Nigel Kneale, Tommy Lee Wallace, John Carpenter
Acteurs : Tom Atkins, Stacey Nelkin, Dan O’Herlihy
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h38
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 9 mars 1983
Date de sortie DVD/BR : 20 décembre 2019
Il se passe des choses bien étranges à Santa Mira, petite ville d’apparence tranquille. Suite à l’assassinat de l’un de ses patients, le Dr Daniel Challis vient y enquêter, accompagné d’Ellie Grimbridge, la fille du défunt, déterminée à retrouver les coupables. La présence d’un masque de Halloween près de l’homme assassiné conduit le duo jusqu’à l’usine de jouets dirigée par l’inquiétant Conal Cochran, protégé par une garde rapprochée d’androïdes…
Le film
[4/5]
1983, l’année des trois ! Outre bien sûr la naissance du fameux bébé à trois couilles à la maternité de Saint-Cloud cette année-là, l’année 1983 a également vu débarquer en France tout plein d’autres multiples de trois : Le retour du Jedi (aka Star Wars 3), Halloween III, Les dents de la mer 3, Vendredi 13 Troisième partie, Rocky III, Superman III, Ménage à 3… En 1983, vous n’aviez donc pas intérêt à avoir loupé le début.
Sauf dans le cas d’Halloween III – Le sang du sorcier, parce que contre toute attente, le film de Tommy Lee Wallace ne s’inscrivait pas dans la continuité des films réalisés par John Carpenter en 1978 et Rick Rosenthal en 1981 – il n’entretient en effet aucun rapport avec ceux-ci, mis à part le thème de la fête d’Halloween. Et si on y voit bel et bien apparaître Michael Myers, le redoutable boogeyman d’Haddonfield, c’est uniquement par le biais d’une publicité télévisée, annonçant la diffusion prochaine du film de Carpenter. Pour le reste, rien à voir : le film n’évolue même pas dans la catégorie du « slasher » avec tueur masqué massacrant des adolescent(e)s. Rien à voir, qu’on vous dit ! Et, paradoxalement, tout à voir dans le même temps.
Car Halloween III s’ouvre et se maintient d’ailleurs pendant ses deux premiers tiers comme un excellent petit film de John Carpenter. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Tommy Lee Wallace a été à bonne école : s’offrant un sublime Scope photographié de main de maitre par Dean Cundey, le film joue la carte de l’ambiance, oppressante à souhait, et rythmée par la musique omniprésente de John Carpenter et Alan Howarth, typique de la production horrifique de l’époque du maestro, puisqu’elle évoque autant celle de The thing (1982) que celle de Christine (1983). Obsédante, la musique donnera aux images du film un côté vraiment fascinant, presque hypnotique. La « marque de fabrique » Halloween est donc bel et bien présente, d’autant plus clairement qu’elle se démarque par cette élégance froide devenue une véritable empreinte génétique du début de la saga.
Outre le fait de se débarrasser du trop encombrant Michael Myers, l’idée la plus marquante de cet Halloween III s’avère probablement de remettre la fête d’Halloween au centre du débat. L’ambition première de John Carpenter et Debra Hill, toujours bel et bien présents à la production du film, était de développer une anthologie de films fantastiques se déroulant lors de ladite fête, et la trame imaginée par le scénariste Nigel Kneale, transfuge de la TV et de la Hammer Films (on lui doit notamment le personnage de Bernard Quatermass, héros de séries et de films) ne devait à l’origine être que la première d’une série de longs-métrages tournant autour d’Halloween ; le projet se verrait finalement abandonné suite à l’échec public du film.
Kneale avait donc imaginé pour Halloween III une intrigue typique des grands récits de la science-fiction paranoïaque des années 50, qui serait finalement largement remanié par Tommy Lee Wallace et John Carpenter, ce dernier y ajoutant quelques-unes de ses préoccupations de l’époque (éclatement de la cellule familiale, prédominance des enfants dans les rapports sociaux), voire même quelques-unes de ses obsessions politiques profondes. En effet, étant donné le véritable matraquage publicitaire pour les masques de chez Silver Shamrock dans le film et la façon dont est orchestré le « plan » machiavélique de Conal Cochran, il est difficile de ne pas penser à l’intrigue à venir du chef d’œuvre Invasion Los Angeles (1988), même si bien sûr Carpenter y poussera encore un peu plus sa réflexion subversive concernant la société américaine. Ainsi, les implications sociales, médiatiques mais également commerciales tournant autour de la fête d’Halloween sont ici clairement pointées du doigt. Parallèlement, et d’une façon assez logique étant donné la nouvelle direction prise ici par la franchise, les origines irlandaises de Cochran s’expliquent par le fait que le film renoue clairement avec les origines de la fête d’Halloween, héritage de la fête religieuse de Samain (ou Samhain), célébrée par les Celtes au quinzième siècle avant Jésus Christ, et dont la mythologie servait également à expliciter de façon lapidaire l’esprit maléfique habitant Michael Myers dans Halloween II. Cela dit, et même si la légende autour du film veut que l’essence du récit ait été respectée, les modifications apportées à son script déplurent tellement à Kneale que ce dernier demanda que son nom soit retiré du générique.
On notera néanmoins que s’il s’impose comme une réussite plastique indéniable, Halloween III – Le sang du sorcier s’avère pourtant tout à fait convaincant dans le déroulement de son intrigue, assez prenante, du moins jusqu’à un dernier acte un poil too much et trop vite expédié, même si la fin ouverte est vraiment une réussite et très attachante dans son genre. Ainsi, le film a beau s’être tapé un sacré bide dans les salles à l’époque de sa sortie (14,4 millions de dollars aux États-Unis, 121.000 entrées en France), il a beau être affublé d’une note aussi minable qu’insultante sur IMDb (4,9/10 sur la base de plus de 40.000 votants), on ne peut de notre côté s’empêcher de ressentir une certaine tendresse pour ce petit film, développant d’autant plus de charme qu’il bénéficie d’un production design très soignée, et recycle tous les lieux « typiques » de l’imagerie du genre à l’époque : pavillon de banlieue, hôpital, station-service, motel… Ne manquait plus que le drive-in et on avait la totale. De plus, on notera que malgré son scénario apparaissant aujourd’hui comme décalé, presque fantaisiste, Halloween III ne verse pour autant jamais dans le risible ou le ridicule, et conserve jusqu’à son dénouement une atmosphère solide, nimbé de fantastique et flirtant gentiment avec la science-fiction. Efficace et à réhabiliter de toute urgence.
Le Blu-ray
[5/5]
Alors que les amateurs de slashers et les amoureux de la saga devaient se contenter depuis une vingtaine d’années de DVD au rabais remontant littéralement à la préhistoire du support, Halloween II et Halloween III débarquent enfin en Haute-Définition en France, sous les couleurs du Chat qui fume. Et comme d’habitude avec l’éditeur, ces deux éditions Combo Blu-ray + DVD en imposeront d’entrée de jeu grâce à leurs visuels classieux (signé Frédéric Domont) mais également au soin apporté au packaging : de beaux digipacks trois volets de la mort qui tue, ornés de photos du film et nantis d’un sur-étui cartonné. La classe américaine en somme, d’autant qu’il s’agit de tirages limités à 1500 exemplaires.
Côté technique, Le chat qui fume nous délivre, comme à son habitude, un sans-faute absolu avec cette édition Blu-ray d’Halloween III – Le sang du sorcier : définition précise, couleurs littéralement explosives, piqué à tomber, master full HD 1080p, aucun souci d’encodage à déplorer. Le rendu HD est sublime, et les amoureux de cette curiosité des années 80 (et il y en a plus qu’on ne le croit !) seront absolument ravis de redécouvrir le film dans des conditions inédites et absolument superbes : on tire à nouveau notre chapeau à l’éditeur pour cette merveilleuse présentation, d’autant que la rugueuse patine argentique d’origine a été respectée aux petits oignons frits sauce samouraï avec un supplément pickles. Côté son, le spectacle acoustique est également d’un excellent niveau : le film de Tommy Lee Wallace est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 en VO anglaise comme en VF d’époque, fidèle aux intentions d’origine des auteurs du film, le tout étant disponibles avec des sous-titres français clairs et sans fautes. Le film est également disponible dans un remixage DTS-HD Master Audio 5.1, essentiellement frontal durant les scènes dialoguées (ce qui préserve bien heureusement l’esprit du film), mais proposant une très intéressante et efficace spatialisation de la musique du duo John Carpenter / Alan Howarth et des effets d’ambiance. Bref, on peut y aller les yeux fermés, cette présentation acoustique s’avérant à la fois respectueuse et suffisamment spectaculaire pour tenter l’aventure.
Du côté des suppléments, on commencera avec une présentation du film par Éric Peretti (21 minutes), qui abordera la genèse du film et tout particulièrement du scénario d’Halloween III. La personnalité de Nigel Kneale, scénariste du film ayant expressément demandé à ne pas être crédité au générique, ainsi que ses relations avec John Carpenter, son entre autres largement évoquées, de même que l’idée de départ de John Carpenter et Debra Hill, qui consistait à sortir un nouveau film consacré à Halloween tous les ans, sur le principe de l’anthologie, un peu à la façon de séries TV telles que La quatrième dimension ou Night Gallery, toutes deux issues de l’imagination fertile de Rod Serling. Pour information, Éric Peretti est non seulement programmateur pour le festival « Hallucinations collectives » de Lyon, mais également pour le « Lausanne Underground Film & Music Festival ». Connaissant l’éclectisme du gars, et si vous me permettez cet aparté un peu personnel, je devrais peut-être lui confier mon morceau de techno trance expérimental, intitulé « Branlla-Beat ». Ça fait un peu comme ça : « Branlla-Beat / Branlla-Beat / Branl-Branl-Branl-Branl-Branlla-Beat / Branlla-Beat » etc, pendant trois minutes, et donc à la fin, au bout de trois minutes et quelques, tu t’essuies avec un kleenex. Hum, attendez, on peut revenir en arrière ? Oubliez ce que je viens de dire, là, j’ai honte.
On poursuivra notre exploration des bonus de ce Blu-ray d’Halloween III avec un très intéressant making of rétrospectif (33 minutes), intitulé « Autonome » et originellement produit pour l’édition Blu-ray du film éditée par Shout ! Factory en 2012. Passionnant et sans langue de bois, cet édifiant sujet n’éludera en rien les différents problèmes de production survenus sur le film. Parmi les intervenants, on notera la présence du réalisateur Tommy Lee Wallace, des acteurs Tom Atkins et Stacey Nelkin, de Dick Warlock, cascadeur et interprète de Michael Myers dans Halloween II, ou encore du mythique Dean Cundey. Chacun reviendra sur son expérience de façon honnête, on reviendra également sur la genèse du film ainsi que sur son accueil public et critique, pour le moins mitigé à l’époque de sa sortie, mais beaucoup plus positif presque quarante ans plus tard. On se régalera également d’une série d’anecdotes amusantes, notamment concernant le fameux jingle de la marque Silver Shamrock. Complet, vivant et très agréable !
On terminera avec la traditionnelle sélection de bandes-annonces qui nous permettront de trépigner d’impatience en attendant les prochaines sorties du Chat qui fume. Plus d’informations sur le site de l’éditeur.