Greta
États-Unis, Irlande : 2018
Titre original : –
Réalisation : Neil Jordan
Scénario : Ray Wright, Neil Jordan
Acteurs : Isabelle Huppert, Chloë Grace Moretz, Maika Monroe
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h38
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie cinéma : 12 juin 2019
Date de sortie DVD/BR : 12 octobre 2019
Quand Frances ramasse un sac à main égaré dans le métro de New York, elle trouve naturel de le rapporter à sa propriétaire. C’est ainsi qu’elle rencontre Greta, veuve esseulée aussi excentrique que mystérieuse. L’une ne demandant qu’à se faire une amie et l’autre fragilisée par la mort récente de sa mère, les deux femmes vont vite se lier d’amitié comblant ainsi les manques de leurs existences. Mais Frances n’aurait-elle pas mordu trop vite à l’hameçon ?
Le film
[3/5]
Une fois n’est pas coutume, je prends le parti de commencer cet article à la première personne, afin d’évoquer une anecdote qui me servira à introduire mes pensées autour de Greta, le dernier film en date de Neil Jordan. Cela remonte à quelques années, alors que je n’officiais pas encore sur critique-film.fr mais sur un site de cinéma un peu plus « important » en termes de visibilité sur le Net ; un site aujourd’hui uniquement consacré aux news autour des films de super-héros et des chiffres au box-office de tel ou tel blockbuster, toujours annoncés comme si catastrophiques qu’on finit par se demander comment font les gros studios pour ne pas couler les uns après les autres. Sous l’impulsion de notre rédacteur en chef de l’époque (qui n’avait de rédac’ chef que le titre), l’ensemble de la rédaction s’était creusé le ciboulot afin de retrouver dans ses souvenirs « LA » scène la plus angoissante qui soit, tirée de n’importe quel film. L’issue de ce brainstorming fut très surprenante pour moi, puisqu’à la lecture de l’article, je découvrais dans la liste dressée par mes petits camarades de jeu de l’époque la séquence d’ouverture du Justicier braque les dealers (J. Lee Thompson, 1987). Or il se trouve que cette scène, prenant place dans un parking souterrain, je la tenais pour ma part comme ouvertement parodique (ce qui, comme dans le cas du Commando de Mark L. Lester, pourra certes être discuté) ; pire encore, je la considérais – et la considère toujours – comme absolument hilarante, presque digne des délires visuels des Zucker – Abrahams – Zucker.
Tout ça pour dire que nul n’est égal devant la notion d’angoisse au cinéma, et Greta en est une nouvelle preuve. Loin de nous l’idée de crier au nanar ou au film provoquant malgré lui les fous-rires les plus incontrôlables. Greta a d’ailleurs plutôt eu bonne presse au moment de sa sortie, Neil Jordan et Isabelle Huppert étant tous deux plutôt en odeur de sainteté du côté de la critique en général : ainsi, le dossier de presse du film multiplie les extraits critiques dithyrambiques. Pour Le Figaro, « La tension ne retombe jamais et peut même atteindre des sommets », pour Le Parisien, « Magistralement et en anglais, Isabelle Huppert incarne une veuve manipulatrice », pour L’écran fantastique, le film s’avère « Captivant de bout en bout et porté par l’interprétation réjouissante d’Isabelle Huppert. ». Ouest France vous garantit de « trembler de peur », Les échos « un thriller psychologique qui flirte avec le film d’horreur. », TMV affirme que « Isabelle Huppert se révèle flippante en froide psychopathe », La Provence avance que « le rythme soutenu et l’interprétation solide tiennent en haleine », etc, etc. Le JDD, Télérama, Le Monde, Midi Libre, Libé et Les Inrocks, L’Huma, 20 minutes, Mad Movies et une flopée d’autres grands noms de la critique française y vont tous de leurs éloges.
Cela dit, et comme on a maladroitement tenté de l’expliquer en préambule, ce qui pourra fortement impressionner certaines personnes pourra également en faire sourire d’autres. Et on admettra quant à nous que l’on est complètement passé à côté du film. Ainsi, le spectacle d’une Isabelle Huppert en croque-mitaine apparaissant, comme le petit garçon fantôme de The grudge, au détour de tel ou tel plan, nous aura bien d’avantage fait rire que remué en nous la plus petite crainte. De la même façon, la « grosse » séquence de flippe du film, mettant en scène une course-poursuite relayée par des écrans de téléphone, nous aura carrément achevé. Ce sont donc les cuisses rougies et les joues baignées de larmes de rire que nous aurons terminé le visionnage du dernier film de Neil Jordan, quand autour de nous tous les représentants les plus sérieux et inattaquables du métier jetaient des coups d’œil inquiets sur leurs slips afin de vérifier qu’ils ne s’étaient pas oubliés pendant la projection.
Heureusement, la critique en France est « plurielle », et certaines remises en question pouvaient être entendues à travers la cacophonie de louanges. Parmi ces voix dissonantes, on pouvait lire les propos de notre rédacteur en chef Pascal Le Duff, qui n’avait, comme nous, guère été convaincu par Greta :
« Neil Jordan signe un de ces thrillers sans âme aux fausses pistes outrées qui ont longtemps essaimé nos écrans avant de se faire heureusement plus rares. On se demande ce qui a poussé la pourtant très occupée Isabelle Huppert à se retrouver dans cette galère. La démence affichée de Greta lui permet d’amuser (involontairement) lorsqu’elle multiplie les dialogues et attitudes grotesques, mais ce côté parodique n’est pas du tout assumé. Chloë Moretz semble plus impliquée mais ne peut guère sauver les meubles. »
Reste maintenant la question de l’indispensable « note » chiffrée que nous attribuons à chaque film que nous abordons ici. « Pourquoi lui mettre 2,5/5 si c’est pour le descendre en flammes ? » me demanderez-vous. Disons simplement que comme tous les films de Neil Jordan, Greta est plus que correctement mis en scène et interprété. Si l’on met de côté les outrances du jeu d’Isabelle Huppert, intrinsèquement liées à son personnage, Chloë Grace Moretz et Maika Monroe sont plutôt convaincantes. De la même façon, si on admet être passé complètement à côté de ce que voulaient nous dire Jordan et son co-scénariste Ray Wright, le film nous a dans l’ensemble plutôt fait marrer… et donc, paradoxalement, passer un bon moment. C’est bien ce qui importe, non ?
Le Blu-ray
[4/5]
Rôdé au format Haute Définition depuis de nombreuses années maintenant, l’éditeur Metropolitan Vidéo a indéniablement soigné sa copie côté Blu-ray pour cette édition de Greta : le film est naturellement encodé en 1080p, et la galettes affiche une belle précision et un piqué redoutable ; les couleurs explosent littéralement les mirettes, les contrastes sont solides, bref tout est fait ici pour nous proposer de découvrir le dernier effort de Neil Jordan dans des conditions optimales. Côté son, VF et VO sont toutes deux proposées en DTS-HD Master Audio 5.1 ; on privilégiera plutôt le mixage anglais, globalement plus ample et dynamique, même si Isabelle Huppert double elle-même son personnage dans la version française.
Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose une featurette de trois minutes qui fera office de making of et donnera la parole, entre autres, à Neil Jordan. On continuera ensuite avec une poignée de scènes coupées (6 minutes), parfois intéressantes, parfois sans aucun intérêt. Pour terminer, on aura également droit aux traditionnelles bandes-annonces éditeur.