Halloween II
États-Unis : 1981
Titre original : –
Réalisation : Rick Rosenthal
Scénario : John Carpenter, Debra Hill
Acteurs : Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Charles Cyphers
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h32
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 16 juin 1982
Date de sortie DVD/BR : 20 décembre 2019
Michael Myers n’est pas mort ! Les six balles tirées par le Dr Loomis n’ont pas suffi à arrêter le tueur, qui poursuit son but : retrouver et supprimer Laurie Strode. Blessée et choquée, la jeune femme, transportée à l’hôpital de Haddonfield, est loin de se douter que Myers est encore à ses trousses, laissant toujours plus de cadavres dans son sillage, tandis que Samuel Loomis traque sans relâche son ancien patient…
Le film
[4/5]
1978 : avec Halloween, John Carpenter posait brillamment les bases du slasher avec un film d’horreur qui se révélerait un des plus inatteignables sommets du genre, doublé d’une véritable date dans l’histoire du cinéma. Grandiose et minimaliste, le premier film de ce qui deviendrait une des franchises les plus rentables du genre parvenait à faire naître la peur sans recours au « gore » ou à de quelconques artifices visuels, mais uniquement par le biais d’une mise en scène précise, doublée d’un sens du timing absolument remarquable.
1980 : avec son Vendredi 13, Sean S. Cunningham reprenait l’essentiel des bases du genre telles qu’établies par Carpenter deux ans auparavant, mais en y ajoutant deux éléments destinés à attirer les adolescents dans les salles : de la nudité et des effets sanglants. Gros succès au box-office, le film de Cunningham deviendrait le modèle de la plupart des slashers à venir durant la décennie 80.
A vrai dire, l’explosion du slasher semble même avoir pris des allures de mine d’or pour les producteurs les plus opportunistes de ce début des années 80 : le genre semblait facile à mettre en boîte, et garantissait de belles réussites commerciales pour un investissement minimum. Les tueurs masqués ayant le vent en poupe, Moustapha Akkad (producteur du premier Halloween) et Dino De Laurentiis prennent le parti d’aligner les biftons pour convaincre « Big » John Carpenter de ressusciter Michael Myers. Halloween II bénéficiera donc d’un budget deux millions et demi de dollars, alors que le premier en avait coûté moins de 350.000 : en revanche, si Carpenter et Debra Hill signent bel et bien le scénario du film, la réalisation en est confiée au débutant Rick Rosenthal.
Partagé entre la déférence à l’original et l’attirance pour les outrances des slashers d’exploitation qui pullulaient sur les écrans de l’époque, Rosenthal signera au final avec Halloween II un slasher tellement bâtard que le maître John Carpenter se verra obligé de repasser derrière la caméra afin de tourner une petite poignée de séquences supplémentaires, dont bien sûr l’époustouflante ouverture suivant Michael Myers errant de pavillon en pavillon à Haddonfield.
Parce qu’il est vrai que le film démarre bien. Commençant pile là où le film précédent se terminait, Halloween II ne cessera dans un premier temps d’étonner le spectateur, suivant l’errance d’un personnage dont on ne connaît plus trop, à ce moment précis, les motivations. Mais l’ambiance est là, oppressante, imposant au spectateur la vision et la respiration du tueur à travers de longs plans steadicamés, la musique stressante à souhait, le tout baignant au cœur de l’inimitable photo de Dean Cundey… La mise en images du premier meurtre, suggestive jusqu’à en flirter avec l’expérimental, ne sera qu’une confirmation supplémentaire : on est bien en présence d’un fidèle et inespéré prolongement du film de 1978. Le recul, les lectures et les différents documentaires sur le film nous apprendront finalement que notre ressenti de l’époque était parfaitement naturel et logique, dans le sens où ces premiers instants du film avaient été tournés par Carpenter lui-même. Et puis lentement, presque imperceptiblement, au fil des séquences qui suivront, tout cela se mettra à basculer. Les qualités purement formelles demeurent, grâce à une équipe technique presque entièrement reconstituée pour l’événement, la marque de fabrique est bien présente, mais l’ensemble décroche. Ou du moins, il dévie, ne nous fournissant pas tout à fait le grisant frisson attendu.
On regrette par exemple les concessions faites par le film / la production au public adolescent, qui ne collent finalement que très peu avec la sécheresse implacable qui était une des caractéristiques les plus marquantes du premier opus : on pense à l’inévitable infirmière à poil dans le jacuzzi, mais aussi et surtout au fait que Michael Myers devienne, comme la plupart des tueurs des slashers des 80’s, un boogeyman « Kiloutou », utilisant tout ce qui lui passe sous la main pour tuer son prochain, histoire de varier les plaisirs et de contenter un public pour qui un meurtre au couteau ne suffit plus, et à qui il faut de la variété dans la mise à mort, et que celle-ci s’avère si possible spectaculaire. Ainsi, Myers se met donc ici pour on ne sait quelle raison à faire varier son modus operandi : il ne tue plus seulement au couteau, mais également au marteau, à la seringue (plantée en plein dans l’noeil), au scalpel, en vidant une victime de son sang, ou encore au « jacuzzi », Rosenthal prenant également grand soin de proposer après chaque mort le petit plan démonstratif qui va bien, de façon à montrer les dégâts spectaculairement macabres provoqués par notre impassible nouveau McGyver de l’équarrissage sauvage.
Mais si mine de rien la tonalité de l’ensemble dévie légèrement vers un slasher un peu moins « racé » que celui initié par John Carpenter trois ans auparavant (on mettra également en cause une inutile idée – quoi que fort bien mise en images – afin de relier Laurie et Michael), la mise en scène de Rick Rosenthal n’en est pas pour autant exempte de qualités, même si elle s’avère finalement assez différente de celle de son modèle. On dénote certains points communs entre les deux, tels que cette inclinaison à proposer des plans longs mettant en évidence les notions d’arrière-plan et de profondeur de champ. Cet attachement à surprendre le spectateur en ne lui donnant pas forcément ce qu’il attend de façon frontale est d’ailleurs peut-être encore un peu plus accentué chez Rosenthal, dans le sens où le cinéaste, à dessein, s’efforce de retarder le plus possible l’arrivée du tueur au cœur même de son cadre. Il privilégie ainsi dans un premier temps son apparition à travers les écrans, les reflets, les ombres ou les silhouettes… L’arrivée de Myers au cœur du cadre – et du débat – coïncidera avec le réveil du personnage de Jamie Lee Curtis, dans le cake durant les deux premiers tiers du film. Et Halloween II de retrouver de sa superbe avec une vingtaine de minutes finales assez incontournables, stressantes et pleines d’excellentes idées, avec ces deux personnages qui finalement se retrouvent souvent à un ou deux mètres l’un de l’autre. De ce face à face en pleine lumière attendu depuis un film et demi, Rosenthal parvient à tirer une série de séquences franchement originales et assez fascinantes, mettant en scène soit un Myers incapable de mettre la main sur Laurie (et donnant des coups de scalpel à l’aveuglette devant lui !), soit une Laurie incapable de fuir, les membres endormis par les calmants.
A la croisée des chemins entre deux « visions » du genre et même du boogeyman en lui-même (dont on dit d’un côté qu’il n’a rien d’humain, et à qui l’on greffe pourtant un arbre généalogique de l’autre), Halloween II n’a certes pas la classe immortelle et définitive de l’épisode inaugural ; cependant, par sa nature même de film ayant un peu le cul entre deux chaises, il se pose clairement comme une « charnière » au sein de ce qui s’imposera au fil des années comme une des franchises les plus prolifiques de l’histoire du cinéma horrifique, puisqu’elle compte déjà treize films à son actif : huit dans la première période (1978-2002), deux remakes signés Rob Zombie (2007-2009) et une nouvelle trilogie mise en scène par David Gordon Green (2018-2021). Ainsi, le scénario de Carpenter et Debra Hill participe donc grandement à ériger Michael Myers en future grande figure du genre, même si en 1981, ni Freddy Kruegger ni Jason Voorhees n’ont pour le moment fait leur apparition en tant qu’éradiqueurs acharnés d’ados en goguette.
Mais si on peut toujours, 40 ans plus tard, émettre quelques réserves au sujet d’Halloween II, surtout en comparaison avec le premier épisode, il faut néanmoins avouer que la réhabilitation des slashers des années 80 évolue dans l’esprit des fantasticophiles, lentement mais sûrement, au point même de parfois mettre aujourd’hui les deux films sur un pied d’égalité. Cette réhabilitation est un signe des temps ; les slashers estampillés 80’s véhiculent en effet un charme visuel certain, qui se double d’un effet « nostalgie » pour les cinéphiles les ayant découvert il y a quarante ans, alors qu’ils étaient en plein effet de mode. Et finalement, les revoir aujourd’hui provoque toujours avec le recul une irrépressible indulgence – c’est d’autant plus manifeste qu’il ne semble plus n’y avoir que les « ieuvs » comme l’auteur de ces lignes qui revoient les films de cette époque, la jeune génération préférant s’abreuver de nouveautés horrifiques. « C’était pas si mal » se dit-on dès lors à soi-même, se maudissant d’avoir eu la dent dure à l’époque de leur sortie. C’est finalement assez logique, dans le sens où, dans le cas précis d’Halloween II, on ne comparera plus le film de Rick Rosenthal avec le film qui l’a précédé, mais au contraire bel et bien avec ceux qui le suivraient – en particulier les épisodes 4 à 8 de la saga. Voire même avec la médiocrité désespérante de la quasi-majorité des slashers « de majors » des années 80, 90 et 2000. Ainsi, si Rodrigue affirmait que « la valeur n’attend point le nombre des années », le cas du film de Rick Rosenthal doit constituer une exception à la règle !
Le Blu-ray
[5/5]
Alors que les amateurs de slashers et les amoureux de la saga devaient se contenter depuis une vingtaine d’années de DVD au rabais remontant littéralement à la préhistoire du support, Halloween II et Halloween III débarquent enfin en Haute-Définition en France, sous les couleurs du Chat qui fume. Et comme d’habitude avec l’éditeur, ces deux éditions Combo Blu-ray + DVD en imposeront d’entrée de jeu grâce à leurs visuels classieux (signé Frédéric Domont) mais également au soin apporté au packaging : de beaux digipacks trois volets de la mort qui tue, ornés de photos du film et nantis d’un sur-étui cartonné. La classe américaine en somme, d’autant qu’il s’agit de tirages limités à 1500 exemplaires.
Côté Blu-ray, on pourra donc aujourd’hui (re)découvrir Halloween II dans une présentation Haute-Définition absolument éblouissante. Le master restauré affiche une forme olympique, le piqué et le niveau de détail sont d’une précision absolue et ne faiblissent littéralement jamais, le solide grain argentique a été scrupuleusement préservé, les couleurs sont éclatantes et naturelles, et le tout maintient un excellent niveau de précision malgré une photographie la plupart du temps très sombre : en deux mots comme en cent, c’est du très beau travail technique. On est véritablement en présence d’un Blu-ray exemplaire, d’autant qu’aucun souci de compression ne vient gâcher la fête. Niveau son, la VF d’origine ainsi que la VO nous sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine) au rendu sonore confortable, clair et sans le moindre souffle, en deux mots tout aussi recommandable que l’image. Ce sans-faute absolu sera définitivement entériné par la présence d’une version originale mixée en DTS-HD Master Audio 5.1, faisant preuve d’un étonnant dynamisme, avec une très intéressante spatialisation des effets d’ambiance et un rendu acoustique d’une très grande efficacité sur les scènes de flippe : l’immersion absolue est garantie.
La section interactivité nous propose également son lot de douceurs absolument remarquables : on commencera avec un formidable making of rétrospectif intitulé « Le cauchemar n’est pas fini » (45 minutes). Originellement produit pour l’édition Blu-ray du film éditée par Shout ! Factory en 2012, ce documentaire très complet retrace l’histoire de la production du film, en évitant assez brillamment la langue de bois. Les intervenant s’y exprimeront avec honnêteté ; ainsi, le producteur Irwin Yablans ne semble pas si enthousiaste que cela au sujet du film terminé, qu’il considère comme assez banal. Les interventions les plus intéressantes du lot sont à attribuer à Rick Rosenthal (qui évoque les scènes rajoutées par John Carpenter avec philosophie), au chef opérateur Dean Cundey, au compositeur Alan Howarth et enfin à Tommy Lee Wallace, futur réalisateur d’Halloween III, qui évoque avoir été contacté afin de réaliser le film, mais que le scénario ne l’avait pas convaincu.
On continuera ensuite avec une présentation du film par Éric Peretti (31 minutes), qui reviendra très habilement sur les « petites histoires » autour d’Halloween II sans jamais s’avérer redondant avec ce qui se dit dans le reste des suppléments, et notamment dans le making of. Il y abordera assez longuement la genèse du projet et le scénario du film, revenant par exemple sur les éléments « piqués » par John Carpenter à la novellisation du premier film. Il reviendra également sur le fait que le film se déroule juste après les événements du premier, ce qui n’est pas sans soulever quelques problèmes de continuité, Jamie Lee Curtis s’étant selon lui probablement faite refaire les dents et la poitrine entre les deux films. Les anecdotes et les idées fusent, et même si l’on n’est pas obligé d’être à 100% d’accord avec tout ce qu’avance le programmateur du festival « Hallucinations collectives » de Lyon, l’ensemble demeure néanmoins tout à fait intéressant.
Pour terminer, et en plus de la traditionnelle sélection de bandes-annonces éditeur, on pourra se plonger dans une série de scènes coupées ainsi que découvrir une fin alternative, déjà en grande partie visible dans le documentaire. Si la fin alternative est du dernier ridicule, les scènes coupées en revanche valent le coup d’œil, nous proposant quelques dialogues et scènes mettant en scène le personnel hospitalier. Plus d’informations sur le site de l’éditeur.